Les voyages de Mat : le monde à vélo et la France à pied
Traverser la France à pied : des Ardennes aux Pyrénées-Atlantiques en passant par la Creuse et La Lozère… cela ne vous fait pas vraiment rêver ? Détrompez-vous, les plus belles des aventures ne sont pas nécessairement les plus lointaines! Mathieu l’a fait et vous partage les coulisses de ses pérégrinations le long de la diagonale du vide : sur son blog mais aussi dans son tout nouveau (et premier) livre ! Globe-trotteur depuis plus de 15 ans, il privilégie la lenteur et la rencontre. Il a d’ailleurs longtemps travaillé comme rédacteur de guides de voyage et fait un tour du monde à vélo sur le thème de la musique. Nous l’avons rencontré et lui avons demandé son avis : tourisme et développement durable peuvent-ils aller de pair ?
Une anecdote de voyage liée aux problématiques de tourisme durable ?
Mathieu : « L’histoire se passe en Italie. Pour le nouvel an, j’ai rejoint ma copine à Naples, sans guide comme à l’accoutumée. Naples, c’est la ville de la pizza par excellence et nous nous jetons sur la première échoppe de pizza à quelques pas de la gare dans un quartier populaire… Délicieuse !
En traversant les rues piétonnes du centre historique, on progresse parfois avec difficultés. Dans les ruelles, des attroupements de gens de plusieurs dizaines de mètres attendent pour manger des… pizzas ! Trois rues plus loin, les pizzas sont les mêmes et il n’y a personne. Mais là, c’est la cohue. Surréaliste.
Un ami napolitain nous expliquera plus tard qu’avec le report des voyageurs vers des destinations plus « sûre » que les pays du Maghreb soumis à la « menace terroriste » (je mets beaucoup de guillemets à tout ça), la ville est submergée par un afflux de touristes depuis quelques années. Les pouvoirs publics s’en réjouissent mais ne font rien. Au final, Naples va vite devenir un cauchemar, et pour les touristes, et pour les habitants, qui voient déjà les prix augmenter.
C’est un des problèmes du tourisme de masse, et du tourisme en général, d’ailleurs qui, en satisfaisant ses désirs, détruit l’objet même de ses désirs. C’est pour cette raison que je propose sur mon blog des destinations et des manières de voyager alternatives, moins basées sur la consommation de produits touristiques et plus basées sur l’expérience. Mon voyage en France à pied à travers la diagonale du vide était justement une manière de montrer que oui, on peut faire un voyage exotique sans partir au bout du monde et que le voyage est plus une question de regard qu’une question de destination. »
Ta définition du tourisme responsable ?
Mathieu : « Si l’on faisait du touriste qui va consommer un territoire un voyageur qui va entreprendre son voyage, je pense qu’on pourrait aller vers un tourisme plus responsable.
Dans l’état actuel des choses, le touriste délègue sa responsabilité aux professionnels du tourisme. Presque personne ne renonce à prendre l’avion, à utiliser une piscine, à jouer au golf ou à brancher sa climatisation. Par contre, les touristes sont plus nombreux à exiger que l’offre, elle, soit durable. (C’est ce que disait Josette Sicsic dans une interview donnée à l’Expansion il y a quelques années). On voit bien qu’il y a une schizophrénie du discours.
Va-t-on demander à des professionnels du tourisme, dont le modèle économique repose sur le développement du trafic aérien, de préserver la planète, alors même que leur principal impact en matière environnemental est l’avion ?
Pour moi, le voyage le plus responsable, c’est celui que l’on fait, plutôt que celui qu’on achète. Il pose l’individu en consommateur responsable, qui peut à chaque étape choisir selon ses convictions (s’il en a) et son pouvoir d’achat (s’il en a).
Personnellement, je pratique le slow travel. En voyage, la vitesse met la pression. Tout doit être optimisé, on veut en faire le maximum pour rentabiliser l’investissement et du coup, on court partout. Time is money, mais time is CO2 aussi. Plus on voyage vite, plus ça nous coûte et plus ça coûte à la planète. Au contraire, prendre le temps de faire son voyage, se laisser surprendre, faire des rencontres, adapter son programme aux aléas permet de savourer le temps qui passe au lieu de le rentabiliser.
Je crois aussi beaucoup à tout ce qui se met en place autour du partage des savoirs, de l’échange de compétences, du covoiturage, du volontariat, de la mise en commun des ressources et des énergies déjà disponibles : d’une part parce que ça optimise les ressources disponibles et d’autre part parce que ça crée des rencontres, qui représentent pour moi tout l’intérêt de voyager.
Enfin, partir moins loin, en utilisant des modes de transport comme le train, le vélo, la marche, permet de redécouvrir ce qu’on a sous les yeux autrement. Au cours de mon voyage en France, j’ai compris pourquoi les étrangers considèrent encore la France comme le plus beau pays du monde.«
Et à travers ton rôle de blogueur-voyageur ?
Mathieu : « J’applique ce que je dis. Je voyage principalement à pied ou à vélo, j’évite de prendre l’avion, et je voyage lentement. Je voyage ainsi depuis plus de 15 ans, j’ai pu comparer les voyages faits à bride abattus et ceux où l’on profite du paysage et des rencontres… il n’y a pas photo.
Pour ce qui est des destinations, elles dépendent de mes envies. Je ne m’interdis rien (durant mon tour du monde, j’ai boycotté la Birmanie parce que la junte militaire était au pouvoir et je pense que c’était une erreur). S’il s’agit d’une destination très touristique, je m’assure d’y aller hors saison et d’emprunter les itinéraires hors des sentiers battus parce que j’aime bien que mes rapports avec les autochtones ne se résument pas à des rapports marchands, ce qui est trop souvent le pendant du tourisme de masse.
De retour, je publie sur mon blog les récits que je tire de mes voyages. Je ne fais presque pas de guides, je donne peu de conseils… J’en ai écrit à une époque mais ordonner le monde sous forme de choses à voir/à faire, ce n’est pas ma vision du voyage. Je raconte et j’essaye de donner à mes lecteurs envie de partir, avec malgré tout quelques bonnes adresses lorsqu’elles s’y prêtent. Surtout, j’essaye de les inciter à ne pas trop organiser leur voyage sous forme d’un enchaînement de prestations mais au contraire de s’ouvrir au hasard et se laisser surprendre sur place. Être un peu moins touristes et un peu plus voyageur.
Pour moi, le tourisme durable penche clairement pour cette dernière catégorie. Je crois que pour rendre l’impact de nos voyages un peu plus supportable, il faut redonner du souffle au voyage et donner, plus que des guides, de l’inspiration et de la curiosité. Dans le livre que j’ai tiré de ma traversée de la France, La diagonale du vide, un voyage exotique en France, je commence par cette phrase de Franz Bartelt : « Entendu à la radio un voyageur s’expliquer. Et il disait « Dans les voyages, on rencontre des gens merveilleux. C’est un des grands plaisirs du voyage, rencontrer des gens merveilleux . » Pourquoi ne pourrait-on pas aussi rencontrer des gens merveilleux chez soi, dans sa rue, dans son immeuble ? Les gens merveilleux sont partout, pas seulement sur le chemin du voyageur. » Je trouve que ça résume tout. »
D’autres blogs de voyage à nous recommander ?
Fish and child, parce que je trouve que la pêche est un super moyen de voyager au contact de la nature et parce que Mitchka se revendique organisatrice de voyages désorganisés alors forcément, ça me parle… Wait and sea, pour leurs très belles photos et pour le groupe Facebook Voyage éthique que Chrys a créé et anime. Et comme j’écoute pas mal de mal de podcasts, je recommande aussi mes amis de la terre à boire qui me font voyager à travers les vignes françaises et celui de la diagonale du vide qui me fait voyager dans la France exotique et rurale.
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Commander le livre : « La Diagonale du vide, un voyage exotique en France » par Mathieu Mouillet
Visitez son blog : www.lesvoyagesdemat.com
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Par Florie Thielin
Florie Thielin fait partie du collectif de voyageurs-rédacteurs-journalistes de Voyageons-Autrement. Elle accompagne aussi des professionnels du tourisme dans leur stratégie marketing et digitale. Originaire d'un petit village dans la vallée de la Loire, elle vit aujourd'hui à Lyon. Elle a aussi vécu en Russie, Allemagne, Nouvelle Zélande et Espagne. Mais sa plus grande aventure fut en Amérique Latine où elle a sillonné les routes de 16 pays, de Cancun au Cap Horn, pendant près de deux ans. Elle troquait alors ses compétences en marketing pour le gite et le couvert, tout en réalisant des interviews-vidéos sur le tourisme plus responsable avec ses amis d'Hopineo. Elle a aussi mis à jour le guide de voyage du Petit Futé Nicaragua-Honduras-Salvador.
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