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Égalité et légitimité : « backlash » pour les femmes ?

| Publié le 8 mars 2023
Thèmatique :  Conseils 
             

Ce dossier spécial Femmes du tourisme s’inscrit pour une quinzaine de l’égalité dans le cadre du 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Plusieurs portraits d’actrices du tourisme ou de sujets portant sur les femmes seront présentés sur le portail pendant deux semaines. Alors, question sur la place des femmes dans notre société actuelle : backlash ou vulvocratie ? Le backlash (ou retour de bâton) désigne un concept théorisé par Susan Faludi qui travaille sur les stratégies des conservateurs – antiprogressistes à casser les avancées des droits des femmes (ex : interdiction de l’IVG dans certains états américains). A l’inverse, la vulvocratie* est un terme péjoratif désignant un type de pouvoir « qui serait » exercé par les femmes sur les hommes opprimés (les fameuses castratrices qui veulent prendre le pouvoir). On en est où du coup, sur l’égalité et la légitimité des femmes aujourd’hui ?

Affiche de l’artiste DUGUDUS « Vaincre le patriarcat »
« Le patriarcat ne tombera pas tout seul, combattons-le pour une société plus juste où chacune aura ses chances de réussite et d’émancipation. Faisons face à la domination des corps et des pensées en luttant ensemble pour faire entendre de plus en plus loin la voix des femmes. »

ÉGALITÉ FEMMES HOMMES, QUI DIT LA LOI ?

La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes aborde le sujet des inégalités et comprend des mesures pour améliorer le quotidien des femmes, faire progresser leurs droits et changer les mentalités.

« Parce que les inégalités que connaissent les femmes sont innombrables, cette première loi-cadre pour les droits des femmes était indispensable. Ses mesures constituent un levier formidable pour améliorer le quotidien des femmes. Mais il ne suffit pas de faire voter des lois. Il faut aussi que chaque citoyenne, chaque citoyen, connaisse ses droits et puisse en bénéficier dans la vie de tous les jours. C’est pourquoi la mise en œuvre concrète de la loi du 4 août 2014 devait être rapide. C’est désormais chose faite. »

Marisol Touraine.

Les grandes priorités de cette loi sont :

  • De nouveaux moyens pour l’égalité professionnelle ;
  • Une garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires ;
  • L’action contre les violences faites aux femmes ;
  • Le recul des stéréotypes sexistes ;
  •  La généralisation de la parité.
Dessin de Adene © Cartooning for Peace

Sur le 1e point de l’égalité professionnelle la loi du 22 décembre 1972, rappelle que le salaire des femmes doit être égal à celui des hommes « pour un même travail ou un travail de valeur égal ». Pourtant, les inégalités dans le milieu professionnel demeurent. Selon une étude de l’Insee de 2022, les femmes gagnent encore 22 % de moins que les hommes.De même pour la retraite puisqu’elles touchent 24 % de moins. Mais entre ce que dit la loi et la réalité, il reste encore du chemin, plus ou moins casse-gueule pour les femmes.

ÉTAT DES LIEUX DU SEXISME EN FRANCE : CHIFFRES CLEFS

Le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes a publié en novembre dernier un baromètre du sexisme et dans la foulée son rapport annuel 2023 sur l’état des lieux du sexisme. La synthèse des enseignements de ces études est assez alarmante, il reste encore du boulot !

1°) Un constat grave et sans concession sur l’état du sexisme en France

Une reconnaissance claire et massive de l’existence d’inégalités entre les femmes et les hommes dans toutes les sphères de la société ;

  • 93 % estiment que les femmes et les hommes ne sont pas traité·e·s de la même manière ;
  • Seul·e·s 2 Français·e·s sur 10 estiment que les femmes et les hommes y sont égaux en pratique dans le monde professionnel ;
  • 55 % considèrent qu’il est difficile d’être une femme.

Un vécu et une expérience du sexisme largement partagé et restitué par les femmes 

  • 80 % des femmes ont déjà eu l’impression d’avoir été moins bien traitées en raison de leur sexe ;
  • Sexisme ordinaire : 57 % des femmes ont déjà subi des blagues ou remarques sexistes, 41 % un déséquilibre dans les tâches ménagères, 41 % des sifflements et gestes déplacés de la part d’un homme, 38 % du mansplaining (=situation dans laquelle un homme explique à une femme quelque chose qu’elle sait déjà, voire dont elle est experte, souvent sur un ton paternaliste ou condescendant) ;
  • 37 % des Françaises ont déjà vécu une situation de non-consentement ;
  • 14 % ont subi un « acte sexuel imposé » (dont 22 % des femmes de 18 à 24ans).

Le sexisme, une charge mentale importante et spécifique pour les femmes dans leur quotidien :

  • 9 femmes sur 10 ont exprimé une charge mentale d’anticipation des actes et propos sexistes.
  • 55% des femmes ont déjà dû renoncer à faire des activités seules ;
  • 52 % renoncent à s’habiller comme elles le souhaitent ;
  • 15 % des femmes ont déjà redouté voire renoncer à s’orienter dans les certaines filières métiers scientifiques (par crainte de ne pas y trouver leur place) ;

2°) L’indifférence face à certaines situations sexistes « ordinaires », la difficulté pour les hommes à porter une responsabilité collective

Une acceptabilité des situations sexistes encore très fortement exprimée dans l’opinion :

  • 61 % estiment que les blagues et remarques sexistes sont problématiques ;
  • 56 % considèrent que les femmes sont naturellement plus douces que les hommes ;
  • 42 % estiment qu’il est acceptable qu’un homme aborde une femme dans la rue pour lui proposer d’aller boire un verre.

Des hommes qui s’avèrent beaucoup plus sexistes que les femmes…

  • 54 % des hommes considèrent que les hommes et les femmes sont traité·e·s de la même manière dans les médias contre 32 % des femmes ;
  • Les hommes âgés de 65 ans et plus sont 78 % à considérer qu’un homme doit prendre soin financièrement de sa famille ;
  • 49 % d’entre eux considèrent qu’il est normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants ;
  • 47 % estiment qu’il est normal que les femmes prennent plus soin de leur physique que les hommes ;

… et qui peinent à porter une responsabilité collective :

  • 4/10 hommes considèrent que la lutte antisexisme va trop loin et estiment qu’on s’acharne sur les hommes (merci Michel Sardou).

3°) Des pouvoirs publics durement jugés, une inefficacité perçue des outils de prévention et lutte contre le sexisme :

  • Le sentiment d’impunité des actes et propos sexistes est partagé par 77 % de la population ;
  • ½ femmes de moins de 35 ans considèrent que les lois et sanctions sont insuffisantes ;
  • 82 % des gens souhaitent voir la prévention et la lutte contre le sexisme devenir des sujets prioritaires dans l’agenda des pouvoirs publics.
« Le sexisme, on ne sait pas toujours comment ça commence, mais on sait comment ça se termine… »
(slogan de la campagne du HCE de 2023)

GENERATION EGALITE : PLAN DE RELANCE FÉMINISTE PAR OXFAM

Oxfam France appelle à la mobilisation par un plan de relance féministe plaçant la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes au cœur des réponses politiques à la crise du Covid-19. L’ONG a publié un argumentaire pour défendre les politiques publiques féministes :

  1. Parce qu’il est temps de décharger les femmes du travail domestique ;
  2. Parce que les femmes sont surreprésentées dans les métiers précaires ;
  3. Parce que la pandémie a accentué les inégalités de genre ;
  4. Parce que les femmes sont les grandes perdantes dans notre système fiscal ;
  5. Parce qu’il est nécessaire d’avoir une solidarité internationale féministe.

Aussi Oxfam propose 4 mesures clefs de lutte féministes dans une pétition :

  1. Promouvoir des politiques publiques qui déchargent les femmes du travail domestique, en renforçant davantage les congés parentaux et le service public de la petite enfance ainsi qu’en menant de véritables politiques de sensibilisation pour un partage plus égalitaire des tâches au sein des foyers.
  2. Corriger les inégalités entre les femmes et les hommes dans le monde du travail en s’attaquant à la fois à la revalorisation des métiers à prédominance féminine, à la sous-représentation des femmes à la tête des entreprises et en conditionnant les aides publiques à l’égalité femmes-hommes.
  3. Appliquer la budgétisation féministe aux plans de relance pour véritablement évaluer l’impact des politiques publiques sur la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes.
  4. Adopter une solidarité internationale féministe en augmentant les financements en faveur de l’égalité femmes-hommes et permettant de soutenir les mouvements et organisations féministes des pays en développement.

NOUVELLES PERSPECTIVES FÉMINISTES ?

Un féminisme, des féminismes ?

On définit le féminisme comme : « un ensemble de mouvements et d’idées philosophiques qui partagent un but commun : définir, promouvoir et atteindre l’égalité politique, économique, culturelle, sociale et juridique entre les femmes et les hommes. »

On parle plus des féminismes que du féminisme. Ils correspondent en effet à différentes vagues du courant idéologique féministe à travers plusieurs combats :

  • Suffragettes et lutte pour la reconnaissance des droits civiques (années 1920 à 1950) ;
  • Le féminisme décolonial pour lutter contre le patriarcat (années 1960) ;
  • Revendications hétérogènes des femmes invisibilisées et des minorités (années 1990) ;
  • #MeToo et #NousToutes pour lutter contre les nouveaux modes de communication (années 2010).

La chercheuse en philosophie féministe et militante Myriam Bahaffou nous brosse un portrait des différents mouvements féministes et propose un manifeste écosexuel qui souligne de nouvelle relation au vivant.

Syndrome de l’imposteur

Les personnes souffrant du syndrome de l’imposteur expriment une forme de doute maladif qui consiste essentiellement à rejeter son propre mérite et qui va attribuer son succès à l’autre (c’est de la chance, …). Le concept est proposé par la psychologue Pauline Rose Clance. Il est défini comme « un sentiment désagréable de doute permanent qui consiste à ne pas se sentir légitime dans son statut actuel et à avoir des difficultés à s’approprier ses propres succès ». Clance propose même une échelle du phénomène de l’imposteur.  Le terme fait écho à d’autres concepts comme la peur de l’échec (kakorraphiophobie), le syndrome de la bonne élève (perfectionnisme excessif) ou l’effet de sur-confiance (ou effet de Dunning-Kruger).

Je vous invite à (ré)écouter l’intervention de Claire Louerat et Cécile Valéro aux ET18 de Pau sur la parole au féminin. Elles nous avaient parlé la théorie du plafond de verre, de charge mentale, sororité et tuyau percé. Elles avaient conclu l’atelier par quelques conseils plus qu’utiles :

  • Avoir confiance en soi ne veut pas dire être arrogant.e ;
  • On est toujours son juge le plus sévère, soyons indulgent.e.s avec nous-même !
  • Tout le monde se plante, sauf celleux qui ne font jamais rien ;
  • Ne pas se laisser emporter par sa charge mentale et émotionnelle ;
  • Ça ne se passera jamais comme on pense, même si on a préparé et répété son intervention ;
  • Être à 100% dans le moment présent et pas à se juger directement après.

ALLER PLUS LOIN

* Outre la vulvocratie, on trouve des termes équivalents comme « vaginocratie » ou « clitocratie » (domination sociale, culturelle exercée par les femmes sur les hommes), « hystérocratie » (idée que la femme est supérieure à l’homme), « gynocratie » (pouvoir des femmes sans matriarcat), « matriarcat » (régime social où le pouvoir est exercé par les femmes et les mères de famille). A l’inverse, on voit aussi apparaitre le mouvement « tradwife » (idéologie réactionnaire prônant le retour de la femme mariée comme mère au foyer soumise).  C’est globalement consternant. Est-ce si compliqué de penser nous pourrions tou.te.s évoluer dans un une société où la femme serait l’égale de l’homme ?


Égalité et légitimité : « backlash » pour les femmes ? | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Caroline Le Roy
Bretonne et fière de l'être, j'ai toujours été sensible aux enjeux du développement durable tant dans mon bénévolat associatif que sur mon rapport à la nature. J'ai pu évoluer dans le réseau des parcs naturels régionaux où j'ai eu la chance d'accompagner des acteurs touristiques du changement. Ma sensibilité a rapidement évolué en engagement puis en militantisme. Mon défi professionnel est de développer un tourisme respectueux de la planète et des hommes grâce à l'accompagnement et le conseil aux professionnels sur les nouvelles tendances touristiques et sur les attentes des clientèles toujours plus exigeantes. Enfin je souhaite faire prendre conscience d'une conciliation possible entre transition environnementale et besoin client appliquée au tourisme et au quotidien. Je suis actuellement en préparation d'une thèse doctorale sur le vaste (mais non moins passionnant) sujet de la performance environnementale du tourisme.
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