JMTR 5e édition : TERRITOIRE A L’HONNEUR : L’Afrique du Sud et sa démarche Fair Trade in Tourism South Africa
Thèmatique : Conseils Initiative nationale Labels Monde Territoire
Linda SANGARET, directrice de l’Office de Tourisme d’Afrique du Sud
Bekithemba Langalibalele, directeur Tourisme Responsable du département National du Tourisme d’Afrique du Sud
Jennifer Seif, directrice de Fair Trade in Tourism South Africa (FTTSA)
Linda SANGARET
Présentation de l’Afrique du Sud
L’Afrique du Sud est un territoire d’1,2 millions de mètres carrés, soit près de trois fois la France. Sa côte s’étend sur 2 500 kilomètres. Il n’y a pas de décalage horaire avec la France en été, mais une heure en hiver. Le pays est composé de neuf provinces : Cap-Occidental, Cap-du-Nord, Cap-Oriental, KwaZulu-Natal, État libre d’Orange, Nord-Ouest, Gauteng, Mpumalanga et Limpopo. Les villes les plus importantes sont Johannesburg, Pretoria, Durban et Le Cap. Onze langues officielles se côtoient dans le pays, signe d’une grande diversité culturelle, reconnue dans la constitution sud-africaine. Tous les Sud-africains sont au moins bilingues, ce qui constitue un avantage certain pour le développement touristique. Le pays compte 49 millions d’habitants, et la devise y est le Rand (1 euro = 9 rand). La ségrégation raciale fait partie du passé, et la démocratie y est installée depuis 17 ans. L’économie sud-africaine est la plus importante du continent africain, mais correspond à peu près à l’économie belge. A titre d’information, les Français n’ont pas besoin de visas pour s’y rendre, et les infrastructures en téléphonie et internet sont bien développées. Une dernière information non négligeable : l’Afrique du Sud bénéficie de près de 365 jours d’ensoleillement par an.
Le secteur touristique sud-africain
Le tourisme représente 8 % du PIB. Il est un vecteur important de développement économique. Notre ambition est d’accroître ce taux à 10 ou 11 % d’ici 2020, dans une optique de création d’emplois. Actuellement, le secteur touristique représente 60 000 emplois directs et 500 000 emplois indirects. L’organisation de la coupe du monde de football en 2010 a été une réussite ainsi que le niveau de la participation. Cet événement a donné l’occasion de montrer le pays sous un angle différent, et la couverture médiatique dont il a bénéficié a été sans précédent. Cette dynamique doit se prolonger, pour le bénéfice de l’Afrique du Sud et du continent africain dans son ensemble. Les infrastructures construites pour la coupe du monde vont également servir pour la clientèle touristique future. Plus de 5 milliards de dollars ont été investis la construction et l’amélioration des infrastructures pour l’événement. Ces installations vont dorénavant être utilisées pour développer le tourisme dans le pays, et l’image qu’en avaient les touristes étrangers s’en trouve améliorer (existence de réseaux de transports, de services, etc.) L’Afrique du Sud est également équipée d’un TGV, et les facteurs de développement durable ont été intégrés dès la conception de ce projet.
L’Afrique du Sud a parcouru un chemin important en matière de tourisme responsable : en 2008, le pays a été classé parmi les 10 destinations touristiques les plus éthiques. Néanmoins, beaucoup de travail reste à réaliser, et l’avenir du tourisme sud-africain passe par la réussite du développement du tourisme responsable.
Bekithemba Langalibalele
Le tourisme responsable comme facteur de développement
Le royaume floral du Cap est le plus petit des six royaumes floraux du monde, mais il accueille plus de 9 000 espèces de plantes. Il a été classé patrimoine mondial par l’UNESCO en 2004. Les premières élections démocratiques ont eu lieu en 1994. La coupe du monde de football, organisée en 2010, est reconnue comme l’une des plus réussies à ce jour. Cet événement mondial a nécessité la construction de stades et d’infrastructures neuves. L’Afrique du Sud est surnommée « la Nation Arc-en-ciel » du fait de son multiculturalisme.
Malgré ces atouts, l’Afrique du Sud doit faire face à de nombreux défis pour réaliser son potentiel : les problèmes de pauvreté, de chômage et d’inégalités socio-économiques voire raciales persistent. La migration urbaine s’accroît sans cesse. La desserte des infrastructures dépend de systèmes de transports privés, bien que le système de transport en commun public s’améliore. La fragilité énergétique du pays constitue également un handicap. Au final, le potentiel représenté par chaque Sud-Africain n’est pas prêt d’être réalisé, surtout pas sur une base équitable de critères socio-économiques et raciaux. Néanmoins, le tourisme est le secteur clé de l’économie et concoure à l’amélioration de la qualité vie de la population, grâce au financement de nombreux projets de développement.
Le livre blanc de 1996 a identifié le tourisme responsable comme l’approche la plus appropriée au développement du tourisme en Afrique du Sud. En 2002, l’ancien département du tourisme sud-africain a édité les directives nationales du tourisme responsables qui reprennent les principes du livre blanc. En 2003, un manuel sur le tourisme responsable a été édité. Une définition du tourisme responsable est issue de la déclaration du Cap, où s’est tenue la première conférence internationale sur ce sujet en 2002. Cette définition est toujours utilisée aujourd’hui pour le programme de tourisme responsable du World Travel Market.
La certification Fair Trade in Tourism South Africa (FTTSA)
Le premier programme de certification FTTSA en Afrique du Sud a débuté en 2002. L’approche durable gagne du terrain, et beaucoup d’hébergements, de voyagistes et de lieux de conférences s’engagent à réduire leur empreinte écologique. Le tourisme responsable est considéré comme une priorité par le gouvernement. Un pavillon du tourisme responsable a d’ailleurs été ouvert en 2011 : il a été l’occasion de présenter les actions responsables réalisées dans différentes villes d’Afrique du Sud. Plusieurs entreprises touristiques du pays ont été récompensées au niveau international pour leur engagement dans la voie du tourisme responsable avec le trophée British Airways « Tourisme pour demain ». En 2009, la ville du Cap a remporté le titre de « meilleure destination », grâce à sa politique innovante en matière de gestion de l’eau et des déchets, ainsi que sa politique sociale.
L’existence de quatre organismes de certification « tourisme responsable » pour couvrir le pays entraîne parfois la confusion pour le consommateur. Un processus consultatif de deux ans avec les acteurs principaux (organismes de certifications, associations de commerce équitables et autorités nationales de conservation) a permis de développer un standard minimum national, le National Minimum Standards for Responsible Tourism (NMSRT), et les critères de certification ont ainsi pu être harmonisés en mars 2011. Ce standard constituera désormais la base de la certification. Il comporte 41 critères basés sur les directives nationales du tourisme responsable, et les critères mondiaux. Ces critères reflètent le contexte et les priorités sud-africains. Beaucoup d’acteurs innovants interviennent au sein de l’industrie touristique, mais seule une minorité d’entre eux sont investis dans le tourisme responsable. L’Etat doit les encourager à se diriger davantage dans cette voie et doit les soutenir, pour faire du tourisme responsable la voie principale du secteur touristique sud-africain. Une stratégie nationale de développement du tourisme responsable est en cours d’élaboration dans ce sens. L’Afrique du Sud est honorée de recevoir, en novembre et décembre 2011, la conférence mondiale sur les changements climatiques, qui se tiendra sur le continent africain pour la première fois. Le choix de l’Afrique du Sud est un symbole fort.
En conclusion, la vision du tourisme responsable doit être soutenue par un engagement constant des autorités publiques et des acteurs privés. Le processus de création du standard NMSRT a été possible car tous les acteurs se sont réunis et ont apporté leurs idées et leurs expériences. Ainsi, une politique nationale et un plan d’actions ont pu être mis en place. Un des défis à relever réside dans le fait que, à l’heure actuelle, seule une poignée d’acteurs sont investis dans le tourisme responsable. L’objectif est de développer cet engagement, en mettant en lumière les initiatives existantes.
Nous avons conscience que beaucoup d’acteurs et d’entreprises du tourisme disposent de ressources limitées pour investir dans une démarche durable. Les solutions nécessaires et réalisables pour un hôtel 5 étoiles sont différentes de celles concernant de petits établissements. Néanmoins, chaque mesure prise, quelle que soit son importance, constitue un pas vers plus de durabilité pour la destination dans son ensemble. C’est pourquoi, au lieu de définir des solutions globales, notre démarche s’appuie sur une gamme de solutions applicables de façon individuelle. La durabilité est bien l’objectif final, mais sa réalisation commence par la concrétisation de petites actions. La majorité des acteurs touristiques sud-africains ne satisfait actuellement pas les 41 critères du standard. Pour débuter et motiver les acteurs, seule une partie de ces critères sera obligatoire. Ensuite, le nombre de critères obligatoires sera progressivement augmenté.
Linda SANGARET : L’extension du label est actuellement en cours pour des séjours complets, sous forme de projets-pilotes en partenariat avec des tour-opérateurs Suisses et Allemands : les voyagistes proposent un circuit certifié « tourisme responsable ». Chaque niveau d’application de la certification va être étendu. Jusqu’à présent, nous n’étions pas en contact direct avec les tour-opérateurs. Dorénavant, les prestataires vont appliquer ces labels et en tirer profit, tout en s’assurant que leurs fournisseurs répondent également à ces critères.
Jennifer Seif
Présentation du Fair Trade in Tourism South Africa
L’organisme FTTSA est la première ONG en matière de tourisme responsable en Afrique du Sud. Elle exerce plusieurs activités depuis dix ans, dont la certification. Les principes fondamentaux du tourisme responsable ont une résonnance importante au sein de la population sud-africaine. Le programme de certification est volontaire et répond à des critères fixes. Notre organisme certifie des « produits de tourisme » (logements, activités, visites, etc.). La norme est organisée en 14 thèmes : travail, environnement, culture, économie, social, etc. La norme est alignée sur la norme gouvernementale. La certification aide les acteurs touristiques à accéder à de nouveaux marchés. Néanmoins, nous avons encore trop peu de certifiés, à cause de notre incapacité, à ce stade, à convaincre de l’augmentation du revenu générée par la certification. Nous ne pouvons pas imposer le logo FTTSA aux tour-opérateurs et les obliger à solliciter la certification, mais nous les encourageons à promouvoir les produits certifiés.
Une démarche inspirée du commerce équitable
La démarche pour créer un label FTTSA a débuté il y a 7 ou 8 ans, avec l’idée d’utiliser le langage du commerce équitable pour le tourisme responsable. Deux raisons ont guidé ce choix :
Le commerce équitable correspond aux réalités et au contexte des Sud-Africains,
Le commerce équitable est identifié par les consommateurs, qui ont confiance en cette démarche et ont l’habitude d’acheter les produits équitables.
Le label FTTSA est inspiré du système FLO de commerce équitable car cela permet de vendre des séjours responsables, et non pas un hébergement certifié uniquement. Les voyages sont ainsi responsables dans leur globalité, ce qui cible les consommateurs très sensibilisés aux questions sociales et environnementales. Un travail est également mené avec les tour-opérateurs des marchés sources : ils créent les packages (séjours complets) qui sont ensuite audités et certifiés. Cette pratique a été initiée sur le marché suisse, avec deux tour-opérateurs différents, dont Kuoni. Cette année, un troisième package a été créé avec un tour-opérateur de petite taille en Allemagne. Tous les hébergements, activités, visites, etc. inclus dans le package sont certifiés FTTSA et un pourcentage du prix de vente de ce séjour est calculé sur un système de premium couramment utilisé dans le commerce équitable. Cet argent est réinvesti pour financer des projets sociaux en Afrique du Sud. Il s’agit là des fondements du voyage responsable.
Perspectives
L’objectif est maintenant de développer cette démarche vers d’autres pays, comme la France. Nous allons également travailler avec des pays voisins comme la Namibie ou Madagascar. Le but principal est de pouvoir communiquer sur le fait que le tourisme responsable est financièrement intéressant pour les acteurs touristiques. Notre ambition est d’aller devant l’organisation de commerce équitable FLO dans trois ans pour présenter le projet et ses résultats. Nous espérons ainsi pouvoir utiliser ce label, internationalement reconnu. Ainsi, le label FTTSA disparaitra afin d’éviter un label supplémentaire et notre démarche sera certifiée FLO.
En conclusion, il est important de noter que c’est la première fois dans l’histoire du commerce équitable qu’une telle initiative est prise par un pays du Sud.
Echanges avec la salle
Sandrine Mercier : En résumé, le FTTSA est donc un outil pour identifier et développer le tourisme responsable, afin qu’il soit à la fois vu par le client et choisi par le tour-opérateur.
Bernard Schéou : Merci pour vos interventions. Pourriez-vous y apporter quelques précisions : Quels résultats obtenez-vous avec vos premières expériences ? Quel est le pourcentage du premium servant à financer des projets de développement ? Le tour-opérateur Kuoni a-t-il dû modifier sa manière de construire le séjour et la structure de la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne des prestations ou lui a-t-il suffi de faire appel à des hébergements certifiés FFTSA pour créer le package ? Par ailleurs, comment s’est déroulée la construction du standard national NMSRT : les quatre organismes certificateurs, dont le FFTSA, ont-ils dû modifier leurs pratiques ou s’agissait-il d’une compilation des critères minimums communs aux quatre organismes ?
Jennifer Seif : Sur les trois tour-opérateurs proposant des packages labellisés, les meilleurs résultats viennent du tour-opérateur allemand, puisque six dATES de départs ont été vendues au mois de mars. Ce chiffre est encourageant pour une phase de test du marché.
Le premium est de 5 %. Le montant est réinvesti dans un fonds central, différent du premium FLO, afin d’éviter de diluer son impact.
Les tour-opérateurs qui commercialisent les packages ont dû modifier les termes de leurs contrats. Par exemple, tout paiement doit dorénavant avoir lieu en amont. Mais la décision finale sur le contenu des packages revient aux tour-opérateurs.
Sandrine Mercier : Votre organisme est une ONG. De quels fonds dispose-t-il ?
Jennifer Seif : Notre ONG bénéficie de dons de diverses organisations, et le projet suisse a été financé par le gouvernement suisse. Par ailleurs, un partenariat avec l’office de tourisme d’Afrique du Sud est en place pour trouver d’autres tour-opérateurs susceptibles de commercialiser ces packages.
Boris Viallet : Qui finance la certification et combien coûte-t-elle ?
Jennifer Seif : Le gouvernement suisse a financé le projet suisse. Le tour-opérateur allemand a financé lui-même la certification, en sachant que 2 000 à 3 000 euros sont nécessaires pour certifier un package.
De la salle : La démarche a-t-elle été d’établir d’abord une norme nationale pour l’Afrique du Sud, en définissant les critères minimaux de la norme, puis de réaliser le travail de certification FTTSA ? En résumé, l’impulsion a d’abord été politique pour ensuite être diffusée dans le secteur privé par le biais de la certification, est-ce bien cela ?
Bekithemba Langalibalele : Non : ces deux aspects se sont déroulés en parallèle. L’idée, à terme, est d’aligner les différentes certifications sur les normes nationales, normes définies sur la base de consultations des organismes de certification. Ces organismes devront donc ensuite aligner leurs certifications sur ces normes nationales et les appliquer sur les labellisations de produits.
De la salle : L’Afrique du Sud est-elle également un marché émetteur en termes de flux touristiques ? Comment gérez-vous la labellisation des séjours des Sud-Africains hors du territoire ?
Jennifer Seif : Le tourisme sud-africain est significatif vers les pays limitrophes ainsi que vers la Thaïlande, mais nous ne nous occupons pas de la certification de ces voyages.
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Par Sandra Bordji
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