Voyager responsable ? Quel dilemme !
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Plutôt du genre à partir en groupe, guidé ou plutôt à tracer votre propre chemin pour visiter une destination touristique ? Ni l’un, ni l’autre. Cela dépend du contexte local et de beaucoup de choses, vous me direz ? Peut-être qu’on aimerait sortir des sentiers battus pour vivre l’aventure, tout en gardant un certain confort et sécurité ? Parfois, il faut trancher, faire des choix, surtout lorsqu’on dispose d’une durée de séjour limitée. Mais quel dilemme bon sang !
Ainsi, recommandé par les nombreux guides touristiques disponibles, le voyageur « backpacker » (à sac à dos) qui souhaite voyager de manière responsable finit souvent par suivre les mêmes circuits autour des mêmes destinations hyper-touristiques et par contribuer, malgré lui, aux affres du tourisme de masse (cf. article Le Monde). Le routard aventurier n’est probablement plus le même qu’il y a 20 ans. Les « Top » destinations qui s’inscrivent dans une visite « express » de l’Amérique latine sont par exemple Machu Picchu, les chutes d’Iguazu, Buenos Aires, Rio de Janeiro, Carthagène des Indes… Est-il possible de visiter les « Best of » d’une région tout en voyageant de manière responsable ? Est-il possible d’avoir une expérience globale de la région tout en évitant ces fameux « Best of » ? C’est à cela que je vais tenter de répondre.
Suivre le guide ou son instinct
Je suis parti quatre années sur les routes du continent américain, du Nord au Sud. En parcourant plus de 30000 kilomètres à vélo, j’ai vu à plusieurs reprises mon itinéraire changer de cap. Les rencontres, les recommandations, les envies du moment ont vite fait de gommer une destination sur l’itinéraire initial ou d’en ajouter de nouvelles. Souvent, j’ai cru que je pourrais apprécier des sites mêmes s’ils étaient hautement touristiques, tel le Machu Picchu ou Iguazu.
C’était comme un « Must do » dans mon long voyage, et une opportunité de visite que je n’aurais probablement l’occasion de ne faire qu’une fois dans cette vie. Cependant, la visite a été souvent soldée d’une grande déception. Dans ces sites là, tout est marchandisé, tout est intéressé, y compris les relations humaines entre visiteur et accueillant. Je n’ai trouvé que peu de place pour la spontanéité et pour la surprise vivifiante de l’inconnu. Pire : j’ai eu l’impression de contribuer à un tourisme que je regrette et rejette. Un tourisme de masse qui dénature les cultures et les habitats naturels, qui est réservé aux fortunés et aggrave les conditions de vie des populations locales au lieu de les améliorer. Cela illustre bien le dilemme évoqué précédemment. Comment faire autrement?
Hors des sentiers battus, la résidence de l’aventurier
Sans pour autant critiquer la forme de voyage de chacun, il est bon de savoir où se trouvent les sites hyper-fréquentés où la file d’attente et le produit et l’expérience standardisés sont la norme, et ceux au contraire qui sortent des sentiers battus à la rencontre des populations authentiques et des animaux sauvages. J’ai publié une carte d’Amérique qui présente des sites et destinations propices à une aventure responsable et d’autres moins. Des lieux se prêtent mieux que d’autres à l’aventure et au partage, en respect des populations et des équilibres naturels… Cependant, cela dépend aussi de nos curiosité, envies, temps, capacités financières et hasard « organisé » que l’on s’offre lors de notre voyage.
Une autre approche en faveur du tourisme responsable est de favoriser les comportements « responsables » du voyageur, indépendamment de la destination. La Charte éthique du voyageur proposé par Agir pour un tourisme responsable (ATR) va dans ce sens, tout comme la plateforme de partage Hopineo par exemple. Le voyageur, comme tout consommateur, dispose d’un pouvoir immense. L’industrie touristique est la première économie mondiale. Par ses propres choix de telle ou telle destination, hébergement, restauration, transport, il est possible de réduire son impact sur l’environnement d’accueil et d’améliorer les conditions de vie locales, ou pas. Ce qui est rassurant, c’est qu’il n’y a jamais eu autant d’option de voyage et cette diversité dans l’offre ne cesse d’augmenter. Pour le bonheur de tous, aussi différents que nous sommes ! L’itinérance douce, notamment à vélo, a cela qu’elle confronte le voyageur à ses choix et à sa responsabilité au quotidien.
Au plus près de l’Autre
Le rapport à l’argent fausse souvent les relations humaines, dont la richesse est le nectar du voyage. Les bénéfices des retombées financières du tourisme peuvent être source d’amélioration des conditions de vie des populations locales et de la biodiversité en général. Pour un développement de relations harmonieuses et équilibrées entre le voyageur et les populations accueillantes, il faudrait favoriser des contacts directs, et des espaces de partage d’égal à égal entre ces deux mondes (sans pour autant en retirer toutes les transactions monétaires).
En cela, des agences réceptives expérientielles d’un nouveau genre voient le jour. Telles « El Perezoso » au Nicaragua, « Tienda de Experiencias Local » au Mexique, « Kawsay » en Equateur ou la Red Tusoco en Bolivie, elles intègrent les populations locales dans la gestion et la gouvernance des projets touristiques, garantissant un partage plus équitable de leurs bénéfices. Pour éviter que ces projets deviennent eux aussi victimes de leur succès ? Je recommande de privilégier les opérations qui démultiplient les bénéfices en faisant intervenir une myriade d’opérateurs locaux plutôt que celles qui les concentrent (par facilité souvent) sur quelques opérateurs seulement. Ainsi, on peut espérer voir poindre en ces lieux un réel développement territorial grâce au tourisme collectif…
Certains projets coopératifs se lancent avec succès dans la commercialisation de leurs produits directement auprès des touristes, sans intermédiaire. De nombreux tour opérateurs spécialisés et plateformes d’hébergement, de volontariats ou de guide tels Evaneos, Couchsurfing, Warmshowers, Airbnb, HelpX, Workaway, Cariboo, GoodSpot proposent la rencontre entre les “ deux mondes” et de voyager de manière active et responsable. Chacun devrait y trouver son bonheur, qui est par définition propre à chacun. Le secteur est en pleine ébullition pour, espérons-le, davantage de responsabilité dans le secteur du tourisme et des loisirs. Y’a plus qu’à (bien) choisir !
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