Rencontre avec Laurent Arcuset : professeur responsable de la Licence Pro. Tourisme et Economie Solidaire.
Professeur responsable de la Licence Professionnelle Tourisme et Economie Solidaire à l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, Laurent Arcuset est aussi un passionné qui met en pratique les enseignements qu’il dispense.
VA : Pouvez vous vous présenter et décrire brièvement votre parcours.
Je suis géographe de formation, j’ai un DEA (Master) « Structures et Dynamiques Spatiales » et un DESS « Tourisme en Espace Rural ». En 1995, j’ai fondé Géo-Système, une SARL de consulting sur le tourisme rural appliqué aux territoires et aux entreprises. Depuis sept ans, je suis également professeur associé à l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse. J’ai donc un statut mi-public /mi-privé (PAST), qui me permet de développer des activités de recherche sous la responsabilité de Philippe Bachimon.
VA : Pouvez vous à présent présenter la licence professionnelle Tourisme et Economie Solidaire. Depuis combien de temps existe-t-elle et dans quelle but a-t-elle été crée ?
La licence existe depuis quatre ans. C’est une jeune formation que nous avons monté en partenariat avec le lycée agricole de Carpentras (BTS Services en Espace Rural) ainsi qu’avec Jean-Paul Teyssandier de la Bergerie Nationale de Rambouillet(1). Cela nous offre un ancrage territorial, la licence apportant la compétence et le plus universitaire. L’idée : donner des débouchés à des BTS dans la perspective d’une licence pro, notamment depuis la réforme LMD(2).
Parmi les étudiants que nous recrutons, 80% viennent d’un BTS tourisme ou agricole. Mais nous avons aussi des étudiants issus de formations universitaires, et quelques candidatures de personnes en reconversion ou qui veulent reprendre des études. En revanche, nous avons du mal à assurer la parité fille/garçon, la grande majorité des étudiants étant de fait des étudiantes.
Enfin, autre particularité de nos enseignements, la multiplicité des intervenants extérieurs, à l’image de Jean-Paul Teyssandier (cité plus haut). Ainsi, mis à part Philippe Bachimon, P. Derioz et moi-même, l’ensemble des cours sont assurés par des intervenants extérieurs.
VA : Quel type de partenariat avez-vous mis en place avec les acteurs régionaux pour aider les étudiants à tisser leur réseau professionnel ?
Notre principal partenaire est l’UNAT PACA (Union Nationales des Associations de Tourisme en Provence – Alpes – Côte d’Azur), l’acteur principal du tourisme associatif et de plein air. Il s’agit d’une structure qui fait le lien avec les principales associations de la région. Nous avons aussi un partenariat avec l’ATES, qui intervient au niveau de la formation (3H), avec l’UCPA (3H de formation), avec les CRESS (Chambres régionales de l’Economie Sociales et Solidaires), la DDJS (Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports), etc. En outre, nous sommes toujours en cours de prospection et pensons étoffer peu à peu la diversité des partenariats et intervenants.
VA : La licence se faisant dans le cadre d’ERASMUS, existe-t-il également des partenariats avec des établissements à l’international ?
Sur la licence, ce n’est pas possible car il s’agit d’une formation unique qui n’a pas vraiment d’équivalent à l’étranger. En outre, le fait qu’elle ne se déroule que sur une année pose le problème du temps. En revanche, des échanges ont lieu avec le MASTER. Et pour ce qui est de la Licence, nous avons signé une convention avec AMESTOUR (Association Mexicaine qui regroupe des établissements supérieurs dans le secteur du tourisme) – ce qui permet d’envoyer de temps en temps des étudiants en stage chez des T.O ou des hébergeurs mexicains. Evidemment, il faut obligatoirement que les étudiants en question soient hispanophones. Nous aurons une étudiante concernée cette année.
VA : Pour ce qui est de la dimension « Economie Solidaire », comment l’appréhendez-vous et avez-vous mis au point un « référentiel » ou des critères précis afin de créer des outils pour vos étudiants ?
On n’a pas fait le choix de mettre en place un référentiel. En revanche, on a construit toute la maquette, on connait bien le secteur, l’équipe pédagogique se connait et partage les mêmes valeurs. Toutefois, même si un référentiel aurait été possible, on ne veut pas se cantonner à l’économie sociale et solidaire. Les outils que donne la licence se doivent d’être adaptables à tout le secteur économique, et donc, on a également envie de pénétrer les secteurs plus classiques du tourisme. L’important, c’est les valeurs, mais rien n’empêche de changer les choses de l’intérieur. Ainsi, si on rentre chez ACCOR, à l’intérieur de ce groupe, on peut aussi transmettre nos valeurs. Si on reste entre nous, on aura peu d’impact.
VA : Avez-vous des liens avec le réseau du tourisme responsable, qu’il soit associatif, plus professionnel, ou tout autre ?
De nombreuses associations au niveau local font appel à nous pour des stages. Beaucoup ont également embauché nos étudiants. Il faut savoir qu’en France, au niveau universitaire, nous sommes les seuls sur cette thématique du tourisme social et solidaire. Nous avons donc vocation à recruter des étudiants de toute la France. Il faut faire connaitre ce secteur auprès des employeurs, faire aussi connaitre nos valeurs. Derrière, nous apportons des personnes formées et performantes.
VA : Voyez vous le tourisme solidaire comme un levier de développement local et au niveau du territoire avignonnais, quelles sont les initiatives et acteurs déjà fédérés autour de cette dynamique ?
Evidemment, cette dimension est très importante à l’intérieur de notre formation. C’est vraiment son esprit. Le tourisme social et solidaire est l’avenir de nos territoires et des territoires étrangers. Il offre aussi de nouvelles perspectives pour les entreprises touristiques qui veulent développer un tourisme de qualité parfaitement intégré à leur destination. Pour nous, le tourisme social et solidaire est synonyme de créativité, d’innovation et plus globalement de qualité au crible du développement durable. Aujourd’hui, les exemples dans la région, en France ou à l’étranger sont nombreux et d’une très grande variété. C’est cela la force de ce tourisme qui va à l’encontre du tourisme standardisé. En France, les offres proposées par le tourisme associatif, ou encore au sein des parcs naturels sont certainement les plus significatives. Mais, les destinations plus classiques ou encore certains grands groupes nationaux et internationaux innovent en proposant des prestations et des services basés sur des valeurs et sur l’intégration territoriale en allant au-delà de la gestion environnementale.
VA : A l’heure d’aujourd’hui, peut-on déjà faire un premier bilan sur cette formation ?
A l’heure d’aujourd’hui, la structure de base de la licence n’a pas beaucoup évolué depuis sa création, qui reste récente. La seule chose que l’on ait ajouté c’est des heures d’anglais. On a du doubler ce nombre d’heures pour le porter à 20 heures. Un bon niveau d’anglais est indispensable dans ce secteur du tourisme solidaire, où l’on est souvent amené à se déplacer à l’étranger, à rencontrer des experts, des ONG. L’anglais est donc devenu aujourd’hui un critère dans le recrutement.
VA : Pourriez-vous citer quelques exemples d’étudiants qui suite à la licence, se sont insérés dans le tissu économique régional ?
En 2010/2011, nous avons eu une promotion de 20 étudiants. Sur ces 20 étudiants, la majorité a réussi à trouver un emploi dans le milieu associatif, majoritairement des CDD. Nous avons par exemple un « chargé d’éducation et de développement du commerce équitable » à Gap, deux jeunes qui sont partis en Service Volontaire au Pérou avec « Enfants des Andes », un chargé de mission tourisme et développement durable à l’UNAT PACA, un chargé de mission, agent de développement local pour une auberge de jeunesse à Québec. Deux étudiants ont également fait le choix de poursuivre leur étude avec un Master, l’un est en STAPS, management du sport, à Aix-en-Provence ; l’autre en Administration des institutions culturelles à Arles.
De fait, notre formation étant généraliste, elle ne ferme aucune porte. Il est très rare que nos étudiants ne trouvent pas de débouchés. D’ailleurs, quand on les sélectionne, on est surpris par l’expérience qu’ils ont déjà derrière eux, les nombreux voyages, l’intérêt pour les cultures du monde, etc. Nous n’avons pour l’heure qu’une personne qui cherche encore sur la dernière promotion ; elle vient toutefois de postuler chez un T.O spécialisé sur l’Asie mais aussi dans un office du tourisme du Lauragais. Toutefois, nous ne pouvons pas nous contenter de ces résultats. Il est impératif que les employeurs potentiels reconnaissent davantage cette formation et que les diplômés trouvent plus facilement des contrats moins précaires.
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1 NDLR : La bergerie nationale de Rambouillet, au-delà de ses activités historiques, a aussi des activités liées à la formation et au développement durable. Depuis 1994, elle met en réseau et offre un appui thématique à l’enseignement agricole avec plusieurs départements (agriculture durable, périurbain, fermes pédagogiques).
2 NDLR : La réforme LMD (pour « Licence-Master-Doctorat ») désigne un ensemble de mesures modifiant le système d’enseignement supérieur français pour l’adapter aux standards européens
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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