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Les premiers pas du label Tourisme équitable en France

| Publié le 26 juillet 2021
Thèmatique :  Labels 
             

Il y a maintenant un an et demi, juste avant le premier confinement, l’ATES (Association pour le Tourisme Equitable et Solidaire) lançait son label destiné aux opérateurs touristiques en France. En dépit de la crise sanitaire, ce petit nouveau a fait un bout de chemin ; suffisamment pour qu’il vaille la peine de faire un point de route. Caroline Mignon (ATES) nous dit les attentes liées à cette création avant que Pierre Bouton (Offices de tourisme de Bretagne) nous parle de l’ambitieux programme Fair Breizh et que 3 acteurs de terrain évoquent les raisons de leur propre engagement…

Label Tourisme équitable France de l'ATES
S’engager c’est bien, le prouver c’est mieux ! Découvrez le label Tourisme France de l’ATES

« Nous avons travaillé deux ans avec les acteurs du commerce équitable en France pour mettre au point ce label destiné à accompagner et valoriser les opérateurs du tourisme en France, explique Caroline Mignon, directrice de l’ATES. Les critères du label sont globalement les mêmes que ceux du label destiné aux acteurs opérant à l’international et couvrent trois champs : la gestion de la structure (gouvernance démocratique, gestion des compétences, pérennisation des emplois), la gestion des activités touristiques et, enfin, la gestion des partenariats, ce miroir d’un tourisme véritablement équitable. Le seul point réellement divergent réside dans le fait que le label national est beaucoup plus exigeant que l’international sur l’aspect environnemental. Ce qui est normal puisque les contextes sociétaux et législatifs de notre pays sont beaucoup plus favorables à une exigence élevée. Pour cette raison, plusieurs critères ont été ajoutés de ce côté et l’ADEME nous accompagnent. L’ancrage territorial notamment a été accentué, trop d’acteurs demeurant encore hors-sol et ne faisant pas bénéficier les habitants du dynamisme créé ».

Un label… équitable !

« Il est important de noter que dans le but de faciliter la vie des acteurs souhaitant avancer, des équivalences ont été créées avec les critères déjà portés par d’autres labels : Ecolabel européen, clé verte, Green Globe, Esprit Parc National, Valeurs Parc, etc. Ce qui était également une manière de dire : « On ne fait pas ça pour prendre votre place, mais au contraire pour valoriser votre travail ». Restaurateurs et hébergeurs disposant déjà de certaines labélisations du même genre, ce sont principalement les prestataires d’activité comme les OT producteurs de produits, les agences réceptives et les associations productrices qui se montrent pour l’instant les plus intéressés. La crise ayant eu un double effet ; d’accélération de la sensibilisation aux valeurs liées à la durabilité d’une part, mais également de freinage chez nombre d’acteurs soudain contraints de se concentrer sur un objectif unique : survivre ! Nous même ayant redoublés d’attention sur le soutien que nous pouvons apporter à nos membres. Mais c’est clairement du côté des institutionnels – notamment les CRT – que nous avons rencontré l’accueil le plus enthousiaste. Nombre d’entre eux avaient déjà compris qu’il fallait aller plus loin que le simple effort environnemental et ont vu dans ce label un outil précieux pour accompagner les acteurs locaux vers davantage d’engagement. Si le programme phare, Fair Breizh, est mené avec la Bretagne, le CRT Occitanie fut le premier à adhérer à l’ATES et nous accompagnons également aujourd’hui la région Auvergne-Rhône-Alpes, et avons collaboré avec la Normandie et… la ville de Paris ! D’ailleurs, pour nourrir cet élan, nous avons sorti en mars dernier un manifeste expliquant en quoi le tourisme équitable était un excellent levier de développement local ».

Cercle vertueux

Aspect concret qui a son importance : l’ambitieux programme Fair Breizh a de plus constitué un apport financier important pour une association comme l’ATES qui va ainsi pouvoir continuer et améliorer son travail, notamment, en se tournant vers le grand public pour expliquer deux ou trois choses essentielles sur la manière de voyager plus équitablement. En France tout d’abord où tout reste à faire. Car, « comme pour le commerce, poursuit Caroline, si le consommateur pense facilement « équitable » en achetant du café ou des vêtements fabriqués à l’étranger, il ne le fait pas quand il s’agit du lait produit à côté de chez lui ! Enfin, il est important de noter que si ce label demeure avant tout un outil d’amélioration des pratiques, il représente également une garantie. Avec l’engouement actuel assez « fou » pour le tourisme durable, il va constituer un bon moyen de séparer le bon grain de l’ivraie pour un public souvent méfiant (et parfois à juste titre). Cela évitera de plus que certains visent uniquement la dimension environnementale dans leur démarche d’amélioration, mettant de côté leur responsabilité sociale. Or il ne faut pas oublier que la durabilité, ce sont 3 piliers dont l’action sur la justice sociale, la paix et la pauvreté ! »

Assemblée générale de l'ATES 2019
Photo de groupe lors de l’Assemblée générale de l’ATES 2019

La Bretagne à la rescousse !

« Cette labellisation représentait une très belle occasion de faire progresser les acteurs locaux, explique de son côté Pierre Bouton, Directeur de la Fédération des Offices de Tourisme de Bretagne. Nous y sommes venus dans le cadre du plan national France Relance qui comportait plusieurs propositions concernant la transition écologique. Financé par l’ADEME, ce projet qui est le contraire même du greenwashing, a été présenté à tous par l’ATES fin 2020 et une enquête menée pour faire un état des lieux sur ce qui était déjà à l’œuvre. 40 des 60 offices de la région se sont montrés partants et ont répondu à l’appel, nous permettant de savoir qui était éligible pour aller plus loin. Cette enquête a d’ailleurs confirmé qu’une telle démarche s’inscrivait logiquement dans le prolongement d’un élan existant en Bretagne depuis des années comme le montrent de manière concrète les exemples de Destination Rennes, ville très engagée dans la durabilité ou encore le Golfe du Morbihan dont la « Charte du voyageur » est un bon exemple de cohabitation entre tourisme et nature. De fait, il existait déjà en maints endroits un véritable engagement et ces territoires ont juste souhaité aller plus loin. Ajouté à cela la dimension très « humaine » de notre région qui fonctionne depuis longtemps en réseau, se préoccupant beaucoup des « communs », il n’est donc pas étonnant que la Bretagne ait été la première à se jeter à l’eau. Au final 6 OT sur 60 se retrouvent engagés dans l’aventure : Rennes, Guingamp, Paimpol, Pontivy, Quimper, Perros-Guirec et Vannes-Golfe du Morbihan. Aucun n’ayant fait marche arrière après le déclenchement de la crise sanitaire. Six, cela peut paraître peu, mais le dossier est lourd à porter et la majorité des OT sont petits et n’ont pas le personnel pour assumer une telle charge ; surtout cette année ! Sachant que 4 ou 5 supplémentaires s’y mettront l’an prochain ; l’objectif étant également de partager le plus possible les bonnes pratiques ».

Step by step…

Pour Pierre Bouton, « Le grand avantage du programme – et ça aussi, c’est une véritable innovation – est de permettre aux différentes filières de se réunir autour de la table : associations, entreprises de l’ESS (Economie Sociale et Solidaire), CRT Bretagne, UNAT, OT, réceptifs et acteurs privés, sans oublier l’ADEME et l’ATES ; sachant que cette collaboration bouscule clairement les méthodes et la gouvernance habituelles, impactant beaucoup de choses, notamment la manière de prendre des décisions. Et c’est très bien. Concrètement, le processus se déroule en 3 phases : 1) recrutement et autodiagnostic. C’est fait. 2) Lancement de l’upgrade et accompagnement – on en est là – 3) Audit final et obtention du label. Une phase qui devrait prendre place entre octobre 2021 et février 2022.

Autre avantage : la démarche va déboucher sur de nouvelles offres, plus vertueuses, le label ne représentant finalement qu’une étape et une aide dans un processus déjà engagé et consistant à faire évoluer les choses vers davantage de respect des lieux et des gens. Nous allons ainsi définitivement faire évoluer la manière d’aborder certains lieux, d’autant que la crise sanitaire a fait émerger un peu partout de nouveaux projets privés, plus engagés et moins centrés sur l’unique aspect lucratif. Certaines de ces initiatives, comme le projet de bateau d’exploration du golfe du Morbihan fonctionnant 100 % à l’hydrogène, se révélant d’une réelle envergure.

Enfin, même si là n’est pas le but principal, un tel label constitue un vrai « plus » pour la région d’un point de vue marketing ; les nouvelles générations sont aujourd’hui très axées sur le bien-être animal, le respect de l’environnement, les modes de transport doux (VAE, etc.). Cela va donc nous donner davantage de visibilité et nous aider à les séduire. Et l’on ne peut que se réjouir de voir la majorité des régions du pays s’engager elles aussi dans une démarche concrète de changement. Raison pour laquelle au final – que notre pays soit classé 4ième ou 9ième selon les grilles de durabilité retenues – il figure toujours dans le Top Ten des nations les plus vertes du monde. Et ce n’est pas rien. Mais ce qui m’enthousiasme le plus dans cette aventure est de voir que l’on peut encore innover et aller de l’avant dans le tourisme ; surtout étant donné le contexte actuel ! Cela donne vraiment envie de dire « Bravo ! » à toutes ces structures qui s’engagent. Sans négliger le fait qu’il s’agit là d’une première mondiale débouchant sur un label international dont les critères seront les mêmes partout à l’étranger. Merci donc encore aux gens de l’ATES et en particulier à Alessia qui a fourni un sacré travail ! ».

Trottinette Tout Terrain électrique à Gruissan © Trott_up
Vélos, randos, trottinettes électriques tout terrain : les Français redécouvrent leur patrimoine

Sur le terrain

Témoignage de trois acteurs labélisés Tourisme équitable à l’étranger et proposant également la France…

Créateur et Gérant de Vision du Monde, Laurent Besson, membre fondateur de l’ATES depuis 2006, est un acteur très impliqué. Son agence de tour-operating organise des voyages équitables ou solidaires sur plusieurs continents et est la première à avoir mis en place une compensation à l’effet de serre, dès 2009. Pour lui, « la démarche allait de soi mais n’en représente pas moins une implication et un travail de plusieurs mois. Nous étions déjà très attachés à l’aspect environnemental ainsi qu’à l’équité des partenariats. L’intérêt supplémentaire d’un tel engagement est qu’une telle démarche vous pousse à vous booster, à faire le point sur vos pratiques et à poser des échéances. Ceci en sachant qu’il ne faut pas espérer obtenir un grand impact sur le business, sauf auprès de rares comités d’entreprise (comme celui d’EDF) exigeant un label pour travailler avec vous. La majorité des clients s’intéressent avant tout au contenu des voyages proposés. Il n’en reste pas moins aussi pertinent qu’important que la France intègre cette labellisation en espérant que la pandémie rebatte les cartes durablement et que l’élan observé de ce côté ne soit pas juste un feu de paille. Mais il nous aura au moins permis de réactiver nos « voyages sans avion » (créés 2009), comme ces séjours nature proposés dans la Drôme par exemple, en compagnie d’un ethnobotaniste qui explique comment préparer nourriture et remède à partir des plantes récoltées. Ou bien encore ces randonnées solidaires dans le Briançonnais, au contact de migrants qui se sont posés là. Une prolongation de ce que nous faisons depuis toujours à l’étranger ».

« Un impact structurel fort »

Pour Fabien Leduc, Vice-Président de la Fédération du Voyage Réceptif de Bretagne (et directeur de l’Agence Abicyclette) « Tout ce qui peut nous permettre de nous améliorer nous intéresse. Raison pour laquelle nous avons répondu positivement à l’appel de l’ATES. Nous n’en sommes qu’au début du processus, et dans un contexte évidemment compliqué, mais les simples questions posées par la démarche permettent déjà de se remettre en question. Si la pandémie a permis de se concentrer un temps sur la démarche, à présent que l’activité redémarre, cela devient plus difficile. Et si l’impact sur nos packages s’avérera à mon avis limité – car on a toujours été très attentifs de ce côté – on sait déjà, en revanche, que la démarche va nous permettre de progresser de manière significative sur les aspects structurels que nous ne visitions pas naturellement jusque-là : le bilan carbone (assez facile à mettre en place), le suivi des consommations, les déplacements des collaborateurs où nous privilégierons désormais le train par rapport à l’avion (on est 7 à l’année et le double en saison), mais aussi la sensibilisation des clients, notamment via les documents de voyage que nous fournissons. L’ensemble de la démarche possédant indéniablement un caractère fédérateur, d’autant plus sensible que tout le monde, chez nous, a moins de 35 ans ».

La couverture Nouvelles Terres
Nouvelles Terres, c’est aussi la France

Accompagnateurs au label

Pour Paul Llonguet enfin, co-directeur de Terres des Andes et de Nouvelles Terres, agences entrées à l’ATES un an après leur création en 2013, « Ce label très complet d’une cinquantaine de critères permettant d’évaluer toute la chaine était d’autant plus important que nous sommes des acteurs de l’ESS. D’abord association puis désormais SCOP, nous désirons absolument travailler autrement, à l’étranger comme en France, en étant un levier pour le développement local et en ayant le moins d’impact négatif possible. Il nous a fallu un bon mois pour monter le dossier de renouvellement de notre labélisation et le verdict de l’ATES tombera cet été. Le plus important à nos yeux étant les engagements pris vis-à-vis de partenaires avec lesquels nous co-construisons véritablement nos voyages. Au Pérou par exemple, nous avons grandi avec notre collectif de guides tandis qu’eux-mêmes devenaient de vrais relais de nos valeurs. Cette osmose a d’ailleurs permis de créer une « expérience véritablement unique » selon les voyageurs. Appréciation qui est notre plus grande fierté. Le seul bémol de ce type de label affère à l’origine très « occidentale » de certains aspects formels qui n’ont plus guère de sens ou de prise lorsque vous travaillez au bout du monde avec un collectif de villageois (par exemple). Des gens parfois plus engagés que vous mais… à leur façon. Un problème qui ne se pose pas avec la version française. Une fois évacué ce détail, les apports concrets apportés par la labellisation sont multiples, et d’abord humains. Outre le fait de dormir sur ses deux oreilles parce que vous faites « tout ce qu’il faut », il y a cette expérience extra-ordinaire que vous créez collectivement. Avec le sentiment, assez juste en réalité, de confier vos clients à des amis. D’un point de vue pratique, la démarche aide à se poser les bonnes questions et user de la bonne méthodologie. Le tampon devenant en outre un gage de sérieux aux yeux de consommateurs de plus en plus attentifs à cette dimension. Ce qui était déjà le cas avant la pandémie et le regain de « durable » qui l’accompagne. Cela dit, très honnêtement, ces labels ne sont pas encore connus du grand public, qui réalise surtout leur importance… au retour ! Quand ils ont fait l’expérience. Pour toutes ces raisons et parce que nos deux marques Terres des Andes et Nouvelles Terres proposent des voyages en France, nous avons accepté de devenir accompagnateurs au label afin de pouvoir aider les structures : OT, agences, etc. à l’obtenir plus facilement ».


Les premiers pas du label Tourisme équitable en France | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Jerome Bourgine
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