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La Sologne : des étangs, des chasses et des paradoxes !

| Publié le 14 juin 2019
Thèmatique :  Territoire 
             

Avant d’aller en Sologne, il faut lire ou relire Raboliot. Avec son érudition poétique sur la nature et les hommes, Maurice Genevoix nous livre une extraordinaire entrée en matière pour pénétrer un territoire complexe, qui a beaucoup évolué au fil des ans, mais dont les principaux éléments sont toujours là, immanents, impermanents, l’eau, la terre, le bois et le feu. L’eau des étangs, toujours, des milliers de points bleus qui percent la terre, les terres, celles où l’on passe et celles qui se barricadent, le bois, ces immenses forêts, alignements continus de bouleaux, de pins, de charmes…, et le feu des fusils qui claquent, au temps des chasses et des battues.

Sologne des étangs@GClastres

L’essor d’une Sologne aux multiples visages

Il n’y pas une mais plusieurs Sologne, la viticole, au sud-ouest du département, qui flirte avec Cheverny et abandonne quelques terres à la vigne, celle des Etang, seule région naturelle limitée par l’Etat par un décret de 1941 et la Sologne des châteaux, au nord du Beuvron, la « Grande Sologne » des chasses et des battues. Terre de sable et d’argile longtemps jugée insalubre, la Sologne doit à des moines défricheurs sa première mise en valeur. Au fil des siècles, la situation s’améliore, des têtes couronnées se penchent sur le destin de cet espace à portée de Paris qui compte des milliers d’hectares de forêts et près de 4 000 étangs.  Peu à peu, les terres sont drainées, les étangs aménagés pour la pisciculture et un maillage routier vient désenclaver l’ensemble. C’est ainsi qu’entre 1860 et 1914, sous l’égide de l’Empereur Napoléon III, ce territoire, également porté par l’essor du chemin de fer, va devenir une terre de chasse, nouvelle passion de Parisiens fortunés, qui sera à l’origine de la sortie de terre de plus de 300 luxueux châteaux, pavillons ou « chasse »…

Chasse perdue dans la forêt@GClastres

A la chasse aux idées reçues

La chasse, elle est présente partout lorsque l’on se promène en Sologne, dans le secret des chemins interdits, au mur des châteaux où les trophées s’affichent, jusqu’aux murmures des conservations qui bruissent dans les cafés. A Chaon, la Maison du Braconnage revient sur une autre réalité, celle de ces hommes, tels Raboliot, qui ont toujours chassé pour vivre, voire survivre. Collets, lacets, pièges, cabanes ou « culs de loup » rappellent le quotidien de ces chasseurs de l’ombre, qui, à la lueur des lanternes, filaient traquer le cerf, le lapin ou le faisan. « Il se levait au coucher du soleil et il chassait. Avec une patience de chat, il pouvait demeurer des heures couchées à la gueule d’un terrier, le corps inerte comme une souche, mais la main suspendue, le bras bandé pour la détente, pour le rapt vertigineux : il avait pris souvent, ainsi, des lapins au déboulé. » Car il y a chasse et chasse, de la battue à l’abattage, chasse plaisir, chasse vivrière, chasse régulatrice, chasse vitrine, petit chasseur et grandes fortunes, rien n’est simple et le meilleur côtoie le pire, chez les grands comme chez les petits, qu’ils fassent partie de cette trentaine de propriétaires terriens appartenant au gotha des grandes fortunes, des gens du cru, ou pas. Il faudrait écrire encore beaucoup et longtemps.

Etang de Saint-Viâtre@GClastres

La route des étangs

Alors on file vers Saint-Viâtre et sa Maison des Etangs. L’eau apaise et le site offre un écomusée des traditions solognotes et de précieuses informations sur la biodiversité environnante, une respiration appréciable où l’on apprend le rôle fondamental joué par les étangs en Sologne. L’espèce idéale pour sauver les oiseaux ? Le pisciculteur. Par son travail, il contribue à la bonne santé de la flore et de la faune et, pendant que carpes, brochets, sandres, brème, tanches et gardons barbotent tranquillement, grèbes, canards, hérons, martins pêcheurs, et bien d’autres encore, oscillent entre glissades et tournoiement dans les airs. Tous les quatre à cinq ans toutefois, pour entretenir tout ce petit monde, il faut mettre l’étang à sec. Pour cela, on faucarde les roseaux. On gardera les meilleurs pour la chasse et le reste pour le torchis. Et quand un étang se vide, c’est souvent plusieurs étangs qui, en enfilade, se vident de concert. Sur la route des Etangs entre Saint-Viâtre et Marcilly-en-Gault, un triangle bucolique de départementales que l’on peut aussi emprunter à pied ou à vélo, on aperçoit les bondes… si bien décrites dès la première page de Raboliot : « Depuis la veille, l’œillard de l’étang, grand ouvert, tirait : cela faisait à la surface de l’eau un entonnoir aux parois luisantes, un tourbillon tranquille et fort, si continûment régulier qu’il apparaissait immobile. »

La végétation des étangs@GClastres

Epilogue paradoxal

Il faut aller en Sologne. On la pense fermée et réservée à une élite et pourtant, au-delà des chemins barrés, il y a bel et bien plus de 2 000 kilomètres de sentiers communaux. On la pense vendue aux grands de ce monde mais paradoxe de ces propriétés privées, très peu fréquentées en dehors des périodes de chasse : elles ont réussi à préserver de l’industrialisation et de l’urbanisation des zones entières de forêts et d’étangs. Sanctuaires de biodiversité, de grandes chasses n’abritent le plus souvent que quelques gardes, et nombre d’espèces en tout genre. C’est ainsi que le balbuzard pêcheur, en confiance, a fait sa réapparition. Dans les abris et les observatoires accessibles à tous, ils sont nombreux à  les observer en silence. Et parce que dans un département où Chambord et et le zoo de Beauval attirent chacun autour d’un million de touristes par an, il y a aussi des chemins buissonniers à emprunter, des sentes odorantes et isolées, des villages déserts à explorer, et bien d’autres trésors, encore, à débusquer dans le silence et la lenteur.

——— Aller plus loin ————-

Maison du Braconnage : https://www.maisondubraconnage.com/

Maison des Etangs : http://www.maison-des-etangs.fr/

Maison du Cerf : http://lamaisonducerf.e-monsite.com/

Observatoire@GClastres


La Sologne : des étangs, des chasses et des paradoxes ! | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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