Michelin sort un guide inédit pour des « Vacances accessibles en France »

Non, il ne faut pas arrêter de voyager parce que c’est forcément plus compliqué quand on est en fauteuil roulant ou que l’on se déplace avec difficulté. Il existe des aménagements, des accueils, des possibilités, et tout l’objectif de ce guide « Vacances accessibles en France » est justement d’encourager tout le monde à partir sur les routes. Avec plus de 1200 sites et activités adaptés aux personnes à mobilité réduite, l’ouvrage en fait même une démonstration magistrale, d’autant qu’il a été conçu et édité par Lucie Fontaine, elle-même en fauteuil roulant depuis 25 ans. Nous l’avons rencontrée…

Rencontre avec Lucie Fontaine – L’inspiration derrière le guide

VA/ Bonjour Lucie, pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs et nous expliquer pourquoi ce guide ?

Bonjour, je suis éditrice depuis 2015 pour les Guides Verts Michelin ; auparavant, j’ai été éditrice pour d’autres maisons d’édition. Ce guide, je l’avais en tête depuis longtemps mais il a mis du temps à aboutir pour diverses raisons et contraintes. J’ai toujours voyagé que ce soit en France, en Europe ou dans le Monde, et j’ai toujours constaté la difficulté que j’avais à préparer mes vacances. J’utilise des guides de voyage classiques où la notion d’accessibilité n’est pas toujours pris en compte, pas forcément fiable. On se noie souvent dans les informations disponibles en ligne et on a du mal à savoir si elles sont à jour.

L’idée de faire un guide papier où l’ensemble des informations seraient bien vérifiées, avec un côté très pratique, une navigation, une vision d’ensemble me tenait à cœur. En plus, travaillant chez Michelin, je connaissais le sérieux de la « maison » ; les guides, on sait faire !  L’idée était donc de concilier le côté pro de Michelin et l’expérience du handicap. Il y a quelques mois, avec l’actualité des Jeux Olympiques et Paralympiques, nous avons repensé au projet plus concrètement, c’était aussi une autre façon d’attirer l’attention sur les personnes en situation de handicap, un véritable enjeu de société et aussi une grande cause du dernier quinquennat.

VA/ Comment voyage-t-on quand on est en fauteuil roulant ?

Je dois déjà dire que depuis 25 ans que je suis en fauteuil, les choses ont beaucoup évolué. Après, certains pays sont plus avancés que d’autres. Les USA et le Canada sont au top à la fois pour des raisons historiques et géographiques. Historiques car de gros efforts ont été fait suite à la guerre du Vietnam, géographique en lien avec les grands espaces. En Europe, on pense toujours que les pays du Nord sont plus avancés mais j’ai eu une expérience pas si concluante. En Italie on peut se débrouiller facilement, en revanche, c’est plus variable ailleurs, mais les choses progressent, c’est un vrai constat.

Et ce guide, comment avez-vous souhaité l’organiser ?

On a beaucoup réfléchi pour voir comment on allait faire. Comme on ne part de rien, on s’est dit que l’on commençait par la France entière et ses grandes zones touristiques. On s’est donc arrêté sur 30 destinations à travers la France : la Côte d’Opale, la Route des Vins d’Alsace, l’Anjou, la vallée de la Charente, la Camargue, le Bordelais, etc.  Il s’agissait de présenter des territoires que les gens connaissent, avec des périmètres pas trop grands présentant des offres intéressantes. Evidemment, ce travail a vocation à être affiné. Un jour on fera peut-être des guides à une échelle plus régionale mais surtout, ce que l’on souhaitait, c’est que ce guide à la fois informatif et pratique donne confiance aux personnes à mobilité réduite, qu’ils osent franchir le pas pour partir en vacances.

Dans ce qui est présenté, tout est accessible ?

Déjà, il faut préciser que sur les quatre familles de handicap (vue, ouïe, mental, mobilité réduite), nous nous sommes concentrés sur la question de la mobilité réduite, soit les personnes en fauteuil, mais aussi les personnes âgées, empêchées, etc. En France, 4,5 millions personnes ont une mobilité réduite et 850 000 utilisent un fauteuil roulant. Evidemment, on a pris l’accessibilité dans le sens le plus large, en pensant aussi aux séniors, aux familles qui souhaitent partir avec leurs grands-parents. Autre précision, sur les neuf auteurs qui ont écrit ce guide, trois sont des personnes à mobilité réduite, une est en fauteuil et deux autres ont des difficultés à marcher ; les autres ont été formés à l’évaluation de l’accessibilité. Et donc, dans le guide, tous les sites touristiques, les hébergements et les restaurants sont accessibles. Après on prend évidemment soin de préciser que dans l’accessibilité, chacun  a  des besoins différents. On peut être en forme un jour et fatigué  le lendemain ; la situation est aussi différente si on est seul ou si on est accompagné. Il faut donc toujours se faire préciser les choses, et c’est aussi pourquoi nous avons choisi un code couleur vert pour marquer les sites accessibles et un autre code avec des pointillés verts qui indique les sites accessibles mais avec certaines restrictions (juste le rez-de-chaussée et pas l’étage, ou accessible avec des obstacles, etc.).

Et côté activités ?

Nous présentons les visites classiques d’un guide touristique mais aussi, et c’est un gros atout de ce guide, les activités sportives, en précisant que chacun doit toujours se renseigner en amont au vu de sa situation. En tout cas, on ne s’est pas limité, on présente des randonnées, des balades, des activités nautiques, balnéaires, sportives. Personnellement, une fois sur le terrain, j’ai fait plein de découvertes. En même temps, il s’agit aussi d’un guide professionnel et on n’a pas tout retenu, on a fait une sélection en référençant ce qui nous semblait intéressant, ce qui avait un intérêt touristique, avec un choix rigoureux d’hébergements et de restaurants mais aussi des producteurs, des dégustations, l’ensemble est très varié.

VA/ Pendant le travail de terrain sur place, tout s’est bien passé ?

Ce qui est encourageant, c’est l’accueil que l’on a reçu dans les offices de tourisme, tous ceux que l’on a contactés ont été partants pour nous aider. Après, l’offre pour des personnes handicapées est quand même très réduite par rapport à l’offre général. Par exemple, les Gîtes de France qui ont le label Accessibilité de « Tourisme et Handicap » n’ont qu’1 à 2% de leur offre + labélisée. Et c’est un peu le cas chez tous les prestataires. Il reste encore beaucoup à faire. Mais il y a eu aussi de très belles surprises. Je suis allée dans les Pyrénées l’été dernier, et au Cirque de Gavarnie, j’ai découvert des sentiers aménagés avec des vues magnifiques. Ils ont notamment réaménagé une ancienne route frontalière qui n’était plus utilisée pour en faire un sentier de montagne tout plat. J’ai aussi fait une balade où nous sommes montés en télécabine ; on arrive dans un site sublime où on peut pique-niquer avec des toilettes accessibles. Après, on peut redescendre à pied ou en fauteuil par une route pas trop raide. C’est vraiment génial.

J’ai aussi découvert des sports auxquels je ne pensais pas m’essayer. Des clubs de plongée, de canyoning, de char à voile, de kayaks qui peuvent prendre en charge des personnes handicapées moteur. Je me souviens d’une cabane dans les arbres dans les Pyrénées Atlantiques à laquelle on accède avec une rampe, aussi de l’abbaye de La Sauve où l’on peut arriver en vélo car un prestataire voisin loue des vélos à main (handbike). En bref, c’est un guide touristique, inclusif pour que les personnes à mobilité réduite et leurs proches puissent partir tous ensemble. J’ai envie de dire, n’hésitez plus,  partez en vacances !