Feelingo ou le choix d’établissements engagés pour demain !
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Depuis quelques années, de nombreux sites et plateformes ont essaimé sur le net pour aider les particuliers à réserver des hébergements plus responsables. Parmi ces derniers, Feelingo, créé en 2019, souhaite démocratiser l’accès aux hébergements durables. Découverte d’un modèle décomplexé qui vise à encourager l’ensemble des établissements à s’engager dans une démarche de développement durable avec pour credo : « Demain, le tourisme sera durable ou ne sera pas. »
Une sélection large et engageante !
« Je suis personnellement engagée dans ma vie quotidienne et tout à fait consciente que l’urgence climatique ne nous laisse pas d’alternative. Nous n’avons plus le choix, pas de planète B, soit on bouge tous ensemble, soit on compte sur une poignée de militants et d’activistes. Leur engagement est capital, mais cela ne sera pas suffisant. » C’est fort de ce constat qu’Agnès Decramer créée Feelingo avec son associé Philippe Richard. Si ce dernier a déjà une expérience dans le tourisme avec Easia Travel, une agence réceptive créée il y a 20 ans au Vietnam, ce n’est pas le cas d’Agnès, qui a fait ses armes chez l’Oréal. Ensemble, ils travaillent dès 2017 à ce projet de plateforme avec pour objectif de valoriser tous les hébergeurs quels qu’ils soient qui agissent dans une démarche de développement durable, indépendants ou pas, petits ou gros, urbains ou ruraux. Valoriser ce qui est fait et s’assurer que ce qui est fait est réellement fait reste la priorité. Le premier pas consiste donc à mettre en avant les hébergements labélisés ou certifiés (gage d’engagements vérifiés). En juin 2019, Feelingo est fondé. En septembre 2020, la plateforme est opérationnelle et lancée publiquement. Elle compte d’ores et déjà plus de 1000 hébergements présents entre France, Espagne, Italie, Grèce et Portugal et huit salariés à temps plein. Et pour attester de leur bonne volonté et se montrer irréprochables vis-à-vis de leur communauté, les fondateurs de Feelingo décident également de se faire certifier avec B Corp, une certification américaine qui œuvre sur cinq piliers : la gouvernance, les collaborateurs, les clients, la collectivité et l’environnement. Agnès Decramer : « C’était aussi pour nous une façon de ne pas donner de leçons et de structurer notre engagement. On nous a opposé quelques critiques car il s’agit d’une certification américaine dont les critères, notamment sociaux pouvaient originellement sembler pauvres pour la France mais B Corp les a fait évoluer en fonction des différentes régions du monde et ils sont aujourd’hui bien adaptés à notre réalité. »
Des hébergements certifiés et d’autres en voie de certification…
Toutefois, au-delà des établissements certifiés, afin de ne pas tenir à l’écart des milliers d’hébergeurs au milieu du gué, Feelingo a eu l’idée ingénieuse d’une charte d’engagement doublée d’un programme d’accompagnement, façon de mettre le pied à l’étrier et d’aider toutes les bonnes volontés prêtes y aller ! Agnès Decramer : « A force d’avoir analysé les exigences de chaque certification, nous avons acquis une bonne connaissance de ces derniers et construit notre charte en ce sens. Ainsi, demain, si nos hébergeurs souhaitent se certifier, ils auront déjà fait une bonne partie du boulot. » Afin de leur faciliter la tâche et de les fédérer, Feelingo prévoit aussi différents outils, dont des guides pratiques, très concrets, centrés sur chacun des objectifs du développement durable (ODD). Ils ont pour but d’aider les hébergeurs à comprendre les enjeux de la transition, à mesurer leurs impacts et à passer à l’action. Des outils d’information qui permettent aussi de déconstruire certaines idées reçues, à l’image du guide centré sur la gestion de l’eau, qui remet en perspective les différents postes les plus gourmands en eau dans un hôtel, où l’on s’aperçoit que la piscine ne représente que 2% quand les chambres (douches, toilettes, lavabo) sont à 37%, la restauration à 20% et la buanderie à 12% (source UMIH). Agnès Decramer : « La mesure et la bonne information permettent aussi de savoir où agir, quand on sait qu’une chasse d’eau qui fuit peut représenter 500 litres d’eau par jour… »
Des solutions pour tous et un suivi personnalisé…
Enfin, Feelingo propose un suivi propre à la taille et au moyen de chaque établissement, avec des solutions adaptées à la réalité de chacun. Concrètement, là où un gite de huit chambres pourra installer des toilettes sèches, un hôtel de 150 chambres en plein Paris devra plutôt penser à des solutions techniques : chasse à débit réduit, double flux, etc. Agnès Decramer : « Notre but est que cela parle à tout le monde. Il s’agit d’un service et d’un accompagnement fournis lors de la signature du contrat commercial. On ne labélise pas mais on vise à faire grandir l’engagement durable des hébergeurs. » En ce sens, Feelingo s’est aussi associé à la plateforme ZEI, une solution digitale qui aide à évaluer le niveau d’engagement de chaque prestataire et permet d’affiner les actions mises en place. Les hébergeurs bénéficient ainsi d’un outil opérationnel et gratuit qui leur donne la possibilité de répondre aux différents points de la charte d’engagement et les aide à construire leur plan d’action, à engager leurs collaborateurs et à rendre accessible ces différentes démarches aux clients. Agnès Decramer : « Pour le tri des déchets par exemple, dans ZEI, on a une note sur 100 qui comprend le tri cartons et emballages (25%), le tri du verre (25%), celui des déchets alimentaire et huiles (25%) et la mise en place de poubelles de tri dans les chambres (25%). Or sur ce dernier point, on se rend compte que peu d’hébergements sont engagés et qu’il faut les aider à trouver des solutions. ». Afin d’étayer encore plus ce socle informatif, Feelingo a aussi mis en place un partenariat avec Travelife, certification européenne spécifique au tourisme, qui apporte à tous les hébergeurs partenaires des informations actualisées sur la législation, les partenaires potentiels (Clé Verte, Ecolabel européen, etc.), mais aussi sur les différentes innovations qui ne cessent de se développer pour aider le secteur dans sa transition vers le durable.
Alors demain, tous durable ?
C’est en tout cas le pari de Feelingo, pour qui le durable comprend bien évidemment l’aspect environnemental mais tout autant l’économique, le social et le sociétal, avec une réflexion permanente sur la raison d’être de la plateforme. Agnès Decramer : « Nous sommes une agence de voyage en ligne (OTA) et j’estime que certains établissements de petite capacité n’ont pas toujours intérêt à travailler avec moi quand ils peuvent fonctionner en direct. Mon objectif reste de les aider à remplir, à être rentable et d’accompagner la démarche de développement durable du secteur, pas d’essayer de faire venir à moi tous les hébergeurs. » Dans cette même volonté d’efficacité et de transparence, Feelingo réfléchit à faire évoluer son modèle économique, basé pour l’heure sur une commission de 12% (10% pour Feelingo +2% reversé aux voyageurs sur une cagnotte fidélité), mais qui pourrait pour certains établissements se muer en un fixe, parfois plus juste quand les nuitées se multiplient dans un même hôtel. Feelingo vise donc à se distinguer de Booking en n’enchérissant pas sur le nom des hébergements sur google, en modérant sa rémunération, et en misant sur la transparence client pour remettre en cause en permanence son modèle. Des considérations qui peuvent sembler étonnantes dans un secteur très concurrentiel où la captation de valeur est aussi une course à l’affiliation, mais qui ont le mérite d’afficher cette volonté claire de la plateforme de travailler sur le long terme avec les hébergeurs. Une forme d’éthique qui rappelle cette célèbre citation : « L’éthique ne vaut rien si elle ne se confond avec l’éthicien ».
Enfin, Feelingo, c’est aussi la conviction qu’il faut sortir des sentiers battus du durable. Agnès Decramer : « Voyager durable ne veut pas forcément dire voyager en France par exemple. je vis à Lille et je pars souvent sur la côte belge, ça me semble bien plus cohérent que de partir sur la côte landaise. Ne faudrait-il pas mieux parler de proximité, de voyage à faible impact ? Ce discours culpabilisant et caricatural me fatigue, il empêche les gens d’avoir une vraie réflexion sur leur impact. » Un discours qui s’applique également à la façon dont les partenariats sont envisagés, avec la certitude que pour être efficace et englobant, il faut arrêter de chausser des lunettes trop contraignantes. Ainsi, la plateforme assume totalement son envie de travailler autant avec de grands groupes comme Accor ou Marriott qu’avec des plus modestes et de se positionner sur le marché européen voire mondial plutôt que de se cantonner au marché français. Dans cette même logique, Feelingo est connectée aux solutions technologiques qui facilitent la distribution en ligne des hébergeurs (ReservIT, Travelclick, Vertical Booking, RoomCloud, D-Edge,…) afin que les hôtels concentrent avant tout leur effort et leur temps sur leur métier, l’hospitalité et la transition vers un tourisme plus durable. Agnès Decramer : « Notre ligne est claire. Le tourisme de demain sera durable ou pas. Il faut que l’on soit un maximum à s’engager. Nous sommes ouverts à toutes les bonnes volontés. »
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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