Escapade au Bhoutan : la danse des grues
Niché au cœur de l’Himalaya, le Bhoutan est un petit royaume bouddhiste qui tente de se développer autrement en préservant à la fois son environnement et sa culture. Depuis quelques années, ce pays attise la curiosité des voyageurs étrangers avec ses traditions et ses paysages himalayens intacts. A Gangtey, le 11 novembre prochain, se déroule le Festival des grues à cou noir. Cet évènement témoigne de l’importance de la protection de ces oiseaux en voie de disparition, mais pas seulement…
Il était une fois le royaume du bonheur
Le Pays du Dragon, surnommé aussi Terre du Dragon Tonnerre, se fait remarquer sur la scène internationale au début des années soixante-dix avec un indicateur innovant : le Bonheur National Brut. Basée sur les valeurs traditionnelles bouddhistes, son approche holistique du développement met l’accent sur la protection de l’environnement, la croissance économique responsable, la bonne gouvernance et la préservation de la culture bhoutanaise. Quelle démarche audacieuse, source d’inspiration pour de nombreuses sociétés !
Un de ces engagements s’exprime concrètement à travers la politique touristique menée par le pays. Pour ne pas basculer dans le tourisme de masse qui nuirait aux traditions ancestrales et à l’environnement, l’obtention de visa ne se fait que par le biais d’une agence locale. Une tarification journalière de 250 dollars par personne permet de générer des revenus importants tout en limitant le nombre de touristes, donc leur impact sur le pays.
Phobjikha, vallée immaculée
A environ 130 km à l’Ouest de Thimphu, la capitale, se trouve la magnifique vallée de Phobjikha perchée à 3000m d’altitude. Au cœur de ce décor enchanteur, le monastère de Gangtey, entouré de fermes traditionnelles et de forêts denses, illustre le caractère préservé et spirituel de la région. Chaque année à l’automne on se réjouit de l’arrivée des grues à cou noir. Venues du Tibet pour se réfugier pendant l’hiver dans cette vaste vallée glaciaire, elles sont sacrées depuis toujours pour les bhoutanais. Leur apparition coïncide traditionnellement avec la fin de la saison des moissons. Dans les croyances locales, les grues sont aussi la réincarnation de deux dieux protecteurs de la vallée. Ces oiseaux gracieux feraient trois fois le tour du monastère de Gangtey pour honorer les lieux et demander protection pendant leur séjour.
Au tournant du XXIe siècle, les mutations de l’agriculture traditionnelle ont un impact négatif sur cette grande zone humide de migration. Les grues à cou noir deviennent une espèce en voie de disparition. Les populations locales doivent relever un nouveau défi, concilier leur respect pour cet oiseau face au développement économique croissant, tout en préservant leur mode de vie.
Un festival, des solutions
La Société Royale pour la Protection de la Nature (RSPN), grand acteur en matière de protection environnementale au Bhoutan, informe et sensibilise les populations locales à la sauvegarde de ces oiseaux rares. Depuis 1998, dans la cour du monastère de Gangtey, cette ONG organise chaque année le festival des grues à cou noir. Cet évènement est une excellente manière d’exprimer les traditions culturelles du Bhoutan ainsi que les enjeux actuels de préservation et de développement.
Eduquer
… et sensibiliser tout en faisant profiter les habitants d’un revenu complémentaire grâce au festival, la démarche fonctionne ! Tout le monde participe aux danses, les écoliers miment le ballet gracieux des grues dans leur costume original, les moines admirent le spectacle et les visiteurs soutiennent l’économie locale en séjournant chez l’habitant. La communauté locale de la vallée de Phobjikha réalise qu’en préservant son écosystème, notamment en refusant pesticides et engrais chimiques, elle protège ses oiseaux sacrés, perpétue ses traditions et attire les visiteurs étrangers en quête d’expérience authentique.
Participer au festival des grues à cou noir est une manière de soutenir ce projet unique d’écotourisme. Et si jamais vous souhaitez observer ces fameux migrateurs au long cou, rendez-vous au télescope du centre d’information installé à quelques kilomètres du monastère.
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