Et si les arbres étaient la solution ?
Mes premiers souhaitent planter 18 milliards d’arbres par an pendant dix ans, Ma deuxième a traversé l’Afrique d’ouest en est à la rencontre des acteurs de la Grande Muraille Verte, Mes troisièmes se laissent happer par la forêt qu’ils peignent, étudient, photographient. Trois projets, trois ouvrages, trois façons d’aborder et de raconter les arbres. A l’heure où notre planète s’essouffle, transpire, expire et désespère de ces humains décidément trop envahissants, les arbres nous rappellent que l’immuable et l’invisible font aussi parties de la solution.

Le Chaos Climatique n’est pas une fatalité !
Si on connaît moins Matthieu Belloir, dirigeant d’un cabinet de conseil en RSE et communication, Jean-François Rial, PDG du groupe Voyageurs du Monde, est bien identifié des professionnels du tourisme pour ses prises de parole engagées et ses positions volontaristes. Partir avec Voyageurs du Monde, c’est souvent prendre l’avion, et c’est ce qui pose problème à l’entrepreneur militant, bien conscient de l’impact du transport aérien sur la planète (« Les scientifiques estiment in fine que l’avion est responsable de 4 à 5 % de l’augmentation de la température mondiale. ») mais bien décidé à trouver des solutions pour rattraper la trajectoire finale calculée par le GIEC et parvenir à la neutralité carbone en 2075. En attendant, les avions ne cessent de décoller et le temps pressent, ce dont les auteurs sont parfaitement conscients.
Ils ont donc imaginé une solution permettant de gagner quelques dizaines d’années, le temps que la technologie progresse, que les SAF (sustainable alternative fuel) deviennent accessibles et que les mentalités évoluent vers plus de sobriété. L’idée : planter 180 milliards d’arbres pendant dix ans afin de capturer massivement du carbone. L’ouvrage revient sur les différents scénarios du GIEC puis explore cette possibilité de planter autant d’arbres en instaurant une gouvernance mondiale et en tenant compte des multiples contraintes et obstacles qui ne manqueront pas de se poser. Dans une deuxième partie, deux problématiques plus ciblées sont mises en avant : celle de l’avion, via cette question récurrente visant à se demander si on pourra continuer à voler dans le monde de demain ; celle du modèle vertueux et efficace du maraîchage bio intensif, que Jean-François Rial connaît bien pour s’être lancé avec son fils dans un projet d’ agriculture bio intensive (La Ferme du Perche). L’ensemble peut paraître utopiste voire irréaliste mais a-t-on vraiment des solutions crédibles aujourd’hui ? En l’occurrence, les auteurs précisent bien qu’il n’est pas ici question d’Une solution ou de La solution mais d’un ensemble d’actions et de réponses combinées.

Dadji, de Dakar à Djibouti. À la rencontre de la Grande Initiative Verte Panafricaine.
Entre 2022 et 2024, Elodie Arrault a parcouru près de 8 000 kilomètres entre Dakar et Djibouti, de la côte Atlantique jusqu’à la mer Rouge. A vélo, à pied, en dromadaire, en bus, et en dernier recours par les airs, cette jeune femme aventurière qui n’a jamais eu froid aux yeux a eu envie d’aller découvrir cette Grande Muraille Verte dont l’idée a germé en 2002, lors d’une journée mondiale de lutte contre la désertification. La Grande Muraille Verte (GMV), c’est 11 pays directement concernés, 100 millions de terres dégradées à restaurer et 250 millions de tonnes de CO2 à séquestrer dans la végétation. « Il s’agit de lutter contre l’avancée du désert en plantant des arbres sur une bande de 15 km de large et de 8000 km de long » Aventurière et militante écologiste, Elodie Arrault a commencé sa 2e vie après trois enfants et un divorce en multipliant les défis sportifs et en passant un diplôme d’oléiculture. Son projet : découvrir et visiter au fil des pays traversés les nombreuses fermes, pépinières, plantations, ONG, agences et bureaux de représentation, coopératives de femmes, autant d’écosystème verts qui œuvrent pour la GMV. Parfois seule, d’autres fois accompagnée, Elodie va faire des rencontres marquantes et découvrir une réalité fascinante, parfois éprouvante avec son lot d’oasis vertes et d’hommes et de femmes relais, dans une Afrique qui peine à trouver la paix.
Sublimé par les dessins et les couleurs de Joël Alessandra, l’ouvrage sous forme de roman graphique permet de plonger au côté d’Elodie pour revivre ces découvertes végétales. Au Sénégal, elle rencontre Haïdar El Ali, l’un des écologistes les plus respectés d’Afrique de l’Ouest. Au Mali, elle passe plusieurs jours dans le campement d’Hervé Depardieu, son compagnon, « 20 hectares de nature préservée » et bien des projets telle l’idée de lancer une savonnerie pour que le campement soit autonome. Au Burkina Faso, elle découvre l’association Baobab 29 et l’arboretum de Pierre et Joëlle comptant un atelier de production d’Artemisia. Impossible de tout citer mais il y a aussi Tadé, ce caravanier croisé en Ethiopie et venu de Bamako qui travaille au développement forestier de l’Ethiopie au sein de l’antenne nationale de la Grande Muraille Verte. Il cite le programme « Green Legacy », une initiative du 1er ministre qui a pour objectif de planter 20 milliards de semis sur une période de quatre ans. « En 2023, au cours de la 4e année, ce sont 25 milliards de semis comprenant notamment de futurs fruitiers, qui ont été plantés. » De Dakar à Djibouti, on croise aussi ces arbres fascinants et majestueux que sont le baobab, le manguier, le kapokier, le cailcedrat, le palmier datier, le neem mais aussi des arbustes et plantes qui sont des trésors sur pied tant leurs usages sont variés : acacia mellifera, moringa, jatropha, ensète, figuier de Barbarie, etc. A Djibouti, l’aventure s’achève par la plantation d’un acacia au cœur d’un refuge tenu par une association (Decan) aux portes d’une mangrove. Elodie glisse dans le trou réalisé les poignées de terre récoltées dans les autres pays, « parce que la muraille verte est tout sauf une muraille »….

Être forêt.
Cet ouvrage est né d’une rencontre et c’est aussi à la suite d’une rencontre que j’ai décidé de l’acquérir, de ces moments suspendus qui arrivent dans des endroits improbables où les synchronicités s’enchaînent. Là, ce fut à Calvi, au Green Orizonte Festival, où j’ai d’abord suivi Geneviève Michon, ethnobotaniste, dans une balade apprenante autour d’oliviers centenaires d’un village de Balagne. Je rencontre peu après son compagnon, Philippe Deltour, artiste plasticien reconnu, qui me parle de son travail de peintre. Geneviève et Philippe ont eu envie de « se laisser happer par la forêt », la photographe traquant la magie de l’arbre via de magnifiques images, l’artiste maniant le fusain, rehaussant au lavis, au thé, pour esquisser la danse de ces êtres de feuilles et d’écorce. L’ensemble est un souffle partagé, un livre d’images et d’émotion, un voyage végétal, un espace où poser son regard pour se perdre, une ode à l’arbre et à sa magie. « Nous avons tenté de devenir nous-mêmes forêt, par immersion, par lente imprégnation, par fréquentation régulière. Puis de laisser « advenir » cette forêt, une forêt, des forêts, à travers nos créations. » J’ai plongé dans l’ouvrage puis je l’ai offert à mon compagnon, Philippe, puisque nous partageons cela, aussi.

———— Retrouver les trois ouvrages—————
Le Chaos Climatique n’est pas une fatalité ! Jean-François Rial, Matthieu Belloir. Préface de François Gemenne, L’Archipel, 2025. 17,90 €
Dadji, de Dakar à Djibouti. À la rencontre de la Grande Initiative Verte Panafricaine. Élodie Arrault & Joël Allessandra. Futuropolis. 2025. 26 €
Être forêt. Geneviève Michon & Philippe Deltour. Museo Edition. Oct. 2022. 32 €

Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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