Voyage Sauvage : concilier écotourisme, bien-être animalier et biodiversité !
Thèmatique : Espaces protégés Initiative privée Innovation
Aurélie Orengo-Berthet a grandi entourée d’animaux dans la campagne varoise, une passion dont elle a fait un chemin de vie en s’engageant pour l’écotourisme et en développant des formations dédiées aux professionnels du tourisme pour favoriser une approche plus respectueuse de la biodiversité. Depuis 2020, elle est à la tête de Voyage Sauvage, le 1er Tour-Opérateur dédié à l’écotourisme animalier et au bien-être animal. Rencontre avec une jeune femme déterminée à faire avancer la cause animale dans le monde du tourisme.

VA/ Pourquoi avoir fondé Voyage Sauvage ?
J’ai fondé Voyage Sauvage en 2020 pendant la Covid parce que je n’arrivais plus à trouver du sens dans mon métier. Je ne me sentais plus alignée avec mes valeurs, notamment concernant les animaux. J’ai vingt ans d’expérience dans le tourisme, je suis à la tête d’une agence de voyage depuis quatorze ans. J’ai été témoin de trop d’activités nocives et j’ai eu besoin de faire de la cause animale mon métier, de placer le curseur au plus haut niveau pour proposer des voyages sans aucune interaction ni aucun nourrissage animalier. Certes, la maltraitance diminue dans les offres touristiques mais même au sein de l’écosystème du tourisme durable, certaines agences intègrent des activités qui impliquent une interaction avec l’animal (prendre un bain avec un éléphant, nager avec les dauphins, etc.) ou un nourrissage (« affût » photographique des ours.). C’est tout ce que je dénonce et que je ne proposerai pas.
VA/ Avez-vous le sentiment que les dérives liées au tourisme animalier s’intensifient ? Quel serait votre carton rouge ?
La maltraitance animalière diminue fortement, en revanche, les interactions avec les animaux et le dérangement augmentent beaucoup. Je mets un carton rouge à l’Asie, même si tous les continents sont concernés, mais en Asie, il faut être encore plus vigilant, les dérives sont partout et cela va de mal en pis. Ils inventent sans cesse de nouvelles choses. Par exemple, si les balades à dos d’éléphant diminuent sur le marché français, les bains d’éléphants et les interactions dans les faux sanctuaires augmentent. La question de conservation des espèces est posée. En Thaïlande, au Japon, au Cambodge, on n’hésite pas à capturer des animaux dans leurs milieux naturels pour les exhiber ensuite dans des cafés, des bars. La nuit, ils dorment dans des cages immondes et le jour, les visiteurs viennent les voir pour les cajoler. C’est le cas des bars à loutres au Japon, à qui on enlève les griffes et on lime les dents pour les rendre inoffensives. Mais il existe aussi des bars à hérissons, à cabiais, et même à caracal à Bangkok.
VA/ Vous proposez quant à vous un écotourisme animalier éthique, pouvez-vous nous en dire plus ?
Voyage Sauvage refuse de vendre toutes activités nocives pour les animaux : les activités liées à la chasse, celles qui peuvent induire une torture, de la maltraitance (animaux drogués, etc.), celles impliquant des spectacles, des combats, des animaux de transport maltraités, tout ce qui va être selfies avec des animaux sauvages. On refuse aussi tout ce qui est lié à la captivité volontaire : delphinarium et zoo, safari de pourchasse ou hors-piste, harcèlement d’animaux. Comme je l’ai précisé, également toutes les interactions avec les animaux (toucher), les dérangements, tout ce qui est intrusif (excursion de mise à l’eau avec dauphins, tortues, etc.) dans des lieux surfréquentés qui posent évidemment problème avec des bateaux, du bruit, de la foule, etc. Les dauphins ou les baleines qui s’étaient rapprochés des côtes pour être tranquilles sont dérangés tout le temps.
En outre, même quand les activités proposées sont soi-disant écoresponsables, les animaux sont encore embêtés, avec des centaines d’interactions par jour. Au Mexique, les tortues sont même contenues par un filet placé directement dans la mer et les touristes peuvent nager avec elles et les suivre à leur guise juste en payant. De nombreux espaces aquatiques naturels sont ainsi aménagés en lagunariums afin que les visiteurs puissent observer de près et toucher la faune marine dans son habitat. Enfin, nous refusons toutes les activités liées au nourrissage, qui vont créer une dépendance, les activités nautiques motorisées (jet ski, bouées tractées, etc.), tout ce qui va générer de la pollution lumineuse (hébergements situés là où les tortues viennent pondre par exemple). Et bien sûr, on sensibilise nos clients pour qu’ils n’achètent pas des produits dérivés d’animaux (ivoire, dents de requins, corail, etc.), autant d’engagements forts et complets qui demandent une expertise et beaucoup de recherche.
VA/ Quels sont vos destinations et voyages phare ? Observez-vous une demande croissante pour ce type de voyage animalier plus respectueux ?
On propose des destinations très variées. En ce moment, on a beaucoup de demandes sur l’Ouganda, la Thaïlande, le Laos, les safaris en Afrique de l’Est et en Afrique australe. On reçoit aussi de plus en plus de demandes sur le Mexique. Le prix est important et on fait attention à rester au juste prix. On traite à peu près 150 dossiers par an, soit 500 clients environ. Les voyageurs apprécient notre philosophie, la demande ne vient pas forcément d’eux mais quand on leur explique, ils comprennent ce que l’on propose et y adhèrent. Ils ont une vraie confiance et une satisfaction forte vis-à-vis de nos engagements. En outre, on peut aussi regarder les animaux de près, depuis les bateaux par exemple, ou depuis un 4X4, les animaux sont habitués et ce n’est pas aussi intrusif qu’une mise à l’eau ou une découverte à pied. En revanche, si l’animal vient à nous, on respecte les distances de sécurité afin de limiter au maximum le dérangement.

VA/ Vous proposez également des formations spécialisées en écotourisme animalier, à qui s’adressent ces formations et en quoi consistent-elles ?
Ces formations s’adressent surtout aux professionnels du voyage. Elles s’étalent sur quatre demi-journées et consistent à leur apprendre à la fois ce qui se cache derrière chaque activité animalière, si elles sont nocives ou pas, avec ou sans impacts, etc. Elles visent aussi à sensibiliser leurs clients, les responsabiliser sans les faire culpabiliser. On les ouvre de plus en plus au grand public avec des e-learning qui seront disponibles prochainement. Il faut nous contacter. Quand on s’est lancés, il y a quatre ans, c’était très novateur mais nous recevons de plus en plus de demandes. Les professionnels commencent à comprendre leur intérêt car on fidélise les clients en étant irréprochable. L’an dernier, nous avons formé 100 agents de voyage du réseau Prêt à Partir, et en quatre ans, pas loin de 400 agents de voyage.
VA/ Avez-vous rejoint un des réseaux du tourisme durable type ATR (Agir pour un Tourisme Responsable) qui réunit les tour-opérateurs ?
J’ai rejoint ATR au tout début quand j’ai créé mes formations, mais nous n’avions pas la même vision des choses, pas les mêmes priorités. Dommage car cette cause fait partie du tourisme durable. Je suis consciente du travail formidable accompli par ATR sur les problématiques plus solidaires, plus humaines, mais sur la partie animalière, il reste encore beaucoup de travail à faire. J’avais d’ailleurs commencé à travailler sur la mise à jour de la charte du tourisme responsable pour y intégrer le bien-être animal mais elle n’a pas été retenue. Le tourisme animalier est très complexe. J’ai dû travailler avec des scientifiques, des naturalistes, il faut une véritable expertise pour proposer des activités durables et être cohérent. Tout le monde rêve de nager avec les dauphins, de caresser les éléphants mais il faut se poser les bonnes questions, à savoir : quel impact aura mon activité sur l’animal ? Pour l’heure, ATR est surtout focalisée sur la question du climat et du carbone, ce qui me semble dommage car cela ne parle pas toujours concrètement aux clients alors que la cause animalière est très fédératrice. Et d’ailleurs, je suis de plus en plus sollicitée, écoutée, respectée, les regards commencent à changer. On va dans le bon sens.
VA/ Un ouvrage ou un site internet à conseiller à nos lecteurs pour aller plus loin sur ce sujet ?
Nous avons répertorié différents ouvrages, films, et de nombreuses informations sur notre site internet. Il y a par exemple les films « Mia et le lion blanc » (sur les fermes d’élevages de lion), « The Cove, la baie de la honte » (sur les captures de dauphins) ; les ouvrages de Sarrano dont « Réconcilier les hommes et la vie sauvage ». J’ai aussi une amie qui est en train de créer des contes pour enfants autour des animaux afin de les sensibiliser à la cause animale. Côté associations, nous avions fondé « Pacte for Wild life » avec quelques amies mais nous avons du mal à trouver du temps pour la gérer. A l’international, World Animal Protection fait un travail remarquable.

VA/ Une dernière chose que vous souhaitez nous confier ? Un projet ?
Oui, le bonheur de vous confier que l’on a signé depuis peu un partenariat avec Perrine Crosmary, une archéozoologue, naturaliste et réalisatrice de documentaires, reconnue pour son expertise dans l’étude des relations entre l’homme et la faune sauvage. Elle est également la cofondatrice de l’association HISA (Human Initiative to Save Animals), dédiée à la protection des espèces menacées et à la sensibilisation des communautés locales et elle a participé à plusieurs émissions de France Télévisions, notamment « Instinct Animal » et « Planète Safari ». Nous allons donc créer des voyages en immersion avec elle !
On a aussi développé un programme avec des voyages de 6 à 12 personnes maximum, hors des sentiers battus, pour proposer un regard différent sur l’animal. Le fait de regrouper des personnes et de constituer des petits groupes nous permet de négocier des expériences privilégiées et ainsi, à Bali, le sanctuaire des dauphins nous ouvre exceptionnellement ses portes. Nous sommes les seuls au monde à pouvoir proposer cette expérience qui permet de comprendre comment il est possible de réhabiliter des dauphins à l’état sauvage dans un sanctuaire. Enfin, on commence aussi à développer les voyages en France avec des circuits « Sur les traces des loups et des Ours ».
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En savoir plus sur le site de Vie Sauvage ICI

Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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