Rencontre avec Jean Marc Mignon suite au 26e Congrès mondial du tourisme social.
Président de l’Organisation Internationale du Tourisme Social (O.I.T.S.), Jean-Marc Mignon nous livre ses impressions sur le dernier Congrès mondial du tourisme social qui s’est tenu en octobre dernier à Sao Paulo.
VA/ Le congrès mondial du tourisme social de Sao Paulo est le tout premier à être organisé en Amérique du Sud en 50 ans d’existence. A l’heure du bilan, êtes-vous satisfait de ce congrès et a-t-il permis de vous apporter un plus vaste éclairage sur tout ce qui se fait en matière de tourisme social dans cette partie du monde ?
Je crois pouvoir dire que le congrès de Sao Paulo a été l’un des congrès les plus remarquables de ces 10 dernières années, tant par la qualité exceptionnelle de l’organisation par les responsables du SESC Sao Paulo que par la richesse du contenu et des échanges. C’est d’ailleurs le congrès qui a reçu le plus fort taux de satisfaction des participants de toutes ces dernières années.
Il nous a permis de constater et de mettre en avant le grand dynamisme des acteurs de tourisme social de cette partie du monde où, en effet, l’OITS n’avait jamais organisé de congrès depuis sa création, il y a 51 ans. La participation très forte des brésiliens et une bonne participation des autres pays de la région, comme du Mexique, au moins en ce qui concerne les orateurs et panélistes, a permis de faire un large tour d’horizon des bonnes pratiques en cours en Amérique latine.
Mon seul regret est que nous n’ayons pas pu faire venir davantage de membres européens pour découvrir cette autre réalité stimulante du tourisme social. J’ajouterai que la visite du village de vacances de Bertioga, le plus ancien du Brésil, a en outre permis de toucher du doigt cette réalité sur le terrain même, et de constater combien il accueillait les publics de classe modeste et moyenne en faveur de qui nous avons l’ambition d’agir.
J’ajouterai enfin que la présence du ministre du tourisme du Brésil, Vinicius Lages, comme celle du directeur exécutif de l’OMT, Marcio Favilla, a permis, aux côtés de nombreux orateurs d’origines géographiques très diverses et de très bonne qualité, de fournir une importante matière à réflexion.
VA/ Le thème du congrès portait sur le tourisme de développement, l’unité dans la diversité. A la lumière des différents échanges, pensez-vous que le tourisme puisse effectivement jouer ce rôle de levier de développement local pour cette partie du monde ? En outre, avez-vous constaté de grandes différences ou plutôt des convergences dans la manière dont l’Amérique du sud appréhende le tourisme social ?
Le thème du congrès était effectivement « tourisme de développement : l’unité dans la diversité »… Et ce qui nous a le plus frappé est la façon revigorante par laquelle nos collègues sud-américains, et tout particulièrement brésiliens, placent le tourisme social dans ce concept plus large d’un « tourisme de développement », dans une approche « inclusive » comme ils aiment à l’exprimer. Et je crois que c’est ce qui va rester l’un des éléments centraux et durables de ce congrès, car cette vision va nous amener à nous poser la question de notre propre approche du tourisme social. Le comité exécutif de l’OITS vient en effet de décider d’engager une vaste réflexion sur cette question.
Cela rejoint d’ailleurs, à bien des égards, les principes que nous énonçons depuis longtemps dans notre texte de référence, la déclaration de Montréal, mais que nous n’avons peut-être pas su mettre en action au cours de toutes ces dernières années, nous concentrant presque exclusivement sur « l’accès aux vacances », qui demeure bien sûr une priorité.
Il ne fait en tout cas pas de doute, me semble-t-il, que le tourisme est perçu en Amérique du sud comme un levier de développement possible….mais évidemment à certaines conditions ; nous y avons de nouveau pu voir l’importance du concept du tourisme communautaire, dans lequel le SESC se retrouve d’ailleurs parfaitement, en y associant les dimensions sociale, solidaire et durable et en mettant la femme et l’homme au cœur de leur action.
Nous avons aussi été frappés par la montée en puissance rapide du tourisme domestique au Brésil, dont le ministre a lui-même rappelé l’aspect innovant et essentiel. Mais, dans le même temps nous avons été interpellés par les syndicats sur les conditions de travail parfois très critiquables de certains personnels des chaînes hôtelières ce qui a amené l’OITS à soutenir ces combats. Comme nous le savons, le tourisme peut donc bien être essentiel pour le développement de bien des pays…mais est aussi porteur de bien des maux auxquels il reste essentiel de trouver des remèdes.
VA/ Pourriez-vous nous citer une initiative ou un exemple précis en matière de tourisme social sur le continent américain, découvert lors des différentes allocutions du congrès, et dont pourrait s’inspirer l’Europe ?
L’un des ateliers les plus dynamiques a concerné le tourisme des seniors et nous avons eu la présentation de programmes particulièrement dynamiques mis en place au Brésil, au Chili, en Uruguay ; mais ces programmes ne diffèrent guère de ce qui existe en Europe, notamment avec le programme IMSERSO du gouvernement espagnol, le programme d’Inatel au Portugal… ou même maintenant le programme de l’ANCV en France.
En revanche, nous avons appris que, à l’initiative des gouvernements, des dispositifs ont aussi été mis en place au Chili et en Uruguay en faveur des jeunes et ceci pourrait servir d’exemple pour bien des pays d’Europe où le taux de départ des jeunes adultes s’est sérieusement érodé du fait de la difficulté à accéder au marché du travail.
Nous avons aussi noté que le gouvernement mexicain, et nombre d’Etats du Mexique, étaient en train de relancer des politiques actives du tourisme social, avec le soutien efficace de notre section Amériques et de sa directrice, Veronica Gomez. Nous suivons cela de près car il y aura peut-être des enseignements à en tirer aussi. Mais le plus important demeure pour moi ce lien entre « tourisme social » et « tourisme de développement » que j’ai abordé dans les questions précédentes.
VA/ Plus largement, à l’issue de ce congrès mondial, quels seraient les objectifs majeurs pour continuer à étendre l’impact du tourisme social en Amérique du Sud ?
Je tire de ce congrès la conviction qu’il nous faut sortir de notre vision principalement européenne du tourisme social, qui demeure le bel objectif de faire accéder plus de personnes au tourisme et aux vacances, mais que nous abordons, je crois, de façon trop défensive ou réactive.
Repositionner cet objectif dans une vision plus large et plus dynamique me paraitrait particulièrement opportun et aiderait aussi bien notre action en Europe, comme notre élargissement dans les Amériques ou aussi en Afrique, où les concepts de tourisme social et de tourisme solidaire sont souvent mêlés, pour des raisons de philosophie générale du tourisme que nous comprenons et partageons.
Avec mes collègues du comité exécutif, nous croyons en tout cas que l’Amérique latine a de très grandes potentialités dans notre secteur, et que le partenariat entre initiative publique (nationale comme locale) et l’initiative privée semble y être vivant.
5/ Enfin, VA était présent lors du congrès mondial d’Essaouira d’octobre 2012 qui s’était achevé par un appel assez émouvant pour le Mali matérialisé par une motion d’appui, l’OITS a-t-il poursuivi ses contacts avec l’Association malienne de promotion du tourisme social et solidaire (AMPTS) ?
Lors de notre congrès d’Essaouira, nous avions effectivement adopté une motion de soutien à nos amis maliens, après le beau témoignage de notre ami Moustaph Barry, représentant de l’AMPTS. Nous restons bien sûr en contact avec l’association, qui est membre de l’OITS, mais, depuis Essaouira, nous avons aussi ouvert une antenne de notre section Afrique à Bamako, et c’est notre collègue malien, Bassirou Diarra, qui est le coordinateur de la section ; l’OITS soutient en outre financièrement notre jeune section Afrique… même si cela reste modeste.
La situation politique du Mali ne permet cependant pas de relancer une activité tourisme dans le pays, même si certains programmes de coopération ont repris. L’organisation de l’Afrique et sa division en grandes zones géographico-linguistiques ne facilite cependant pas le développement de notre présence sur ce grand continent, mais nous y travaillons avec opiniâtreté et plusieurs pistes de partenariat intéressantes émergent tant en Afrique de l’Ouest qu’en Afrique australe ou dans le Maghreb.
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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