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Les peuples autochtones au secours de la planète !

A l’initiative du cacique (chef) amazonien Raoni, plusieurs dizaines de représentants des peuples et tribus autochtones de la planète se rassembleront du 20 au 25 juin prochain au Brésil pour lancer un grand cri d’alerte et fédérer leurs combats… Rencontre avec celui qui a rendu l’évènement possible et soutient la cause amazonienne depuis 25 ans : Gert Peter Bruch…

Gert Peter Bruch et le cacique Raoni dans la forêt amazonienne

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ainsi que l’association Planète Amazone dont vous êtes le fondateur ?

Je suis réalisateur audiovisuel. En 1989, j’ai suivi et photographié une partie de la tournée mondiale du chanteur Sting et du cacique Raoni en soutien à la cause amazonienne puis organisé plusieurs expositions sur le sujet qui m’ont fait prendre conscience de l’étendue du problème. Je suis alors devenu un fervent défenseur de la cause amazonienne. En 2010, le chef Raoni a engagé un combat contre la construction du barrage de Belo Monte, au Brésil, et le président Sarkozy qui devait le recevoir s’est décommandé au dernier moment sous la pression du président Lula et en raison des entreprises engagées sur le futur chantier. Nous avons alors compris que pour relayer l’appel de ceux qui veulent sauver la planète, la voie officielle ne suffirait pas. Il devenait donc essentiel de sensibiliser le plus grand nombre non seulement au problème majeur de la déforestation, mais également de faire savoir qu’à l’heure de l’indispensable transition énergétique, des solutions existaient déjà, les autochtones pratiquant par exemple une agro-foresterie productive dont il est possible de s’inspirer pour l’avenir. Ainsi est né Planète Amazone.

Quelles ont été, depuis, les différentes actions de Planète Amazone ?

Il faut bien comprendre que nous sommes une toute petite équipe de bénévoles tâchant de dépenser chaque centime collecté de manière irréprochable (même si nous salarions un permanent depuis 2 ans maintenant). Nos actions sont dictées par les urgences et vont de la livraison de médicaments au développement de projets audiovisuels comme le grand film sur lequel nous travaillons depuis 2 ans et qui raconte la mobilisation des indigènes, leur combat, les manifestations et les négociations, la présence à la COP 21 et surtout ce qui se tient caché derrière le pillage actuel de notre patrimoine nature ! : quelques intérêts occidentaux aveugles. Nous avons également organisé trois tournées en Europe pour que le chef Raoni puisse rencontrer des dirigeants, le prince Charles et le roi de Norvège, entre autres. Malheureusement, les médias n’en parlent pas. Nous organisons également des actions citoyennes de soutien aux peuples indigènes et essayons de connecter leurs porte-parole au monde. Sans négliger une sensibilisation via Facebook où nous avons déjà rassemblés quelques 200.000 supporters.

Comment s’est achevé le combat contre la construction du barrage de Belo Monte ?

Le combat a été perdu et le barrage construit, en violation de toutes les lois ! Ce qui fait que le combat juridique, lui, se poursuit. Un énorme scandale lié à la corruption a d’ailleurs éclaté depuis qui éclabousse beaucoup de monde. A quelque chose malheur étant bon, l’action menée a au moins rendu impossible la mise en œuvre d’un énorme complexe supplémentaire qui devait être lancé juste après, sur le rio Tapajos cette fois…

Le cacique Raoni remettant le texte fondateur de l’Alliance au président François Hollande

En juin prochain se tiendra donc l’assemblée historique des Gardiens de Mère Nature. Parlez-nous de ces gardiens et de l’Alliance qu’ils ont créée,  à l’Elysée même ! l’an dernier, lors de la COP 21.

Cette Alliance, le chef Raoni en rêvait depuis longtemps. Elle sera l’aboutissement d’un long combat. En 1954, déjà, les pionniers de la lutte environnementale en Amérique du Sud avaient appris la langue indigène, réuni et formé les chefs de différentes ethnies pour qu’ils puissent résister. Puis lorsque Sting s’est désintéressé de leur cause, le chef Raoni a compris qu’il fallait passer à autre chose. Il m’a relancé et nous en avons beaucoup parlé. Nous avons alors mis en place un « SOS Amazônia Tour » en Europe. Le chef Raoni a de nouveau rencontré des dirigeants occidentaux, comme le prince Albert de Monaco, et il a été accueilli par une standing ovation des députés français. Fort des quelques étincelles médiatiques jaillies à cet occasion, nous avons contacté d’autres chefs indigènes et les avons convaincus de se joindre à nous pour la création d’une grande Alliance, lors de la COP 21. Malheureusement, les attentats du 13 novembre en ont découragé plus de la moitié. Une soixantaine de personnes ont néanmoins fait le voyage, de manière autonome, auxquelles se sont joints quelques grands noms de la lutte environnementale comme Paul Watson ou Nicolas Hulot. Nous avons donc tenu notre assemblée constituante, retravaillé les principes fondateurs de l’Alliance et officialisé le résultat en le remettant solennellement au président François Hollande à l’Elysée ainsi qu’à Ban Ki-Moon, alors Secrétaire Général de l’ONU. Ce coup de projecteur a relancé l’intérêt que portaient à notre mouvement quelques chefs amérindiens et nous sommes d’autant plus ravis de leur ralliement que le but de l’Alliance est d’arriver à une vraie représentativité géographique des problèmes rencontrés : forêts, savanes, déserts… Néanmoins, pour pouvoir organiser ce grand rassemblement, encore nous fallait-il disposer des moyens financiers ! Nous avons alors eu l’idée de lancer une campagne de crowdfunding, au beau milieu des vacances de l’été 2016. En dépit de cet obstacle, miracle : les gens ont répondu massivement à notre appel et nous avons récolté plus de 200.000 € ! De quoi prendre en charge et faire converger 50 personnes du monde entier vers le Brésil en juin prochain. Une cinquantaine de leaders plus une cinquantaine d’accompagnants, sans oublier les nombreux représentants Sud-Américains, ce continent étant celui qui compte le plus de peuples indigènes.

200.000 €, c’est déjà une belle somme. Davantage que vous n’escomptiez ?…

Plus du double. Et heureusement, car nous avons, en fait, au moins besoin de cela. En dépit des congés, s’est tissé durant l’été un engouement incroyable autour des vidéos de Nicolas Hulot, Hugues Aufray, Bernard Lavilliers, Paul Watson ou encore Pierre Richard dont l’appel, par exemple, a été visionné plus de 2 millions de fois ! Ce large soutien populaire nous a vraiment fait chaud au cœur. Et il est capital d’un point de vue éthique.

Le cacique Roni reçu par le Secrétaire Général de l’ONU, M Ban Ki-moon

Les gens sont parfois surpris de retrouver Paul Watson, le très médiatique fondateur de Sea Shepherd, partie prenante de cette aventure…

Paul Watson est canadien, pays où l’on est sensible (ou pas, mais en tous cas on sait de quoi il retourne) à la cause des autochtones. Une tribu indienne du Canada est d’ailleurs en lien avec nous depuis un voyage du cacique Raoni au Québec en 2004. Et puis, tout est relié, n’est-ce pas ; les personnes qui militent pour la nature se sentent proches les unes des autres et constituent une sorte de grande famille reliée par des liens naturels et de nombreuses affinités.

17 propositions fondent l’Alliance. Pouvez-vous nous parler des plus importantes ?

Nous nous sommes avant tout voulus réalistes. Ainsi, avons-nous commencé par répertorier pour les remettre à l’ordre du jour, toutes les règles vertueuses déjà décidés ou votés, mais qui ne sont absolument pas respectées ou dont la mise en œuvre est bloquée par certains lobbies. Que les gens sachent que nous ne voulons pas tout révolutionner et qu’il existe déjà, en théorie, des outils et des solutions… qui ne sont pas appliquées ! Dans un second temps, nous allons plus loin, proposant par exemple la sanctuarisation des forêts encore habitées. Ce qui implique de donner aux populations qui y vivent les moyens de s’y maintenir de manière indépendante. Il existe également un volet reforestation, essentiel, ainsi qu’une partie sur la protection des océans, urgentissime, comprenant la création de zones tabou liées à la surpêche. Ce que pratiquent déjà les Polynésiens depuis des siècles, qui, jadis, condamnaient à mort ceux qui transgressaient l’interdit, tant ce pillage pouvait avoir des conséquences catastrophiques pour l’ensemble de la communauté.

Quand et où se tiendra cette première Assemblée des Gardiens de Mère Nature et quel est son but ?

Du 20 au 25 juin prochain dans un village kayapo de l’état du Mato Grosso. Le but étant de créer une internationale des Gardiens de Mère Nature et de fonder juridiquement cette Alliance : mettre au point son fonctionnement, élaborer les premiers projets portés, définir les moyens mis et œuvre et désigner ceux qui les défendront.

Le premier sommet de l’Alliance des Gardiens de Mère Nature se tiendra du 20 au 25 juin prochain au Brésil

D’où vient le lien si fort entre l’initiative du chef Raoni et notre pays ? Sommes-nous la seule nation à être aussi impliquée aux côté des Gardiens de Mère Nature ?

Les choses se sont faites ainsi en partie du fait qu’il a fallu organiser le grand rassemblement initial à l’occasion de la Cop 21. Mais nous avons, depuis, recontactés tous ceux qui n’étaient pas venus, notamment les tribus d’Amérique du Nord qui représenteraient à l’avenir un formidable relais. Si le mouvement est déjà, en partie, collectif, l’action se focalise encore sur nous parce que nous sommes au départ de l’initiative. Vous imaginez bien que chaque ONG a déjà ses propres projets et combats à mener et éprouve donc de la difficulté à s’investir, en plus, sur des projets extérieurs. Et bien davantage encore à trouver des fonds pour cela. Mais les choses avancent, pas à pas.

Vous avez également réalisé un film. Que raconte-t-il et quand sera-t-il diffusé ?

Ce film devrait être présenté en avril, juste avant les élections car il est très politique. Il couvre 4 ans de mobilisation autour du combat amazonien dont il explique les tenants et aboutissants, retraçant au passage les multiples aller-retour du projet entre le Brésil, la France, l’Europe. Il dure plus de deux heures et nous espérons pouvoir le projeter au Festival de Cannes.

Une belle brochette de défenseurs de l’environnement au secours de l’Amazonie sur le plateau de Canal +

L’idéal, en juillet prochain, ce serait que l’Assemblée débouche sur quoi ? Un mouvement plus vaste ?

Bien sûr. Mais déjà, réunir tous ces gens sera une victoire formidable ! Les faire se rencontrer, découvrir les uns les autres (on souhaite que chaque communauté soit accompagnée d’un petit film de présentation). Nous en sommes encore au tout début. De quoi ?… on verra bien, l’essentiel étant que les gens sachent que quelque chose d’important pour les générations futures est en train de se mettre en place. C’est le but n°1. Ensuite, il faut bien être conscient que cette cause a beaucoup d’ennemis. Des enjeux financiers considérables sont en jeu. Traités de « djihadistes verts », dénigrés et harcelés, les gens qui défendent leur territoire sont parfois assassinés dans leur pays et leurs ONG infiltrées pour être bloquées. C’est une véritable guerre que se livrent aujourd’hui les forces de protection de l’environnement et certains groupes financiers. Un combat de longue haleine qui ne pourra être gagné qu’avec le soutien du public. C’est pourquoi si la reconnaissance par la loi du crime d’écocide constitue l’un des objectifs majeurs des fondateurs de l’Alliance, le véritable enjeu, au fond, est de faire de chacun d’entre nous un Gardien de Mère Nature. Que faudrait-il pour cela ? Rien d’autre qu’évoluer, chacun, un tout petit peu dans nos comportements quotidiens et agir à son échelle. La fameuse métaphore du colibri…

 


Les peuples autochtones au secours de la planète ! | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Jerome Bourgine
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