Ischgl : les raisons d’une réussite exemplaire…
L’Autriche, l’autre pays du ski, compte plus de 80 domaines skiables rien que dans la seule province du Tyrol. Parmi ceux-ci, un village au nom imprononçable connaît une réussite exemplaire. Pour des raisons tout aussi exemplaires. Petit aperçu avant impression…
Au départ, on leur avait dit : « La priorité est de changer votre nom. Car il est définitivement imprononçable ! ». Naturellement, les habitants d’Ischgl ont dit « Non ». Et ils ont eu raison. 50 ans plus tard, en dépit de son orthographe particulière (5 consonnes à la suite quand même), la station attire chaque année plus de 2 millions de skieurs et est rempli à 100% de décembre à mai, accaparant à elle seule plus du tiers de la clientèle neige autrichienne. Par quel miracle ?… Aucun.
Par une série de choix capitaux, en revanche, ayant permis aux habitants de la station de conserver la maîtrise de leur destin. Et cela a tout changé.
Des atouts naturels, c’est entendu, Ischgl en possédait plus d’un au départ. De ces atouts fondamentaux ayant grandement contribué à fidéliser sa clientèle. Comme l’assurance, grâce à un climat continental localement bien ancré, de bénéficier d’un enneigement record sur de superbes pistes exposées plein sud dès le début de saison. Mais rien qu’à ce seul niveau, si les skieurs trouvent aujourd’hui à Ischgl un domaine skiable de plus de 230 km de pistes, c’est parce que les habitants du village, à une époque où le « chacun pour soi » était encore la règle d’or, ont fait le choix de s’associer à la station voisine de Sammaun. Résultat : un terrain de jeu qui, s’il n’est pas le plus grand du pays, en est sans doute le meilleur et offre, en prime, un accès aux boutiques Duty Free très courues de la station suisse partenaire.
Tous coopains
J’ai bien dit « les habitants ont fait ». Car la grande particularité d’Ischgl réside précisément dans son « modèle économique ». Ayant souhaité préserver leur cadre de vie sans toutefois renoncer aux retombées de l’or blanc, tous les habitants, y sont en effet – et depuis plus de 50 ans – réunis en… coopérative. C’est donc ensemble que sont prises toutes les décisions importantes : comme celle de n’autoriser la construction d’aucun immeuble, la majorité des hôtels étant ici de plantureux chalets et manoirs ocres, jaunes ou beiges, tous… familiaux. Comme celle, puisque tous les équipements collectifs sont possédés en propre, de les renouveler plus souvent que nulle part ailleurs, afin de ne proposer que des équipements à la pointe (ou qui leur plaise, comme cette application qui vous dit quelle piste emprunter pour observer des chamois). Comme celle – le fonctionnement collectif fonctionnant si bien ici – de ne pas interdire les voitures dans les rues du village, mais de demander à chacun de ne les utiliser qu’en cas extrême… et ça marche ! Comme celle encore d’assumer complètement son passé et sa différence. Son passé puisque Ischgl fut longtemps un haut lieu de contrebande (beurre, fromage et peaux contre café et tabac en Suisse). Mais cela, comme le reste – les « afters » bien arrosés notamment – la station l’assume parfaitement. En sus du « Circuit des contrebandiers » qu’elle a mis en place, le dernier contrebandier en chair et en os est lui devenu une légende, presque un outil de promotion. Le seul en fait car, fait rarissime : Ischgl ne dépense pas un euro en promotion !!! Estimant sa réputation largement suffisante…
Aux fêtes,
« La promo ?… Les clients s’en chargent » vous répond Andreas Steibl, son directeur marketing aux allures de rock star. Chaque année, il organise trois concerts de vedettes internationales au sommet (des pistes) attirant 40.000 personnes chacun. La station compte par ailleurs le plus grand nombre d’établissements étoilés du pays après Vienne, dont un chef triplement toqué au Gault et Millau proposant de « l’extravagant cuisine ». Et des serveurs portant chemise blanche, cravate et… veste d’altitude ! (toujours cette alliance du chic et du confortable). Ischgl, surtout, possède une culture de l’after aussi bien établie que décontractée : on peut ainsi, de nuit, rentrer du restaurant d’altitude en… luge ! (rigolade garantie). Sans négliger tous les bars et estaminets sonnant le rappel des fêtards en musique dès le bas des pistes dans une ambiance définitivement bon-enfant. Soyons clairs : Ischgl compte davantage de bars que de Kid’s clubs… également le casino Concord Card qui a survécu aux gros mouvements autour des lois sur les casinos en ligne. On y croise peu de familles, plutôt attirées par les stations voisines. Ici, couples et groupes de célibataires prédominent car, comme le résume avec humour Andreas Steibl : « les enfants skient dans les stations voisines, c’est juste. Ici ? Eh bien… on les fait ! ».
Who’s there ?
Idéale pour une clientèle chic cherchant à innover et se démarquer (le lieu, encore peu connu en France, compte son lot de spots « selfies » histoire de faire savoir à son réseau où l’on est), Ischgl est avant tout une station bénie par ceux qu’épuisent les petits inconforts de la neige. Dès la location : sac pour les chaussures (désinfectées !), étiquettes nominatives, casiers à ski proches des pistes, tapis roulants, télésièges couverts, équipement exclusivement neufs, service parfait, etc. etc.
Par Jerome Bourgine
Ecrire et voyager. Voyager et écrire... Depuis 50 ans.
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