Impressions voyageuses : De Djibouti à Tadjourah
Nombreux sont les auteurs et artistes à avoir été tentés par l’aventure djiboutienne. Henri de Monfreid, Arthur Rimbaud, Albert Londres, Ryszard Kapuscinski, Hugo Pratt. Ils ont laissé l’ombre d’une maison, des récits d’aventures, des parfums de trafics et d’alliances sur les eaux de la mer Rouge… Toutefois, au-delà des souvenirs littéraires, au-delà aussi d’un destin militaire plus récent, Djibouti reste une terre qui marque le voyageur. Pris en tenaille entre mer et désert, on oscille en permanence entre les terres âpres et sèches et la douceur accueillante de fonds marins miraculeusement préservés. Dans cette dualité attachante, on bascule sans fin des nomades aux pêcheurs, des pierres abruptes aux sables fins, des dégradés d’ocres et de bruns à une profusion de couleurs issues des marchés, quand les tissus des femmes font échos à ces palais aquatiques parcourus de poissons multicolores. Retour sur une semaine d’impressions voyageuses.
A peine descendu du ciel et déjà sur mer. L’Office de tourisme djiboutien nous a réservé un accueil somptueux : petit-déjeuner sur un boutre dans le golfe de Tadjourah. Sur place, l’ensemble de l’équipe nous accueille. Trois jeunes filles en costume traditionnel ont également été conviées. Elles représentent chacune l’un des trois principaux peuples qui composent la population djiboutienne.
Les Afars (ou Danakil) occupent principalement le nord du pays avec un territoire qui déborde également sur l’Ethiopie et l’Erythrée, le fameux « Triangle Afar ». Peuple nomade de pasteurs transhumants, ils vivent de l’élevage et au-delà de leur foi musulmane, fleurent quelque peu avec une certaine forme d’animisme : « on coupe les branches d’un arbre mais non l’arbre ». Les Issas sont concentrés au sud du pays et font partie, à l’instar des Issak ou Gadaboursi, des peuples somalis. Nomades mais aussi commerçants, ils sont souvent à la tête de petites affaires. Enfin, il y a les nombreux Yéménites implantés dans le pays depuis des siècles. Bâtisseurs, commerçants, pêcheurs, ils sont très bien intégrés dans le tissu local.
Promenade dans les ruelles de Djibouti et découverte du phénomène Qat (ou Khat), petit arbuste dont les feuilles sont consommées pour leur pouvoir stimulant. Une simple promenade à 14h dans les rues de Djibouti permet de prendre toute la mesure de la qat’s addiction. A chaque coin de rue, de petits étals revendent les bouquets de feuilles que les hommes se dépêchent de mastiquer longuement car si le qat ne provoque pas d’effet de manque, la dépendance est réelle.
En 1977, Djibouti quitte le giron français et devient indépendante, une indépendance loin de couper tous les liens avec la métropole. Aujourd’hui encore, presque tout le monde parle et comprend le français qui reste la langue enseignée à l’école avec l’arabe. Environ 2 000 militaires français sont toujours en poste dans le pays. Enfin, de grandes familles françaises ont tissé des liens commerciaux avec le pays et continuent à jouer un rôle important dans la vie local. Le tourisme intérieur s’est d’ailleurs bâti sur ces familles d’expatriés ou de résidents qui ont été les premiers à se rendre dans les campements pour échapper aux chaleurs estivales ou, tout simplement, pour découvrir un autre Djibouti.
Après une traversée du golfe de Tadjourah en bateau à moteur, nous arrivons à Tadjourah, dite aussi « la ville blanche » ou « la ville aux sept mosquées ». Ce gros bourg tranquille disputa longtemps la deuxième place à l’ancienne capitale Obock. Un petit tour de ville et de croiser un marché coloré, quelques lycéennes fringantes mais aussi et toujours, la langueur des jours qui s’étirent dans les cris des enfants, le désordre des chèvres, le ballet des percnoptères d’Egypte et l’ombre des bateaux échoués sur des plages reconvertis en terrain de jeu.
Sur le marché de Tadjourah on trouve des tissus colorés, enveloppants, autant de paravents pour fuir et chasser le soleil. Les femmes s’en couvrent le corps et ce qui est boubou à l’ouest devient diri à l’est. On trouve aussi des épices, des pois, des haricots, de l’encens et cette longue racine, l’aday, qui sert à la fois de dentifrice et de brosse à dent.
La matinée s’étire et sur la plage, plusieurs groupes d’hommes jouent au dabouda, une variante de l’awalé, un jeu traditionnel à l’instar du b(o)ub, du riyo, du kadhalis ou du shax. En 2008, un programme de sauvegarde et de préservation de ces jeux de sociétés ancestraux a permis d’identifier plusieurs maitres détenteurs de savoir, et de revaloriser ainsi un patrimoine menacé de disparition notamment du fait de l’intensification de l’exode rurale mais aussi de part la mondialisation.
Le temps file. Nous repartons. Direction Bankoualé à l’intérieur des terres. Le paysage change, s’assèche. Les regards s’affutent.
A SUIVRE…
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Prochain départ pour Djibouti : Le 28 février.Plus d’info sous ce lien.
Un itinéraire grandiose sur des terres qui ont fasciné artistes et aventuriers ! Henri de Monfreid, Joseph Kessel, Arthur Rimbaud… Sur la route des anciennes caravanes de sel afares, le lac Abbé et ses sources chaudes, l’immense lac salé Assal, au pied d’anciens volcans, la forêt primaire du Day, qui surplombe la baie turquoise de Tadjourah, jusqu’à la mer Rouge. Des paysages à couper le souffle !
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Merci à toute l’équipe de l’Office de Tourisme Djiboutien, Omar, Habib et son directeur Mohamed Abdillahi Waiss pour son invitation à Djibouti.
Merci à Dominique Lommatzsch de l’association ADEN pour sa présence et ses éclairages passionnants et passionnés.
Merci à Houmed Ali de l’agence SAFAR qui nous a guidé et fait partager sa culture et ses engagements.
Merci à la Turkish Airlines et tout spécialement à Burcu Uresin pour son assistance et sa présence charmante et aidante.
Merci aux valeureux chauffeurs, Saïd et son équipe, toujours bon pied bon oeil malgré les heures de pistes difficiles.
Merci à Valérie Dekière et à toute l’équipe du Sheraton pour leur accueil à Djibouti ville.
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Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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