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Développement touristique en montagne : le temps des choix est arrivé

| Publié le 19 juin 2013
             

L’espace montagnard français est aujourd’hui souvent perçu comme un espace touristique majeur. Les articles ou reportages mais aussi souvent les travaux des chercheurs ne manquent pas de montrer l’engouement des touristes pour la randonnée estivale ou la pratique du ski. Sans doute cette perception est le résultat d’une histoire récente, mais déjà complexe. Mais qu’en est-il réellement de la situation sur les territoires montagnards, quelle analyse pouvons-nous en déduire, quels enjeux pour demain pouvons-nous mettre en évidence ?

Les prémices du tourisme en montagne

L’activité touristique est avant tout un déplacement de personnes de leur espace quotidien vers un espace inhabituel pour un temps donné. Ce déplacement devient touristique lorsqu’il répond simultanément à quatre fondements que sont le temps libre, les moyens financiers, la liberté, de se déplacer et la liberté pour les populations locales de les accueillir (Torrente 2008).
Partant de là, nous pouvons estimer que la montagne a connu ses premiers mouvements de l’activité touristique à la fin du 18ième, début du 19ième (Debarbieux 2001). A cette époque, quelques riches aristocrates sont venus, tels des élites, des privilégiés séjourner en montagne. Ils ont été les défricheurs. A la même époque, ces mêmes privilégiés ont séjourné l’hiver en bord de mer. Si nous tentons de comprendre la structuration de cette activité à cette époque, cinq principes se dégagent : avec la démocratisation du tourisme, c’est-à-dire l’accès aux vacances pour tous à partir des années 1960 et grâce à la mise en place des congés payés en 1936, de nombreux touristes ont eu aussi la possibilité de « prendre des vacances ». Leur destination a été celle « où ils savaient qu’ils pouvaient aller », c’est-à-dire la famille ou les amis et là où les élites, les privilégiés ont installé une activité touristique.

©Pierre TORRENTE

Cycle touristique

Ici, nous pouvons mettre en évidence le cycle touristique suivant : une « élite » créée une destination et la « masse » ensuite les rejoints, ce qui a tendance à chaque fois à faire fuir l’élite qui invente de nouvelles destinations. Sans doute ce cycle trouve son sens dans la place du tourisme comme marqueur social de nos sociétés industrielles.

©Pierre TORRENTE

©Pierre TORRENTE

Tourisme en montagne – une saisonnalité affirmée

C’est à partir de ce cycle que peu à peu le tourisme hivernal en montagne s’est développé, et que le tourisme estival a dans un premier temps occupé une place bien moindre dans l’économie montagnarde. C’est aussi à ce moment-là que l’agriculture française et particulièrement montagnarde a connu des difficultés et la montée en puissance de l’activité touristique a souvent accéléré sa quasi disparition. C’est à cette période qu’une rupture apparait dans le processus touristique car les cinq principes identifiés dans la première phase vont se caractériser de la façon suivante :

©Pierre TORRENTE

©Pierre TORRENTE

Cette inversion des principes a pour conséquence de transformer l’activité touristique en une activité principale ou le risque climatique notamment, est très élevé alors qu’il en représente quasiment la « matière première » et ou l’inversion du principe de service suppose désormais que les sites accueillent toujours plus de monde pour contrer le phénomène que connaissent beaucoup de destinations touristiques à savoir : l’augmentation du nombre de touristes entraine une baisse de la qualité des prestations qui se traduit par une baisse des prix qui suppose une nouvelle augmentation du nombre de visiteurs et ainsi de suite entrainant parfois la sur fréquentation.

De la montagne à la « station »

Cette situation brièvement décrite a eu pour conséquence de penser l’aménagement de la montagne souvent à partir de l’activité économique pressentie comme dominante à savoir le ski.

Le concept de station, c’est-à-dire d’un espace polarisé organisé selon un principe urbain (regroupant les services, les hébergements et activité en même lieu) s’est imposé, au détriment d’un espace montagnard jusqu’alors atomisé dispersé, pour en particulier répondre à une clientèle urbaine et de plus en plus nombreuse (Vlés 2012).

Aujourd’hui devant les difficultés des stations de ski (D’Amico 2013), face aux investissements importants des stations, au changement climatique, sans doute à la crise de 2008 et surtout à un nouvel engouement des clientèles pour un tourisme estival à la montagne, les pouvoirs publics et les décideurs, ont tendance ces dernières années à proposer des schémas d’aménagements autour de la station comme si cette forme de réponse était évidente pour un développement permanent et raisonné de la montagne.

L’heure des choix

Nous sommes véritablement face à un choix stratégique pour le développement de l’espace montagnard. Faut-il continuer à penser que la polarisation de l’espace et des activités (pôles touristiques de montagnes,…) doivent être le principe de développement, c’est-à-dire celui qui garantit le maintien des populations, des services publics et des paysages, alors dans ce cas la station de ski doit rester le moteur du développement autour de laquelle le reste de l’activité s’organise, ou bien le principe de développement de l’espace montagnard doit-il être pensé à partir d’un système atomisé et dans ce cas le tourisme estival mais aussi l’agriculture de qualité, l’artisanat et sans doute la valorisation patrimoniale (Bessière 2011) deviennent les moteurs du développement et l’économie du ski un complément important mais dont le risque climatique, économique et social sera minimisé.

La montagne et les montagnards sont à la croisée des chemins, l’avenir de ce territoire en dépend. Ce qui semble évident, c’est que les seules actions durables quel qu’elles soient, des investissements importants ne suffiront pas à penser les plaies de cette espace. Les prochaines politiques engagées en particulier 2014-2020 devront clairement poser la question du choix de développement entre un espace atomisé avec ses contraintes et ses surcoûts mais aussi sa capacité à maintenir une montagne totalement vivante et un espace polarisé avec ses économies d’échelle mais aussi sa capacité à générer des déserts autour.

Dans un espace aussi fragile que la montagne, où les ressources sont à gérer avec prudence, une politique publique durable de la montagne devra se prononcer sur un éternel dilemme entre un saupoudrage de ces aides ou une concentration sur des espaces déterminés.

L’activité touristique, parce qu’elle marque de façon importante un territoire est un formidable vecteur de développement mais son articulation avec l’espace peut prendre diverses formes dont seule la réponse aux attentes des clients ne pourra jouer le rôle de régulateur.

Mais dans ce choix qui désormais s’impose de façon urgente, qu’en pensent les populations concernées, dans quelle montagne veulent-ils vivre ? Et si nous leur posions la question ?

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Pierre TORRENTE – Directeur adjoint ISTHIA –CERTOP – UMR 5044 CNRS – Université Toulouse 2
Courriel : pierre.torrente@univ-tlse2.fr


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