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Belleek, sous le pont coule une frontière

Des policiers britanniques sympathisent avec leurs homologues irlandais de la Garda sur le pont-frontière de Belleek. Ils regardent le panneau de Laurent Gontier qui lui servira plus tard à essayer d’attirer l’attention de Theresa May – © Elisabeth Blanchet

Etape 4 : Belleek, sous le pont coule une frontière

Coordonnées GPS : autour de 54.480059, -8.092724

Tendance : sniper, County Fermanagh

Population : 840

Des patelins insignifiants, on en croise tous sur la route, toutes les routes. En Irlande, certains sont un peu spéciaux. Ils sont en plein sur la frontière, une frontière invisible qui pourrait bien ressurgir avec le Brexit. Invisible ? Pas tout à fait, il suffit de regarder longtemps. En suivant l’adage flaubérien “Pour qu’une chose soit intéressante, il suffit de la regarder longtemps” et GPS en main, nous avons écumé pour vous cinq bleds ignorés des guides de voyages où fleurissaient jadis les checkpoints. Ils méritent qu’on s’y attarde et qu’on prête l’oreille aux histoires improbables des gens. Quatrième étape, Belleek, la grande ville la plus occidentale de la frontière, avec une ou plusieurs rencontre (s)… au sommet !

Et au milieu coule une frontière, Belleek – © Elisabeth Blanchet

Boire un coup en écoutant des histoires
Pub Black Cat Cove

C’est au Black Cat Cove que vous ferez le plein d’histoires tout en buvant une bonne pinte ou un cidre. Dans ce pub fort sympathique, les langues se délient facilement dès le matin et jusqu’à l’extinction des feux. Le grand bar en courbe sur votre droite en entrant est parfait pour engager la conversation. De toute façon, vous ne passerez pas incognito car tout le monde se connaît.

Un des patrons du pub Black Cat Cove où l’ambiance est plutôt décontractée… – © Elisabeth Blanchet

On vient aussi y boire un verre depuis l’autre côté du pont, côté République. Vous y apprendrez par exemple que c’est sur cette frontière irlando-britannique que l’Armée Britannique s’est fait la main en testant tout un tas de choses en matière d’interventions, de construction de postes de “défense”, de matériel de contrôle etc… On vous racontera des histoires d’hélicoptères omni-présents et de la fameuse ancienne station des forces armées aujourd’hui abandonnée qui montre à quel point les Britanniques ne rechignaient pas au leurre et au camouflage épais.

Une pause déjeuner ou dîner
The Lemon Tree Coffee House

Voici un petit resto qui pourrait vous paraître presque champêtre… Aujourd’hui, oui. Mais du temps des Troubles, il était dans la ligne de mire du sniper de la colline de l’autre côté du pont (cf Fait Remarquable), dont l’impact d’une balle a longtemps marqué la façade. En tout cas, on y mange fort bien. La quantité de clients, y compris habitués, ne trompe pas. Les deux petites salles rustiques et décorées façon “shabby chic” ne désemplissent pas. Essayez le gratin de fruits de mer (seafood chowder gratiné) et le cheesecake ou la part – très généreuse – de quelque autre gâteau.

Gratin de fruits de mer au Lemon Tree Coffee House – © Elisabeth Blanchet

Le chef est excellent, lui aussi. Malheureusement, le Lemon Tree ferme à 17h. Pour le soir, rabattez-vous au Black Cat Cove, le pub a une grande salle à manger et des plats typique de pub: Fish & Chips, Roasts et autres Shepperds Pies copieux et à des prix abordables. Vous serez quittes pour de nouvelles histoires et avec un peu de chance une soirée open mic – en général le jeudi soir -.

Fait remarquable

Il était une fois une guerre, une colline et un sniper. C’était le 19 juillet 1987 : un membre des Royal Green Jackets de l’Armée Britannique, Thomas Hewitt, 21 ans, tombe lors d’une patrouille sous les balles d’un sniper de l’IRA perché sur la colline.

Ancienne station de l’Armée britannique abandonnée à Belleek – © Elisabeth Blanchet

Vestige de la Hard Border du temps des Troubles

Quittez le coeur de Belleek par la petite route qui file vers le nord depuis le grand virage près du pont. Sur la gauche, en bord de rivière s’élèvent une imposante structure squelettique en partie dépouillée du revêtement qui la rendait jadis un peu moins menaçante. Vous contemplez les ruines d’une ancienne base de l’armée britannique, rare vestige de la Hard Border de jadis. Après les accords du Vendredi Saint en 1998, la grande majorité des structures frontalières ont été rasées. Celle-ci fut vendue à un particulier pour démantèlement. Une acquisition dont il ne sut visiblement que faire puisqu’il chercherait aujourd’hui à s’en séparer. Aidan, qui habite la maison voisine, se souvient avec un tremblement dans la voix de l’attentat contre la caserne qui, au cours de la nuit du 27 novembre 1989, a soufflé les fenêtres de sa maison et détruit des habitations alentour. Les actualités de l’époque rendent compte de l’ampleur de l’attaque :

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Aidan McGonigle devant la station de l’Armée Britannique abandonnée, Belleek – © Elisabeth Blanchet

 

Dormir
The Fiddlestone

A l’étage du Fiddlestone, autre pub de Belleek, à quelques dizaines de mètres du Black Cat Cove de l’autre côté de la rue principale, on peut dormir. Les chambres de ce Bed & Breakfast sont très propres et bien sympathiques avec leur déco very British – on est côté nord -. Le petit déjeuner, Irish Breakfast, est copieux avec tout ce qu’il faut pour vous faire tenir le coup pour de longues heures : black pudding, bacon, fayots, oeufs, tomates, champignons… Si vous dormez au Fiddlestone un jeudi soir, allez boire un verre en bas avant d’aller vous coucher, vous y trouverez une bonne partie des anciens de Belleek en train de jouer religieusement aux cartes, pièces de monnaie à l’appui…

Shopping

La station service “sur la frontière” est en réalité en République, même si elle est au milieu. Il y a quelques décennies, le patron a un peu “poussé” la frontière pour bénéficier de cet emplacement plus avantageux. On trouve ici bien plus que de l’essence ou du gasoil (dont les prix sont affichés en Euros et Sterlings) … Les rayons de son épicerie arborent probablement l’une des plus grande variété de produits de l’île puisque ceux du nord et du sud s’y côtoient en abondance.

La station-service frontière de Belleek – © Elisabeth Blanchet

L’endroit est convivial et il nous faut saluer l’honnêteté des clients et du personnel. Un des deux membres de notre équipe un tantinet dans la lune y a carrément oublié son sac avec “tout dedans” au pied d’une des tables en bois extérieures : portefeuille, passeport, appareil photo… et l’a retrouvé plus de deux heures plus tard tranquillement installé sur une étagère derrière l’un des vendeurs. Un client l’a ramené avec “tout dedans”. Ouf !

Gloire(s) locale(s)

Hasard d’un coquin de sort, le premier Ministre Britannique Theresa May décide sur un coup de tête de visiter la frontière à Belleek le 19 juillet 2018.

Le Premier Ministre Britannique Theresa May en visite officielle à Belleek le 19-07-2018 – © Elisabeth Blanchet

Précisément le jour où notre fine équipe s’y trouve… Afin de tuer l’interminable attente propre à toute visite officielle, nous partons tailler le bout de gras avec deux policiers de la Garda stationnés côté républicain du pont-frontière, juste en bas de la colline au sniper. Au cas où. Un rien goguenards, l’attente semble également leur peser.

John de la Garda, à droite – © Elisabeth Blanchet

Gros plan sur les chaussures de Theresa May. Elle est connue pour aimer le style « Mobutu » – © Elisabeth Blanchet

Et c’est à pieds joints qu’ils sautent sur l’occasion de s’esquiver en proposant de nous aider à trouver le panneau douanier que nous souhaitons brandir au passage du cortège ministériel. Une performance dont nous avons eu l’idée pour tenter d’attirer l’attention sur la question frontalière qui préoccupe le commun des mortels. Nous voilà filant à la suite de nos guides sur les routes du Donegal. L’expédition sera vaine, car de panneau point. A la craie, sur une ardoise prêtée par le Black Cat, nous reproduisons au mieux le logo de notre projet, inspiré d’une véritable pancarte et traçons soigneusement les mots “Custaim Stad / Custom Stop”. L’opération sera un franc succès. John, l’un des deux charmants policiers Irlandais, touché par notre projet, nous conduira le jour d’après dans une folle équipée à travers la lande jusqu’à un ancien poste frontière que nous vous laissons la découverte dans le vidéo ci-dessous :

 

Laurent Gontier en plein happening ! Il attend Theresa May de pied ferme pour lui montrer une réplique de l’ancien panneau des douanes irlandaises – Belleek – © Elisabeth Blanchet

Le sourire de John, fier de sa surprise restera un de nos plus beaux souvenirs. C’est lui, notre gloire locale, bien plus que Theresa May dont le passage éclair aura finalement peu marqué les esprits.

John de la Garda devant l’ancienne cabane des douanes irlandaises, Tully – © Elisabeth Blanchet

La phrase qui tue

Tandis qu’au centre d’interprétation de la poterie de Belleek, Theresa May tente de rassurer les entrepreneurs du coin – côté nord of course – sur les éventuelles répercussions économiques du Brexit, Kevin, client du Black Cat Cove, dévoile son point de vue sur la dame : “C’est une femme honnête mais un mort en sursis”.

Kevin Monaghan – second plan -, l’auteur de la phrase qui tue !

Selon tous les habitués du pub et bien d’autres le long de la frontière, le gouvernement britannique est un peu “mal barré”…

Pour ou contre une frontière dure

Contre en très grande majorité

Traverser la frontière

Elle court à Belleek au milieu de la rivière, et c’est du milieu du pont, au point de passage #154 que vous la verrez le mieux couler en contrebas, au rythme du courant. Un peu plus au sud, vous la traverserez deux fois, aux points 152 et 153, si vous contourner la station service. Passez aussi la frontière au nord au point 155, en poursuivant un bon kilomètre au-delà de l’ancien casernement des forces britanniques. Enfin, et nous n’avons pas oser déranger ses vieux habitants, il existe une maison côté République, juste derrière la ligne, à laquelle même les habitants ne peuvent accéder que depuis le nord, par un chemin qui part de la route principale de Belleek. Ce point n’est pas officiellement référencé.


Belleek, sous le pont coule une frontière | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Elisabeth Blanchet & Laurent Gontier

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