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50 ans après : le grand départ du tourisme spatial ?…

| Publié le 16 juillet 2019
Thèmatique :  Acteur privé   Initiative privée   Innovation 
             

Le 20 juillet prochain, à l’occasion des 50 ans des premiers pas de Neil Armstrong sur la lune, Richard Bronson s’envolera à bord du véhicule spatial Spaceship3 mis au point par son entreprise Virgin Galactic. Il donnera ainsi le signal de départ à une nouvelle forme de tourisme… spatial ! Petit tour d’horizon du secteur avec le spécialiste français de la question (et immense passionné), Jean-Luc Wibaux…

Voyageons autrement : Jean-Luc, pouvez-vous vous présenter en deux mots ?
Jean-Luc Wibaux : Deux ?… alors je m’en tiendrais aux deux « étiquettes » qui nous intéressent aujourd’hui : cofondateur de l’Institut Européen du Tourisme Spatial et représentant officiel de Virgin Galactic en France.

VA : 3 Français sur 4 déclarent aujourd’hui souhaiter pratiquer le tourisme spatial. Qu’est-ce que cela vous inspire ? (étude Voyages Pirates mars 2019)
J-LW : Tout sauf de la surprise. C’est dans l’ordre naturel des choses et cela fait des années déjà que les gens se préparent à cette forme de tourisme en se tournant par milliers vers des attractions et/ou des voyages virtuels qui reproduisent les conditions de l’espace, l’apesanteur notamment : chute libre, soufflerie, etc. Un nombre bien plus important de personnes qu’on ne l’imagine se passionne de fait pour l’espace.

VA : Les autres, le quart restant, déclarent avoir tout simplement « trop peur ». Cette peur est-elle motivée ? Quels sont les vrais dangers de l’exercice ?
J-LW : A l’image de ce que furent longtemps pour nous les océans, l’espace se présente comme un environnement hostile : il y fait froid, on ne respire pas, etc. Toutes choses que l’être humain ressent animalement. Cette appréhension est donc tout à fait normale et elle se dissipera au fil de notre accommodation à cet univers mal-connu. C’est aujourd’hui par millions que les gens pratiquent la plongée et il faut comprendre que les vols Apollo comme les premiers clichés montrant la terre toute entière ont eu sur notre psyché un impact considérable, comparable au choc créé par Galilée. Depuis, l’inconscient collectif humain a définitivement changé : nous avons tous conscience, désormais d’appartenir à cette petite planète bleue, sans frontières, magnifique, unique et… fragile ! De plus en plus de personnes ont donc envie d’appréhender « pour de vrai » cette dimension cosmique qui fait partie de nous. Quant aux dangers ou, au moins, aux inconvénients évoqués, on ne les connait pas tous encore. Si des attractions comme « Space mountain » à Disneyland nous préparent à accuser les « G » de l’accélération qu’il faudra subir au décollage, quid de la décélération lors du retour ?… On n’en sait rien encore. Elle n’a pas été paramétré car personne ne l’a vécue. D’où l’intérêt du voyage prévu en juillet prochain…

VA : Concrètement, justement, où en est-on du voyage spatial privé ? Cela devait démarrer en 2015 ; on a ensuite parlé de 2018, puis 2019 ?…
J-LW : Il faut bien avoir en tête qu’il existe deux calendriers distincts. Le calendrier marketing, très médiatisé et truffé d’effets d’annonce, qui sert à valoriser les marques et amener des investisseurs sur un marché qui coûte très cher et ne rapporte encore… rien ! Et puis le calendrier « réel », déterminé par les étapes techniques et juridiques franchies : vols réussis, agréments, assurances… Sachant que ce sont toujours les assureurs qui ont le dernier mot, mais qu’ils sont pour l’instant incapables de déterminer le montant de la prime en question. Ils ignorent en effet la part de risque que recouvrent de tels vols ; aucun n’ayant encore été effectué ! D’où, une fois de plus, l’importance du lancement qui emportera Richard Bronson dans l’espace en juillet prochain et sera le premier effectué par un opérateur privé, emportant à son bord des civils. Car, à ce jour, nul être vivant n’a encore quitté la planète couvert par une assurance. Tous étaient des militaires ou bien avaient engagé leur propre responsabilité pour pouvoir voler si haut. Si ce fameux vol de juillet est un succès, les assureurs suivront et les premiers départs commerciaux pourront avoir lieu. Dès 2020, normalement. Si c’est un échec en revanche, l’aventure spatiale à la portée de tous devra attendre quelques années supplémentaires. Comme vous le faisiez remarquer, ce fut longtemps à l’horizon 2015 que les premiers vols commerciaux devaient être initiés. Et puis le véhicule spatial Spaceship2 s’est écrasé dans le désert de Morave en 2014 lors de vols d’essai, tuant son pilote, et il a reculé de plusieurs années l’horizon de la commercialisation…

VA : Combien y a-t-il déjà eu de touristes spatiaux à ce jour et quels sont les acteurs présents sur ce marché encore natif ?
J-LW : Avant que l’agence spatiale russe ne renonce en 2010 à endosser ce rôle de Tour Opérateur très particulier, elle avait envoyé dans l’espace 7 personnes qui ne soient pas des astronautes. Six hommes et une femme, tous milliardaires, ayant de 2001 à 2009 dépensé entre 20 et 35 millions de dollars chacun pour pouvoir embarquer à bord d’une fusée Soyouz, passer quelques jours dans la station spatiale internationale (ISS) et avoir l’immense privilège d’observer notre petite planète bleue depuis tout là-haut. Plusieurs opérateurs privés ont, depuis, pris le relais. La société SpaceX (d’Elon Musk, patron de Tesla) a dors et déjà vendu son premier ticket pour survoler notre satellite à un milliardaire japonais ; départ prévu aux alentours de 2023… Deux autres compagnies sont également sur les rangs : Blue Origin (de Jeff Bezos, patron d’Amazon) qui totalise déjà 8 vols embarqués et fonctionne main dans la main avec la Nasa, et Virgin Galactic (de Richard Branson, donc). Toutes deux ayant également un carnet de commande qui se remplit rapidement.

VA : Le frein actuel est bien-sûr le prix. A-t-on des chances de voir ce prix chuter, quand et jusqu’à combien environ ?
J-LW : Si l’on ne parle plus de millions dépensés (pour plusieurs jours passés dans l’espace à bord de l’ISS, à l’époque), le prix du ticket demeure néanmoins estimé aujourd’hui aux alentours de 170.000 €. Ce, pour un vol durant 2 bonnes heures, vous emportant à plus de 100 km de la terre (limite du véritable « vide »), vous permettant de saisir la planète d’un seul coup d’œil, de connaître les joies rares de l’apesanteur quelques minutes (5 environ) et de vérifier enfin que le ciel est bien noir… même en plein jour ! Sachant qu’à l’horizon 2024, la station spatiale internationale sera privatisée, autorisant alors des séjours beaucoup plus longs : jours, semaines, mois même. Mais aucun prix sérieux ne peut véritablement être avancé tant que l’on ne connaît pas le montant des primes d’assurances assorties. On devrait normalement en savoir plus cet été…

VA : Le tourisme spatial est-il une aberration d’un point de vue environnemental ?
J-LW : Ce sont les vols aériens actuels qui sont une aberration totale ! Responsables de 4% des émissions de CO² (et voués à doubler en volume dans les années à venir !), ils fonctionnent de manière totalement archaïque. Un Airbus A 380 – la pointe, de nos jours – consomme 3,8l de pétrole par km et par passager ; laissant derrière lui une trace carbone épouvantable. En emmenant les gens 30 km plus haut que ne le font les avions actuels, on entrera dans l’ère de voyages aéronautiques allant beaucoup plus vite, coûtant beaucoup moins cher et polluant beaucoup moins !!! Donc, à terme, c’est indéniable : le tourisme spatial va se développer considérablement. D’autant que derrière cette banalisation des vols hors de l’atmosphère résident des enjeux économiques considérables. Si Amazon s’est lancé dans la course par exemple, c’est, avant tout pour pouvoir essaimer dans l’espace des milliers de microsatellites qui rendront ses livraisons plus faciles (le prix du kilo envoyé dans l’espace étant descendu sous les 5000 $ !)…

VA : De quoi n’a-t-on pas parlé qu’il soit important de dire ?
J-LW : Que nous assistons, en France, à un gâchis incroyable. Alors que nous avons tous les talents et connaissances pour relever ce défi capital pour l’avenir des nations et des économies. Alors que le programme le plus avancé et maîtrisé était celui développé par Airbus – longtemps à la pointe et mystérieusement interrompu. Alors même qu’on licencie des personnes par milliers dans l’aéronautique, les hommes politiques se sont complètement désintéressés du sujet et le programme spatial européen est au point mort. C’est là quelque chose d’aussi incompréhensible que mortifère pour notre jeunesse et notre avenir…

 


50 ans après : le grand départ du tourisme spatial ?… | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Jerome Bourgine
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