Voyageurs du Net : une communauté de blogueurs défend un tourisme alternatif
Animé régulièrement depuis l’été 2012, Voyageurs du Net est un blog collaboratif, qui « milite pour un tourisme alternatif, responsable, économe et insolite » et développe des analyses contre le tourisme de masse et ses conséquences.
Actuellement en voyage prolongé en Amérique latine, où nous donnons çà et là des cours de journalisme web en français, nous sommes deux (Mikaël et Kalagan) à animer ce site. Le premier de nous deux est un ex-journaliste musical (Music Story, Toutelaculture.com) ; le second est un nomade digital dont le blog, Kalagan.fr, est bien connu dans la blogosphère du voyage.
Amis depuis 2008, nous avons choisi en 2010 de créer un double projet en prévision d’un voyage en Amérique latine, qui voit le jour en 2012. Le premier est une association d’ateliers francophones de journalisme ; le second, qui est corrélé puisque les articles réalisés par les élèves lors de ces ateliers y sont diffusés, est le site Voyageurs du Net. Un site dont l’ambition est collaborative : réunir sur une même plate-forme et donner visibilité aux acteurs bénévoles et professionnels œuvrant pour un tourisme alternatif et responsable, pour un voyage plus curieux et respectueux d’autrui et de l’environnement que les forfaits all-inclusive pratiqués dans les centres du tourisme de masse international, comme Cancún ou Bali.
Promouvoir d’autres façons de voyager
Il existe bien des façons de voyager, plus inventives que celles consistant à aller bronzer en se faisant servir par des personnes payées une misère ou à consommer du folklore toc. De fait, nous portons un regard très critique sur le voyage et le fait touristique, qu’il soit à alibi culturel ou de pure paresse au soleil. Ce tourisme de masse est un cancer, un effet direct du consumérisme que le capitalisme infantilisant et sa propagande publicitaire ont avivé. Nous avons traité des conséquences de ces formes de tourisme assez largement et je ne reviendrai pas dessus, mais inviterais plutôt les lecteurs à visiter VDN et donner leur avis, à participer au débat.
Ceci étant posé, l’analyse critique du phénomène touristique et de ses présupposés, bien qu’elle ait toute sa place chez nous et va d’ailleurs en prendre un peu plus – tout simplement parce que mes convictions politiques et humaines s’avèrent partagées par beaucoup et gagnent à être nourries et légitimées – ne sera pas l’aspect dominant de VDN. Dénoncer est facile, mais il faut indiquer des alternatives. Et c’est ce que nous nous efforçons de faire.
Nous avons parlé de voyage solidaire et humanitaire, parce que notre conviction est que, en tant qu’Européens ayant atteint par les complexités de l’histoire et, entre autres, l’héritage de luttes sociales, un statut privilégié, nous pouvons nous ressentir le devoir d’aider les plus défavorisés. Kalagan a donné des cours de maths dans un orphelinat du Kenya, moi des cours de vidéo-reportage dans un centre de réfugiés de Palestine ; nous avons publié récemment, sur un site ami, l’interview d’une femme ayant vécu une expérience de voyage participatif dans un centre pour handicapés en Inde… Quand on reçoit beaucoup, il me semble normal de donner aussi, a fortiori à ceux qui ont moins. C’est une attitude morale, juste, fraternelle.
Tout le monde n’a pas non plus envie de donner son temps de vacances dans un projet humanitaire : cela se comprend bien. Mais le souci d’autrui et de l’environnement naturel peut se traduire en actes d’autres façons : le tourisme écologique et communautaire permet de découvrir des lieux naturels préservés, entretenus par ceux mêmes qui se répartissent les bénéfices d’une façon assez équitable. Nous avons parlé de la lagune de Chicabal ou de la communauté Santa Anita la Unión, au Guatémala, du village écotouristique de la Ventanilla (Mexique) et de sa lagune. Plus proches de nous, les parcs et jardins du château de la Roche-Jagu, en Bretagne, constituent un lieu écologique délicieux, qui permet de se sensibiliser aux plantes médicinales. Disons que, dans ce type de lieux, la pédagogie vient en complément d’un plaisir simple : celui de jouir de la beauté de la nature…
Voyager différemment, ça peut être voyager à vélo – et un de nos contributeurs a raconté son périple d’Equateur à la Terre de Feu avec sa compagne, et ses galères… Cela peut être voyager à pied, en stop… Cela peut être s’intéresser à des aspects particuliers, par passion : qu’il s’agisse de l’histoire d’une civilisation antique ou le goût de l’observation ornithologique, qu’il s’agisse du surf ou de la passion pour la musique… Voyager différemment, souvent c’est être mû par une curiosité, par la volonté simple de s’ouvrir à autrui et donc oser douter de soi, devenir meilleur.
Fondamentalement, la curiosité, tant qu’elle reste bornée par le respect d’autrui, est une chose bonne, juste, fraternelle. Elle est en tout cas ce qui nous fait sortir des cases et des sentiers battus, du prêt-à-penser et du prêt-à-consommer dont l’imaginaire capitaliste, de milliers de façons, nous inonde.
Un voyage curieux, imaginatif, pour se réapproprier son autonomie
Il est en effet paradoxal qu’un système que l’on qualifie souvent – et le terme fait débat – de libéral ne débouche que sur des comportements massivement identiques, comme si la liberté se limitait à un choix de consommation sans imagination, si souvent identique au choix de millions d’autres. C’est que, il faut bien le réaliser, la puissance de propagande modèle les désirs, crée des paradis artificiels, des désirs de toc, un univers de fausseté, dont Cancún, que j’ai analyse de façon très critique (sur Ragemag.fr) pour l’avoir visitée, est l’archétype. Dans ce cas précis, il s’agit d’une ville toc, sans passé, sans culture, sans ancrage ni tradition. Et les esprits sont massivement modelés à désirer ce type de lieux.
Nous y viendrons tôt ou tard : fondamentalement la question du tourisme de masse est une question politique, car on ne peut penser de comportements massivement égoïstes, irresponsables… et identiques, sans penser le salariat, le crédit, le consumérisme, donc le capitalisme et le libéralisme, qui ont pour eux des systèmes de propagande médiatique colossaux pour évider les esprits de toute imagination et de toute audace. Pourquoi tant de milliers de visiteurs du Louvre vont-ils chaque année se faire photographier les doigts en V devant une Mona Lisa qu’ils ne comprennent pas ? Parce que, probablement, il est « évident » que tout visiteur de Paris doit passer par le Louvre et son incontournable tableau-maître de Vinci, etc. Et pourtant, Paris regorge de musées merveilleux : j’ai écrit sur le splendide Musée des Arts forains, mais je pourrais vous parler du Musée de la Magie et des Automates ou bien encore du Musée Gustave Moreau qu’aimait tant André Breton… La question-clé est celle de la curiosité, c’est-à-dire de la capacité à imaginer, à vouloir quelque chose qui ne soit pas du pré-mâché, du rêve en conserve. C’est pour cette même raison que nous aimons parler d’endroits insolites (lieux abandonnés, fantomatiques, musées étonnants) : s’intéresser à ces lieux atteste une curiosité, une envie de sortir du pré-fabriqué de l’industrie du loisir, qui n’incite ni à l’imagination ni au civisme ni à la responsabilité, seulement à la consommation.
Rencontrez-vous !
Une des caractéristiques du tourisme de masse, c’est qu’il n’incite pas à la rencontre, qu’il favorise l’entre-soi. C’est bien la peine de traverser l’océan si c’est pour consommer les mêmes choses qu’à la maison, rester entre amis ou en famille sans avoir d’autre interaction avec les locaux que transactionnelle, intéressée.
Ce caractère intéressé, cette centralité de l’argent dans l’anthropologie capitaliste, va à l’encontre d’une valeur pourtant essentielle à l’humanité, à la possibilité de toute société : la gratuité. Gratuité du geste, du don, du partage. C’est pour cela que nous parlons parfois de lieux qui se visitent gratuitement… ou de jeux populaires comiques où, le temps d’une compétition absurde pleine de joie, toute logique de marché et de transaction est suspendue. Ces jeux populaires représentent une résistance des traditions, des terroirs, ou des attitudes populaires qui méritent d’être valorisées et défendues contre la foi néolibérale qui fait du monde entier un supermarché où tout, de l’intimité (sexuelle et sentimentale) à la vie politique et aux médias, en passant par l’éducation et la santé, devient marchandise.
Nous croyons en une certaine idée du voyage et des relations humaines, une vision fraternelle où la gratuité et le souci d’autrui ont leur place, où l’intelligence, le civisme, la curiosité, l’imagination occupent plus de place que la passivité du consommateur.
Nous invitons tous ceux qui partagent notre vision à nous rejoindre.
Par Mike @ Voyageurs-du-Net.com
Mikaël Faujour est le responsable éditorial de Voyageurs du Net, communauté de blogueurs et professionnels du voyage engagés contre le tourisme de masse et pour la défense du tourisme et du voyage alternatifs.
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