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Le tourisme industriel, un secteur en croissance au service du développement durable ?

| Publié le 12 octobre 2023
             

On a tous en nous un vieux souvenir enfoui d’une visite en entreprise réalisée élèves. Une chocolaterie pour la Ministre Olivia Grégoire avec toutes ces effluves qui affluent à l’orée de la mémoire, une usine de transformation de porc de l’abatage au produit fini avec force pâtés et jambons difficiles à déguster en post visite pour votre auteur, et tant d’autres, sucrière, confiserie, clouterie, atelier de moulage, fabrication de brosses à dent, mais aussi barrages EDF, centrales nucléaires, coulisses du métro, parfumeries, autant de temples impénétrés dont les portes s’ouvrent et découvrent l’envers d’un monde. Plus que tendance, le tourisme industriel aussi dit de « savoir-faire » explose. Ils étaient 20 millions l’an dernier à se presser dans les 3 500 entreprises françaises qui, sous l’égide de l’association Entreprise et Découverte, ouvrent leur porte au public chaque année. Une véritable exception culturelle française dont les principaux acteurs se sont réunis les 10 et 11 octobre lors des 5e Rencontres Nationales de la Visite d’Entreprise.

5e Rencontres nationales du Tourisme d’Entreprise ©Geneviève Clastres

La visite d’entreprise, un levier économique à plusieurs détentes

Auréolée de bien des atouts, « la visite d’entreprise est avant tout une excellente façon de valoriser nos industries, de promouvoir le « Fabriquer en France » mais aussi de former et d’orienter nos jeunes ». Président d’Entreprise et Découverte, Luc Fauchois est d’autant plus convaincu que son association a pour objectif d’aider les entreprises françaises qui hésitent encore à faire le pas à ouvrir leurs portes au public. Et parmi les nombreux arguments aptes à faire basculer les plus hésitants, il y a évidemment cette certitude que le tourisme industriel est non seulement bon pour la santé économique de l’entreprise, mais aussi pour celle de l’ensemble du territoire. « Le tourisme d’entreprise permet de voir l’ensemble du processus de productions et vaut tous les grands exposés ! » renchérit Olivier Ducatillion, PDG de la société Lemaitre Demeestere spécialisée dans le lin français. Il rappelle combien le monde de l’industrie a été longtemps dévalorisée dans la société française : « Quand j’étais ado, mes parents me disaient : si tu ne bosses pas bien, tu iras en lycée technique. Aujourd’hui, dans le textile,  il y a 6 000 postes à pourvoir dans les deux années à venir. Les visites, c’est aussi l’occasion d’être transparent, de donner envie, de casser cette image d’un secteur qui fait peur» Susciter des vocations, c’est aussi cela l’enjeu du tourisme industriel, quand tant de secteurs ont du mal à recruter.

Ateliers d’Art de la Réunion des Musées Nationaux © Geneviève Clastres

En outre, sur un territoire donné, le tourisme industriel répond de plus au plus à l’envie croissante des habitants et des locaux de mieux embrasser toute la diversité des offres et des possibilités tous azimuts. On ne reviendra pas sur combien notre rapport au proche et au lointain a évolué ces dernières années, mais ce qui est sûr, c’est que de plus en plus d’habitants souhaitent à présent aller au-delà de la simple visite culturelle ou patrimoniale et s’intéressent aussi à leurs à-côtés. Or, ce qui se passe derrière les murs de l’entreprises où chacun passe chaque jour interroge forcément. Outil de rapprochement entre les habitants et leur tissu industriel, ces entreprises servent aussi de point  d’attractivité  et devienne ainsi un nouveau faire-valoir territorial qu’offices de tourisme et socioprofessionnels du secteur peuvent conseilleurs à leurs visiteurs. Caroline Mignon (ATD) : « La visite d’entreprise est avant tout une rencontre, or la rencontre est un des points essentiels du tourisme durable. Rencontrer les gens permet de favoriser l’acceptabilité du tourisme, contrairement au tourisme bashing. Or via le tourisme industriel, on va surtout voir les touristes comme des humains qui viennent tout simplement s’intéresser à une entreprise. » Et la personnalisation de la visite crée l’attachement, le souvenir, l’envie de consommer local, jusqu’à l’acte d’achat. Ainsi, le volet tourisme est même devenu un véritable revenu complémentaire pour certaines entreprises, jusqu’à 50% de leur chiffre d’affaires. Président d’ADN Tourisme et du Comité Régional du Tourisme Provence-Alpes-Côte d’Azur, François de Canson note depuis trois ans une progression de 25% de visiteurs dans les entreprises de sa région, dont 40% de visiteurs étrangers, autant de d’opportunités de valoriser le savoir-faire local qui font du bien à toute une région.

Julien Tuffery, Atelier Tuffery ©Bruno Le Hir de Fallois-E&D-Bercy.2

La visite d’entreprise, un moteur pour aller plus loin entre RSE et performances environnementales !

« Mes auditeurs, c’est les clients et les visiteurs que je reçois tous les jours. D’un point de vue RSE, cela nous tire vers le haut ! » Président de l’Atelier Tuffery où il a grandi depuis sa plus tendre enfance, Julien Tuffery rappelle combien la transparence, la sincérité et le bon sens sont des piliers essentiels pour une entreprise. Installé à Florac en Lozère, son entreprise organise 16 000 visites guidées chaque année sans compter les visites libres. « Voir ce qui se passe dans un atelier, ça vaut tous les discours. Et le bon sens, chez nous, c’est de rencontrer les ouvriers qui font nos jeans qui vous expliqueront pourquoi en France, un jean sera forcément vendu plus cher. » Car un jean chez Tuffery, c’est 80% de main d’œuvre, 80 étapes de fabrications, et une exigence d’excellence. « Lors d’une visite, toutes les questions sont posées, sur les conditions de fabrication, les salaires pratiqués, les produits, cela nous oblige à l’excellence. On ne va pas faire un media training à tous nos salariés, et donc cela nous tire forcément vers le haut ! ». Sincérité, confiance, mais également fierté du salarié devenu ambassadeur de son entreprise qui peut ainsi expliquer son savoir-faire et son métier à des visiteurs curieux d’apprendre et de comprendre.

Confiserie du Roy René ©_FXE Emery

Directeur Tourisme, Communication & RSE du Groupe Territoire de Provence, Alexis Bertucat compte quelques fleurons gourmands dans son escarcelle tels la Confiserie du Roy René (calisson d’Aix et nougats de Provence) ou la biscuiterie de Forcalquier. « En 2015, nous avons ouvert le musée du calisson. On s’en est servi comme un outil pour mieux comprendre l’histoire de l’Atelier. Cela nous permet aussi d’expliquer à nos visiteurs ce qu’est une norme ISO 510001, nous sommes totalement transparents. » Chez Territoire de Provence, le  développement durable c’est aussi les amandes commandées en local, les 1200 panneaux solaires installés sur le toit de la fabrique, le résultat du bilan carbone achevé récemment, les labélisations en cours, autant de chantiers et d’autres à venir qui sont expliqués aux visiteurs désireux d’en savoir plus. « C’est un enjeu de communication fort auprès de nos clients mais aussi de la marque employeur que l’on cherche à construire. » Chaque année, le groupe accueille 25 000 visites guidées et 50 000 visites libres, un véritable enjeu. « On travaille sur les ailes de saison en restant ouvert toute l’année, en accueillant des scolaires (3500 par an), mais aussi en parlant du métier pour favoriser les recrutements et donner envies aux jeunes générations de nous rejoindre. » Des enjeux de recrutement d’autant plus liés aux enjeux de RSE qu’Alexis Bertucat tout comme Julien Tuffery notent combien les jeunes ingénieurs sont de plus en plus engagés et souhaitent donner de leur temps à des entreprises qui partagent leurs valeurs. Or tout le monde est concerné. Caroline Mignon (ATD) : « On est tous lié par la stratégie nationale bas carbone qui implique d’arriver à la neutralité carbone en 2050. C’est toute la modélisation de notre secteur qu’il va falloir repenser ! »

Atelier Tuffery ©DR

La visite d’entreprise, une sortie passionnante et surtout : accessible !

Valorisant le territoire, l’entreprise mais aussi ses salariés, le tourisme de savoir-faire embrasse l’ensemble de la chaine du micro au macro et permet aussi et surtout de relier les habitants d’une région à leur tissu industriel. «Il ne faut pas réduire le tourisme de savoir-faire aux enjeux de gastronomie et à l’alimentaire. Il a aussi une vertu profonde : ouvrir le capot des entreprises. Comment une PME investit pour faire changer une ligne de production, voilà qui est concret ! » précise encore François de Canson, président d’ADN Tourisme. Et point intéressant de cette nouvelle forme de tourisme rappelé par Caroline Mignon pointant que 40% des Français ne partent pas en vacances, c’est qu’elle reste accessible à tous les publics. Le prix moyen des visites est de 9 €, on peut découvrir les confiseries du Roy René pour 5 €, le domaine oléicole de l’Oulibo pour 6,50 €. En outre, une visite sur deux est gratuite comme la découverte de Fragonard, parfumeur à Grasse, la confiserie des Hautes Vosges, la savonnerie Marius Fabre et tous les sites EDF. Cécile Pierre, déléguée générale d’Entreprise et Découverte : « Ce qui est intéressant sur le tourisme de savoir-faire,  c’est qu’on a une distribution de toutes les catégories de public qui s’intéressent à la visite d’entreprise. C’est un tourisme populaire au sens premier du terme. Et les deux faits marquants c’est que d’une part, nous avons un maximum de public  locaux qui viennent et ça, c’est intéressant au titre du tourisme durable, mais nous avons aussi une part croissante de tourisme et de touristes étrangers parce qu’en fait, le tourisme de savoir-faire est une exception culturelle française ! » Une exception culturelle française dont on aurait donc bien tort de se priver !

Confiserie des Hautes Vosges ©DR

En guise de conclusion

Réunissant des domaines aussi variés que les petites et moyennes entreprises, le commerce, l’artisanat et le tourisme sous son ministère rattaché à ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Olivia Grégoire loue le tourisme et notamment le tourisme industriel pour cocher toutes les cases vertueuses de sa charge : « Il y a peu de domaines aussi partagés que le tourisme dans l’action publique ! ». En 2020, le premier appel à candidature pour le tourisme de savoir-faire a été lancé avec une ambition forte de Bercy : doubler d’ici cinq ans le nombre d’entreprises ouvertes au public ! Depuis, 5 millions d’euros ont été investi par l’état pour l’accompagnement aux nouvelles entreprises souhaitant rejoindre la filière. Des conventions sont en cours de signatures en région et prochaine étape : la professionnalisation de l’offre, afin de mailler l’ensemble du territoire d’une réseau de correspondants aptes à valoriser tous les fleurons du savoir-faire français.

———– Aller plus loin ——————

Geneviève Clastres remercie Entreprise et Découverte et notamment Cécile Pierre et Marie Cario pour l’invitation à participer à deux journées passionnantes

Entreprise et Découverte : tourisme industriel et de savoir-faire (entrepriseetdecouverte.fr)

Ateliers d’Art de la Réunion des Musées Nationaux © Geneviève Clastres


Le tourisme industriel, un secteur en croissance au service du développement durable ? | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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