Rencontre avec Laure Reynaud autour de la marque « Parc »
Chargée de projet tourisme durable, Laure Reynaud connait bien la Charte Européenne du Tourisme Durable (CETD) qu’elle a d’abord mis en œuvre sur le Parc naturel régional du Lubéron. Une initiative qui se poursuit au sein de six Parcs naturels régionaux de Provence-Alpes-Côte d’Azur (Camargue, Alpilles, Luberon, Préalpes d’Azur, Queyras et Verdon) grâce à l’appui du Conseil régional Provence Alpes Côte d’Azur.
VA/ Afin de faire progresser les valeurs du tourisme durable et de qualifier l’offre touristique des parcs naturels régionaux (PNR) de PACA par la marque «Parc naturel régional», une action a été entreprise sous l’égide de la CETD, pouvez-vous revenir sur la genèse de cette action ?
Tout est parti d’un constat : seuls des espaces protégés pourront être garants des paysages de demain et d’une qualité de vie dans les zones rurales. En ce sens, le tourisme peut être un levier important si l’on s’efforce de déployer un tourisme durable. Or, pour arriver au tourisme durable, il faut accompagner les professionnels et les faire travailler ensemble. Dès 2001, le PNR Lubéron a rejoint la CETD et commencé à travailler le volet 1, qui concerne la stratégie durable du territoire. Petit à petit, il a parlé de la démarche aux autres parcs de la région qui l’ont rejoint. A partir de 2011, l’ensemble des PNR de PACA ont intégré la démarche CETD et décidé de déployer ensemble le Volet 2, soit d’entrer dans une phase plus concrète qui associe tous les professionnels du tourisme. Notre ambition, en lien avec la région qui nous soutient financièrement : faire de l’ensemble de nos parcs des destinations durables afin de proposer en PACA une alternative aux seules destinations balnéaires et ainsi, attirer un autre type de clientèle dans les espaces ruraux.
VA/ La mise en place de la CETD dans le PNR Lubéron n’a-t-elle fait que renforcer des politiques et pratiques déjà existantes ou marque-t-elle un vrai plus ?
Les valeurs étaient présentes mais le cadre pas forcément aussi clair. Notre action avec la CETD est donc une façon de continuer à affirmer nos valeurs, en les rendant plus visibles pour nos prestataires et nos clientèles. La CETD est une démarche portée par EUROPARC, qui est le réseau européen des espaces protégés. C’est une méthodologie qui fixe un cadre commun d’actions pour garantir un tourisme plus respectueux dans nos territoires.
VA/ Quelles sont les spécificités du PNR Lubéron qui ont pu nécessiter plus d’attention et d’efforts en ce qui concerne la protection environnementale ? Des quotas de visiteurs ont-ils été envisagés ?
Je dirais peut être sur l’incitation à promouvoir les produits locaux, les circuits courts… En revanche, nous n’avons pas envisagé de quotas pour l’heure, l’idée étant plutôt d’élargir les ailes de saison, d’inciter les clientèles à venir hors juillet/août, pour cela nous développons des produits « hors-saison » comme des week-ends thématiques, des offres sur l’oenotourisme en septembre, sur l’huile d’olive… Nous menons également des actions afin d’obtenir le label Grand Site de France sur le massif des Ocres qui connait une importante pression touristique en pleine saison. L’idée : organiser les flux de façon plus cohérente sur le village de Roussillon, qui est tout petit et se fait un peu envahir chaque été. On réfléchit à des systèmes de navettes, d’autres points d’entrées.
VA/ Les habitants locaux ont-ils été associés au développement successif des trois volets et quelles ont été les défis majeurs pour réussir à inclure toutes les sensibilités ?
Les habitants locaux ne sont pas associés à proprement parler car la démarche ne les touche pas directement. Dans le cadre de la stratégie « tourisme durable » du volet 2, on vise surtout à associer les prestataires touristiques, qui, lorsqu’ils atteignent le niveau requis, sont encouragés à aller vers un label comme la marque « Parc », mais cela peut être aussi un autre label. Une convention cadre qui porte ces démarches de qualification lie l’ensemble des Parcs avec la région PACA, le CRT, la CCIR, la CCI… On cherche ainsi à sensibiliser les professionnels du secteur au tourisme durable, qui seront à leur tour des ambassadeurs vis-à-vis des clientèles. Et par ricochet, on touche les habitants locaux.
VA/ A l’heure qu’il est, combien de professionnels sont-ils d’ores et déjà concernés par la « marque Parc » et quelle est l’ambition à long terme ?
Sur l’ensemble des PNR de PACA, on compte 57 marqués « Parc », soit près d’une soixantaine. Nous souhaiterions doubler d’ici deux ans afin de rendre cette marque plus visible et plus (re)connue. En sus, plus d’une centaine de structures sont entrés dans la démarche de la CETD. Parfois, certaines font le choix d’autres labels comme l’Ecolabel européen, Tourisme et Handicap, Ecogite, Hôtel au naturel, etc. Cela varie en fonction de l’ambition et de l’intérêt du professionnel.
VA/ Où en êtes-vous sur la communication auprès du public quant à la marque « Parc » ? Les visiteurs sont-ils conscients des efforts accomplis et plus respectueux qu’alors ?
Pour l’instant, il est encore difficile de mesurer la visibilité du label mais nous avons conscience qu’il est encore peu lisible et notamment que peu de personnes connaissent réellement le socle des trois valeurs sur lesquelles est fondée notre marque : un environnement protégé, un lien avec le territoire et le respect de la dimension humaine. A l’échelle du Lubéron, j’ai réalisé une évaluation de la démarche auprès de mes professionnels qui m’ont confirmé ce manque de lisibilité de la marque. Nous avons donc encore des progrès à faire vis-à-vis du grand public et nous allons travailler dans ce sens là. Toutefois, ces deux ans et demi restent une expérimentation, nous sommes en cours de déploiement et tout est à construire. Il nous a fallu adapter la construction des outils, des référentiels ; à présent que tous nos outils sont prêts, nous allons pouvoir monter en force et communiquer davantage, ce qui est clairement notre objectif pour la suite du projet. Nous sommes également confrontés au défi de la multiplication des labels, et donc, au niveau de notre fédération, il est également clair qu’il est à présent important de renforcer l’image de la marque pour la rendre plus visible.
VA/ Des produits touristiques existent-ils d’ores et déjà pour aider à mieux comprendre la marque ?
C’est effectivement l’objectif de notre troisième volet, soit d’arriver à développer des produits touristiques pour les vendre aux clientèles, la mise en produit de l’offre pour laquelle les opérateurs se doivent de passer un agrément. Pour l’heure, on commence, mais on reste en cours d’expérimentation. Deux agences sont toutefois déjà agrémentées : dans les Alpilles, « Maison et Plaisir de Provence » et dans le Queyras, l’agence Destination Queyras. A noter que nous sommes conscient que la démarche pour obtenir l’agrément reste un peu lourde et en ce sens, nous sommes également en train de réfléchir à alléger la procédure, notamment suite à un retour d’expérience des 12 premiers professionnels agrémentés volet 3 suite à l’expérimentation menée par l’IPAMAC, réseau des Parcs naturels du Massif Central.
VA/ L’action de certains PNR PACA est-elle plus avancée que d’autres et l’un d’eux se démarque-t-il par son exemplarité ?
Non, on avance tous de concert en mutualisant au maximum et de fait, nous sommes tous à peu près au même niveau. Certains parcs sont plus anciens que d’autres, ont commencé certaines démarches avant les autres, mais on avance main dans la main et on s’appuie sur les outils des uns et des autres. Plus généralement au niveau de la marque, les parcs naturels du Massif Central ont été précurseurs. Le parc du Vercors est également une marque très active. Par exemple, sur leur site, un onglet est dédié à la marque avec des éléments de détails sur l’ensemble des prestations marquées. Nous échangeons régulièrement avec eux, leur démarche nous intéresse car ils ont su y apporter beaucoup de lisibilité.
VA/ Quelle sera la prochaine étape ?
Nous souhaitons continuer à déployer cette démarche de qualification de l’offre, rendre la marque plus visible mais sans toutefois « marquer à tout va ». Nous réfléchissons également à un projet « Itinérance» sur les parcs afin de proposer aux clients une traversée de l’ensemble des Parcs de PACA, dans l’idée de les inciter à passer d’un parc à l’autre, avec la certitude d’y retrouver les mêmes valeurs, mais avec en fond des paysages , des patrimoines et des produits de terroirs différents à découvrir. Le tout en mixant les modalités de pratique (randonnée, vélo, etc.). Nous avons amorcé une réflexion au niveau de l’inter-parc afin de trouver des thématiques communes qui pourraient faire le lien entre chaque parc et un groupe d’étudiants de la licence pro tourisme solidaire d’Avignon nous accompagne dans cette démarche. Enfin, comme je l’ai déjà précisé, nous souhaitons renforcer notre communication auprès du public, également grâce au partenariat que nous avons avec le CRT et le site Ecotourisme en Paca et le site mesescaparcs.fr. A terme, nous prévoyons de créer une page facebook avec une charte graphique inter-parc gage de notre identité commune. Nous allons éditer des documents présentant l’ensemble de nos prestataires marqués que nous pourrons ensuite diffuser sur les salons, des posters… Nous avons besoin d’afficher les valeurs de la marque.
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Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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