Quel avenir pour le tourisme au Sahel ?
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Un triste constat
On a beau être inondé d’images et d’informations tous les jours. Ou peut-être parce que l’on est inondé d’images et d’informations tous les jours. On réalise encore très peu combien le Sahel va mal aujourd’hui. Et combien le classement du pays en zone rouge a impacté toute la zone. Malheureusement, le problème est loin d’être simple. Lors de la première table ronde, trois témoignages forts permettent de prendre la mesure des enjeux. D’un côté, des associations de voyage qui œuvrent depuis des dizaines d’années dans la zone et ont mis en place des actions de solidarité avec leurs partenaires… actions et partenaires qui se retrouvent aujourd’hui à l’arrêt, avec pour seul objectif : nourrir leur famille. D’un autre côté, la parole de l’Etat, qui dresse un tableau inquiétant de la zone depuis la chute du régime lybien. Enfin, Aminata Traoré, femme politique et écrivain malien, qui porte le débat au-delà du tourisme local, au-delà des actions engagées, pour un Mali autonome et garant de sa sécurité, pointant du doigt la part de l’ombre, la part des enjeux cachés, pour un classement en zone rouge qui sonne comme une punition pour tout un peuple.
Que faire aujourd’hui pour le Sahel ?
Effectivement, que faire aujourd’hui pour le Sahel ? Là est la vraie question et l’enjeu de cette journée qui a eu le mérite de réunir de nombreux représentants maliens, désireux de prendre leur destin en main, mais aussi, donc, ces associations de voyage qui tiennent à exprimer leur solidarité avec ces peuples du Sahel qu’ils côtoient depuis longtemps pour le meilleur et pour le pire. Le mérite des ateliers mis en place par l’ATES : poser la question côté associations de voyage françaises mais aussi côté migrants, en deux ateliers distincts. Au terme de ces derniers, plusieurs pistes émergent. Côté associations de voyage, les solutions concrètes pour pallier à l’urgence (fonds de solidarité, aides ponctuelles) n’oublient pas le problème de fond. Julien Buot de l’ATES souligne notamment le rôle de plaidoyer de son association, qui peut aider à faire « pression » sur le gouvernement français pour trouver des juste milieux dans les zones du Sahel classés en rouge. Il évoque notamment le cas du Sénégal, où des corridors verts ont été mis en place. Côté migrant, il y a évidemment une forte volonté d’aider et de prendre en main le destin de la zone. De nombreux projets sont déjà là, à l’état latent, qui n’attendent qu’une amélioration de la situation pour se mettre en place. La nouvelle génération malienne est particulièrement désireuse de faire en sorte que le tourisme au Mali soit aussi un tourisme malien. De plus en plus.
Des raisons d’espérer ?
Au terme d’une journée dont il faut saluer la richesse des interventions et la diversité des intervenants, force est de constater que le chantier qui commence est complexe. Au volontarisme de tous les acteurs en présence, s’oppose une situation qui n’est pas sans interroger. Certes la région est instable. Certes, l’argument sécuritaire peut jouer. Mais au-delà ? Pourquoi condamner toute une zone alors que l’on sait parfaitement que certaines régions sont sans dangers ? Est-ce à la France voire à l’Europe de gérer la sécurité du Sahel, des Maliens ? Est-ce une main protectrice ou une main mise ? En classant toute la zone en rouge, la France a fait passer la raison d’Etat avant la raison des hommes, laissant de nombreuses questions dans l’ombre. Si l’enjeu du tourisme local peut sembler dérisoire voire dépassé, les associations de voyages de l’ATES et au-delà, tous les voyagistes qui tendent à faire le mieux possible leur métier, ont au moins le mérite d’aller à la rencontre de ces peuples aujourd’hui isolés, le mérite, aussi, de leur donner une autre image de la France, tendant à montrer qu’au-delà des intérêts étatiques, il y a aussi des intérêts humains, tout simplement.
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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