La croisière de luxe est-elle éco-responsable ?
Monstres des mers, pépinières à virus, immeubles à touristes, les croisiéristes sont souvent l’objet de nombreuses attaques et les images de ces paquebots sans port d’attache pendant le confinement n’ont pas contribué à redorer leur blason. Il existe pourtant des offres très disparates et au-delà des villes flottantes, les croisières haut de gamme sur des navires à taille humaine semblent forcément plus adaptées pour innover et proposer des offres moins impactantes sur l’environnement.

Des bateaux à taille humaine
Difficile de comparer les paquebots de croisières où s’entassent des milliers de voyageurs et la gamme Luxe de nombreuses compagnies qui privilégient des bateaux à taille humaine et un service à la carte. Chez Regent Seven Seas Cruises, les navires sont spacieux et intimistes et ne dépassent pas les 800 passagers. De même, chez Silversea, la faible capacité d’accueil permet de vastes suites et des services personnalisés de majordome. Quant à Ponant, ses navires comptent moins de 200 passagers et la compagnie a remporté les Palmes du Tourisme durable dans la catégorie «Voyage» (Grande Entreprise) en février dernier pour avoir annoncé dès le 1er janvier 2019, avec un an d’avance sur la législation,[1] que l’ensemble de sa flotte serait dorénavant propulsée au low sulphur marine gaz oil (LS MGO), un gasoil à basse teneur en soufre (0,1 %) et moins polluant en particules fines.
Des innovations durables à bord
En ce sens, grâce au travail de fond réalisé par des précurseurs comme Ponant et quelques autres croisiéristes que l’on retrouve facilement sur le portail de starcroisieres, de plus en plus d’innovations sont faites à bord des navires pour limiter l’impact des croisières sur l’environnement. Chez MSC par exemple, tout ce qui monte à bord des bateaux est traité. Les canettes sont compactées et gérées dans un circuit étudié. De même, l’eau consommée à bord a été désalinisé et les eaux grises sont traitées avant d’être rejetées en mer. En outre, depuis 2018, la compagnie s’est engagée à n’utiliser plus aucun plastique jetable. Il en est de même chez Ponant, avec en sus tout un travail sur la récupération de l’énergie (Waste Heat Recovery System), une attention portée à la réduction de la pollution lumineuse produite à bord pour éviter aux oiseaux marins de s’échouer sur le bateau et la limitation des bruits émis par le navire qui peuvent dérouter la faune marine et gêner les populations locales.

Aller toujours plus loin
Certes, la croisière de luxe ne sera jamais l’apanage du plus grand nombre et s’adresse à une clientèle de privilégiés qui a les moyens de payer plusieurs milliers d’euros pour quelques jours à quelques semaines de service haut de gamme, mais elle a aussi l’avantage de pouvoir allée plus loin dans l’exigence éco-responsable et qui sait, montrer la voie pour d’autres innovations qui, on l’espère, pourront peu à peu profiter au plus grand nombre. En ce sens, courant 2021, Ponant annonce la mise à flot d’un navire d’exploration polaire, le commandant Charcot, équipé des dernières technologies en matière de développement durable avec notamment une propulsion à 100% au gaz naturel liquéfié (GNL), le carburant le plus vert du marché (-25% de rejets carbone /85% de rejets d’oxyde d’azote / -95% de rejets de particules fines). Ce navire pourrait également servir de laboratoire « vert » pour les bateaux de croisière du futur et aider à aller toujours plus loin quant aux études d’impact.
Plus loin mais jusqu’où ?
Alors, la croisière de luxe est-elle réellement éco-responsable ? S’il serait injuste de ne pas constater les nombreux efforts réalisés pour minimiser les impacts environnementaux, il reste difficile de ne pas voir qu’un bateau de croisière, quel qu’il soit, aura forcément un impact sur l’environnement notamment quand il prévoit d’emmener ses passagers dans les endroits les plus reculés de la planète, souvent de véritables sanctuaires naturels aux écosystèmes et communautés fragiles… Sans compter que nombre de compagnies continuent à armer de nouveaux navires et là, on est aussi en droit de s’interroger sur un modèle qui surfe sur des clientèles aisées et privilégiées pour aller accoster toujours plus loin dans des endroits toujours plus insolites où malgré de nombreux programmes, partenariats, précautions…. la biodiversité reste très menacée.
[1] Depuis le 1er janvier dernier, l’OMI (Organisation Maritime Internationale) interdit à tous les bateaux et sur toutes les mers l’utilisation du fioul lourd, fixant la teneur maximum en soufre dans le carburant des navires à 0,5%, alors qu’elle est de 3,5% dans le fioul lourd.

Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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