Et si l’avenir était dans les îles ?
A force de parler du réchauffement climatique, de la montée des eaux, et de cette planète malade qui n’en finit pas de menacer les hommes et les terres, on en oublierait presque de regarder de l’autre côté des flots, sur ces îles et coin de ciel isolés forcées de prendre en main leur destin. Îles pionnières qui vient de sortir chez Actes Sud est un juste témoignage de ces initiatives, un ouvrage salvateur qui au-delà d’une vision catastrophiste de demain, laisse entrevoir un espoir, des solutions, et donne la voix à des initiatives trop souvent passées sous silence.
UN OUVRAGE AMBITIEUX
C’est peut-être parce que nous sommes petits, mais nous voyons clairement les grands enjeux. Extraite de l’ouvrage, cette phrase de Thomas Tillman, prononcée à New York en 2009 alors qu’il était Premier ministre de la Grenade, donne le ton du livre. Certes, les enjeux et défis sont considérables, certes, certaines îles comme Tuvalu, les Maldives, Noru, sont clairement menacées par le réchauffement de la planète ou la surexploitation des ressources, mais des solutions existent et les îles se parlent, échangent, et tentent de faire entendre leur voix dans le concert des nations.
Ecrit par Philippe Vallette, océanographe et directeur de Nausicaa et Christine Causse, spécialiste de l’environnement et du monde marin, conseillère scientifique à Nausicaà, et superbement illustré par les photographies d’Alexis Rosenfeld, l’ouvrage rassemble en près de 250 pages une somme d’information considérable. Il prend en compte les défis naturels (tsunami, cyclones, tremblement de terre…), la biodiversité et ses évolutions, les ressources maritimes et terrestres, les enjeux du futur comme les énergies renouvelables, la désalinisation de l’eau, le traitement des eaux polluées, des déchets mais aussi la problématique du tourisme, qui reste un secteur économique majeur pour bien des populations insulaires.
DES ILES SENTINELLES
Pour Philippe Vallette, les îles sont des sentinelles pour tous les enjeux de développement durable. Il pointe combien ces espaces réduits, peu élevés, sont obligés de traiter en amont tous les problèmes de gestion de l’environnement qui toucheront peu à peu l’ensemble du globe. « Dans le monde, une inspiration sur deux est fournie par le plancton végétal, on a besoin de l’océan. Malheureusement, ajoute-il, déplorant l’extension des zones de pêche illégale, on pille également toute cette biodiversité. »
Le réchauffement climatique complique aussi la donne, entrainant la salinisation des eaux douces, la réduction de la surface agricole cultivable, l’érosion des côtes, la multiplication de cyclones de plus en plus violents mais aussi, l’acidification des eaux. Philippe Vallette : « Le CO2 présent dans l’atmosphère se dissout dans l’eau et au contact des mers, se transforme en acide carbonique qui entraine une acidification des eaux. C’est un vrai problème pour tous les êtres qui ont besoin de produire un squelette calcaire, comme les coquillages mais aussi le plancton végétal ».
DES SOLUTIONS POUR DEMAIN
Face à ces menaces, les insulaires ne restent pas sans voix et Île pionnières leur donne largement la parole, montrant combien les fonds débloqués par les institutions internationales, loin d’en faire des mendiants, en font surtout des pionniers, car ils doivent trouver des solutions pour demain et contribuent ainsi grandement à la recherche et au développement. Philippe Vallette : « En donnant notre argent aux pays insulaires, on investit sur notre avenir. »
Un exemple probant pour finir, celui des holothuries, ces concombres de mer dont sont si friands les asiatiques. Appartenant à la famille des oursins, l’holothurie vit dans le sable. Nettoyeuse née, elle absorbe toutes les bactéries pour ne rejeter qu’un sable très propre. On peut donc imaginer combien sa surexploitation gourmande peut être nocive aux plages. Madagascar est tombé un temps dans le piège, les pêcheurs n’ayant de cesse d’approvisionner le marché asiatique pour se faire des revenus. Malheureusement, une fois les holothuries épuisées et les plages vidées, les petites anses qui les abritaient se sont mis à pourrir, faisant fuir les poissons, et par la même toute chance de revenu.
Un Malgache a toutefois inversé la donne. Il a réussi à élever des holothuries dans des bassins de grossissement puis dans des parcs marins, qu’il a ensuite commercialisé. Exemple intéressant, il montre qu’en ne se servant pas dans le milieu naturel, on peut aussi être innovant et générer des revenus. Cette expérience va ainsi être dupliquée dans pas mal d’îles, preuve s’il en était encore besoin que les insulaires sont capables de développer des solutions.
CONCLUSION EN REGARDS CROISES
Co-auteur du livre, Christine Causse conclut : Pour nous, ces regards croisés sur les actions entreprises dans les îles sont fondamentaux. Dans ce livre, nous avons ainsi essayé d’être représentatif de cette diversité et de montrer tout ce qu’il se fait dans les territoires nationaux. » En fin d’ouvrage, un chapitre sur l’éducation, la formation de terrain et un long listing des organismes, institutions et associations impliquées montre aussi qu’au-delà du témoignage, ce livre est aussi à vivre comme un outil pour aller plus loin et créer de nouvelles synergies.
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EN SAVOIR PLUS
Îles pionnières, PHILIPPE VALLETTE & CHRISTINE CAUSSE Actes Sud & Nausicaà, Mare Nostrum, octobre 2013. Photograhies d’Alexis ROSENFELD et cartes de Jean-Pierre MAGNIER. Préface d’Isabelle AUTISSIER. 37 €. Disponible dans toutes les bonnes librairies.
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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