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Tourisme rural dans le monde : les montagnards à la rescousse !

Née du savoir-faire mis en commun par trois organismes alpins dont la mission originelle était de lutter contre l’exode rural, Tetraktys est aujourd’hui une agence aidant des territoires ruraux du monde entier à mettre en œuvre des projets de développement (souvent touristique) bénéficiant aux populations locales. Un travail formidable. Rencontre avec son directeur, Raphaël Trouiller…

Raphaël Trouiller au cours d’une séance de travail en Palestine

Voyageons Autrement : Raphaël, pouvez-vous nous résumer votre parcours et nous dire comment vous en êtes arrivés à diriger Tetraktys ?

Raphaël Trouiller : Au terme d’études liées au développement durable, j’ai choisi un master dédié au développement touristique à l’international. Parti à cette occasion au Sénégal étudier divers projets de tourisme durable, je suis tombé, à Dindefello sur une initiative mise en place par Tetraktys que j’ai trouvé extrêmement convaincante. Aussi, dès mon retour, ai-je filé les voir pour leur dire : « Je veux faire un stage chez vous ». « Pas de problème, m’ont-ils répondu, vous êtes juste le 25Oième à nous faire cette demande ». Mais comme j’ai ensuite passé mon temps à retourner les voir, puis encore et encore, ils ont fini par m’accorder un stage, durant lequel il s’agissait de capitaliser l’ensemble de leurs actions à Madagascar. Ce qui, au vu du résultat, n’a fait qu’attiser mon envie de travailler pour eux. Ce qui s’est finalement fait. Assistant chef de projet en 2005, je suis devenu chef de mission en 2007, chef de projets pour une partie de l’Afrique en 2008, directeur des programmes en 2012 et DG l’année suivante. 12 ans déjà que je suis à Tetraktys. Et je n’arrive plus à en partir !…

VA : Comment est née cette structure assez étonnante ?

RT : De la volonté commune de 3 structures alpines, la Grande Traversée des Alpes, l’AFRAT (Association pour la Formation des Ruraux aux Activités de Tourisme) du Vercors et enfin le CRET (Centre de formation aux métiers de la montagne). Confrontés à l’exode rural massif de la jeunesse alpine, ces trois organismes avaient accumulés un savoir-faire considérable en matière de développement du tourisme rural dont ils furent pionniers. Sollicités par de nombreux pays, ils étaient déjà intervenus ensemble les uns et les autres à l’occasion d’un gros programme mis en place avec le Maroc et qui s’étala sur presque une décennie. Puis en Pologne. Aussi, au début des années 90, face à la multiplication des demandes, décidèrent-ils de créer une seule et même structure plutôt que de se concurrencer. Ainsi naquit Tetraktys.

Danseurs de troupes Bassari et Djallonké, issus des minorités ethniques du Sénégal se produisant à Grenoble en Juillet 2016

VA : Quel est le but de Tetraktys ? Quels en sont les valeurs et principes de fonctionnement ?

RT : Notre vocation est d’être un réseau spécialisé dans l’export du savoir-faire alpin en matière de tourisme rural et de montagne. Si les 3 organismes ont un temps piloté les projets, la structure a rapidement grandi et s’est autonomisée. Le but est de travailler avec des équipes aussi légères que possibles, en partenariat systématique avec les locaux sur lesquels on s’appuie et qu’il s’agit avant tout de renforcer, outiller. L’originalité tient au fait que toutes nos missions sont assurées par un binôme composé d’un ancien expérimenté et d’un plus jeune, compagnonnage qui vaut également pour les missions que nous effectuons en France. Dans tous les cas, la finalité est de rendre les populations locales maîtresses de leur développement. Leur donner les clés pour opérer les bons choix et ne pas faire d’erreur de ce côté, gérant entre autre elles-mêmes en direct plutôt que de s’en remettre à des intérêts privés, non locaux, qui privent toujours la population d’une grande partie des bénéfices générés…

VA : Où travaillez-vous, qui fait appel à vous et quels sont vos domaines d’intervention ?

RT : Maghreb, Afrique de l’Ouest, Moyen-Orient, Asie, Amérique latine, France… Nous œuvrons  autour de trois axes majeurs : le tourisme durable qui est notre cœur de métier, l’aménagement (notamment concernant l’accès – essentiel – à l’eau potable et sa gestion équitable), l’éducation enfin où nous mettons souvent en lien les territoires afin de montrer qu’il existe une mondialisation positive tout en cassant l’isolement des plus démunis.

VA : Quand vous travaillez sur une thématique touristique, s’agit-il toujours de tourisme durable ?

RT : Oui. C’est en tous cas ce qu’il nous semble. Le plus important étant de travailler avec les communautés et de les impliquer dès le départ dans les rouages du tourisme. Le cœur de notre action est de rendre les territoires et populations acteurs, et de leur donner les outils pour le rester. Quant à l’aspect environnemental, on fait de notre mieux, avec les moyens dont les territoires disposent sur place. Des améliorations peuvent sans doute encore être apportées de ce côté comme en ce qui concerne le volet sociétal où nous faisons tout pour trouver un équilibre entre les différents secteurs d’activité mais où des progrès sont certainement possibles, comme souvent.

Randonneurs sur le sentier d’Abraham, en Palestine

VA : Combien êtes-vous dans l’équipe ?

RT : 5 salariés basés à Grenoble, un volontaire de Solidarité International en poste au Laos, un salarié partagé en Palestine, 3 volontaires effectuant leur service civique et une précieuse équipe d’experts, tous bénévoles : créateur d’itinéraire, géologue, formateur, agence de voyage, etc.

VA : Vous semblez par ailleurs beaucoup fonctionner en mode partenariat et collaboration…

RT : C’est un principe. Chaque projet et ses actions doivent être portés par une organisation locale, villageoise si possible : coopérative, collectivité, etc. Tout projet doit être validé par les autorités locales et porté à la connaissance des associations présentes. Et nous travaillons de plus en plus en consortium avec d’autres associations, ONG, voire T.O. Au point que nous ne sommes plus seuls sur aucun projet en court actuellement. Même en France. Cela augmente notre pertinence et tisse peu à peu un vaste réseau d’acteurs engagés.

Agriculteur du village de Konglor au Laos

VA : Pouvez-vous nous parler d’un ou deux chantiers dont vous êtes particulièrement satisfaits, voire fiers ?

RT : Au Laos, dans la province de Khammouane, se trouvent des grottes extraordinaires. Ayant vu à la télévision que de telles grottes pouvaient se visiter, le gouverneur local nous a demandé de les aider. Après avoir vérifié que ces espaces naturels étaient propres à la visite, nous avons lancé le projet : parcours,  sécurisation, aménagements, formation des acteurs locaux… Le tout en confiant la gestion à un groupement des différents villages, autrefois concurrents, plutôt qu’à un acteur privé. Résultat : les grottes accueillent aujourd’hui 25.000 visiteurs par an et chaque famille possède au moins un membre investi dans l’activité. Là aussi donc, une agence de développement nous accompagne, pour modéliser l’exemple. Car la société civile est encore très peu présente au Laos ; les grottes ayant reçu le prix du développement durable national, plusieurs organismes souhaitent s’en inspirer.

J’aimerai dire un mot également d’un projet qui paraissait fou au départ et qui est devenu une aventure humaine, une réussite extraordinaire. Le Sentier d’Abraham, en Palestine. Avec d’autres, nous avons mis en place là-bas un itinéraire culturel de randonnée qui traverse tout le pays, du nord au sud : tracé, étapes, hébergements, guides… on est parti de rien et aujourd’hui, tous les voyagistes marcheurs commercialisent cette randonnée qui plaît énormément et génère des revenus conséquents pour les locaux. Tout en rétablissant l’image de ce pays, à la population extrêmement accueillante. L’AFD et l’Union Européenne, impressionnées par le résultat, vont d’ailleurs nous accompagner pour la suite…

VA : Vous produisez également des reportages photos et vidéo, des expositions. Pourquoi ?

RT : Ces outils sont d’abord remis aux communautés locales pour créer leur banque de données. Ils servent également par ici à montrer la beauté du monde et à faire un peu de publicité pour ces territoires. Et puis, c’est tout simplement de l’éducation à la citoyenneté mondiale, pour rapprocher les peuples, que les gens sachent à quel point, partout sur la planète, leurs contemporains sont volontaires et accueillants.

VA : Comment rêvez-vous l’avenir de Tetraktys ?

RT : En termes de solidarité internationale, tout est question de moyens, donc de choix politiques. Et ceux-ci, depuis quelque temps ne vont pas forcément dans le bon sens alors même que les problématiques sur lesquelles nous intervenons sont essentielles. Et le travail effectué indispensable dans une vision à long terme. J’espère donc que non seulement nous allons continuer d’œuvrer, de plus en plus, mais en accédant le plus vite possible à des territoires comme la Syrie ou le Mali où il est aujourd’hui impossible d’agir parce qu’ils sont encore trop en souffrance…

Le coordinateur du programme repère un itinéraire de randonnée autour de la ville de Zapatoca en Colombie

VA : Savez-vous pourquoi l’association a choisi ce nom – imprononçable – de l’antique pyramide pythagoricienne ?

RT : Le mot signifie « harmonie » en grec et l’harmonie est le but que nous visons dans nos projets de développement territorial. De plus, dans la Tetraktys : 1 + 2 + 3 + 4 = 10, la décade, le tout. Ce qui signifie qu’en partant du plus petit et en s’associant avec les autres, on touche au but. Enfin, parce qu’effectivement imprononçable, une fois qu’on y est parvenu… on ne l’oublie plus !

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Tourisme rural dans le monde : les montagnards à la rescousse ! | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Jerome Bourgine
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