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montagnes Style Hokusai

The wave !… le tourisme durable vu par les Rangers américains

| Publié le 2 octobre 2018
Thèmatique :  Espaces protégés   Tourisme de masse 
             

C’est, une fois encore, l’histoire d’un rêve inaccessible… Lorsque Sandra, ma moitié, découvrit à son travail le nouveau fond d’écran que Windows s’était choisi : une immense vague de gré rouge déployant son dégradé de strates colorées en direct de la planète Mars, elle fut saisie. Choc !…

…« C’est là que je veux aller ! » s’écria-t-elle. Or, on le sait depuis longtemps : « Ce que femme veut, Dieu le veut ».

A dater de ce jour, à la maison, il ne fut plus question que de cela : « The wave ! ». Tel est en effet le surnom donné à cet endroit unique par les rares privilégiés ayant eu l’occasion de s’y rendre. Car, ce qui ne manqua pas d’attiser davantage encore le désir de Sandra de s’immerger dans cette palette de peintre géant, fut d’apprendre que non seulement ce lieu magique était tenu secret, mais qu’en plus, seules 20 personnes chaque jour avaient le droit de s’y rendre !

10 désignées par la loterie tenue en ligne par les Rangers – loterie dont le tirage s’effectuait 4 mois à l’avance. Et 10 autres désignés de la même manière : le hasard (ah ! ah !), mais, cette fois, en direct-live, la veille du jour de la visite programmée au QG même des rangers locaux, en la petite bourgade de Kanab, Utah. Si vous aviez alors la chance d’être désigné (parmi des milliers de candidats sur internet et une centaine sur place), les rangers vous remettaient le plan donnant accès au lieu de toutes les convoitises en vous enjoignant de ne surtout pas le divulguer, ni publier sur internet, dans l’intérêt même des visiteurs suivants…

Pourquoi tant de précautions ? Tout simplement parce que ces vallons, mamelons, écharpes, cuvettes, cheminées de fées et cathédrales minérales épousant tous les tons du jaune au rouge sang sont faits de grès pur, une roche qui n’est rien d’autre qu’un assemblage de grains de sable compressé par la pression terrestre et qui, une fois, mis à jour par les mouvements tectoniques et l’érosion, devient extrêmement FRAGILE !

Yosemite National Park…

Il fut bientôt décidé que, si la chance était de notre côté, nous partirions en mai. C’est ainsi que plusieurs jours de suite, en janvier, dans les dates correspondant à celles de notre futur séjour, mais 4 mois plus tôt, nous jouâmes à la loterie organisée par les Parcs Nationaux et perdîmes, perdîmes, et perdîmes encore.

« Même pas grave ! » s’exclama Sandra, native du scorpion, qu’un revers de fortune ou un quelconque « non » est loin de décourager. « On gagnera une fois sur place, c’est tout ». C’est ainsi que, confiants (une fois de plus) dans notre bonne étoile et détournant les yeux des statistiques (2 à 3 chances sur cent de gagner selon le nombre de candidats présents ce jour-là !), nous achetâmes les billets d’avion, obtînmes nos visas en deux temps trois mouvements grâce à la procédure extrêmement facilitée de l’Esta et commençâmes de composer un road-movie dans le grand Ouest dont le point d’orgue magistral, l’orgasmique note finale, serait un séjour de 4 jours à Kanab pour y tenter notre chance les yeux fixés sur la petite cage métallique où tournent quelques dizaines de boules portant chacune un numéro… Et on allait bien voir ce qu’on allait voir, par Toutatis !

Tant de kilomètres et d’argent durement gagné engagés sur une hypothèse aussi peu probable ?… Ben oui. Mais pas que, naturellement. L’Utah et l’état voisin de l’Arizona regorgent de paysages minéraux incroyables. Si nous avions déjà rendu hommage quelques années plus tôt au Grand Canyon et aux principaux parcs nationaux et hauts lieux de la région : Yellow Stone, Arches, Canyonland, Brice Canyon, Mesa Verde, Monument Valley… sans oublier l’encore confidentiel Antelope Canyon, nos yeux ne s’étaient jamais posés sur les trésors végétaux de Yosemite ou Sequoia National Parc (NP), non plus que sur Death Valley et Zion. Hardi les mioches ! On en aurait de toute façon pour notre temps et notre argent…
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Into the West… Du nord au sud, en filant à travers les états du Wyoming, d’Utah & Arizona, vous traversez quelques-uns des plus beaux et plus célèbres paysages américains. Autant dire qu’un petit road-movie, mené du Yellowstone au Grand Canyon, vous laissera des images dans la tête pour l’éternité….

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Tel fut bien le cas sinon que nous avions zappé que le Yosemite est un parc situé en montagne et qu’en montagne, et bien l’hiver, et même au printemps, il neige ! De fait, jusque mi-juin pratiquement, certaines routes et accès aux plus beaux points de vue de ce parc légendaire sont coupés. Même pas grave again nous écriâmes nous, bravaches, parce que nous, ce qu’on voulait avant tout, c’était saluer les séquoias géants, voilà ! Et ils furent au rdv.

Avec les Ents…

Après une découverte fort appétissante de San Francisco (16 km à pied le premier jour, ça démarrait fort), nous rencontrâmes les plus grands végétaux de la planète à Yosemite donc, mais, surtout, dans le bien-nommé Sequoia NP. Des arbres incroyables, larges comme une maison et portant généralement le nom de célèbres généraux américains. Mais plus encore, dans les endroits désignés sous le nom de « grove » (bosquet), des familles d’arbres colossaux assemblés autour d’une clairière et faisant immanquablement penser aux Ents, ces arbres géants détenteurs d’une sagesse immémoriale dans le Seigneur des Anneaux. Admiration. Communion silencieuse. Recueillement…

Puis il y eu la fameuse Death Valley. C’est personnel, of course en sac, mais bof DV !… Puis, après un stop dans un motel incroyable peuplé de dinosaures (le Cavern Inn), nous sommes descendus au fond du Grand Canyon (5 à 6 h de marche), dans la réserve indienne d’Havasupai (littéralement : « le peuple des eaux bleu-vert »). Il faut là aussi s’y prendre très à l’avance, car l’endroit qui abrite une série de cascades proprement idylliques (Havasupai, tapez ce mot sur Google et vous allez rester scotché à l’image), ne reçoit pour sa part que 200 visiteurs par jour. Et au regard de sa beauté, c’est fort peu. Vraiment somptueux ; l’archétype de la cascade au premier matin du monde. On a a-do-ré ! Une boule au ventre néanmoins au spectacle des Indiens qui vivent là, du tourisme donc, et ne se nourrissent plus que de junk food ; devenus obèses dans des proportions ahurissantes, même pour les Etats-Unis : près de 80% d’entre eux au bas mot. Ou comment détruire un peuple qui… on connaît l’histoire.

Havasupai

Re-road-moovie, re-routes à l’infini, re-paysages qui défilent et déchirent… l’Ouest américain , quoi.

Et arrêt à Painted Desert et Petrified Forest NP. Là, sont couchés sur le sol, des milliers de troncs d’arbres pétrifiés vieux de quelques 200 millions d’années (Trias). Pas les troncs de n’importe quels arbres, des troncs d’araucarias ; que l’on ne rencontre, pétrifiés, que dans le nord de l’Arizona et à… Madagascar. Avec le temps, l’eau a emporté chaque particule de cellulose pour la remplacer par des sels minéraux divers et variés, transformant ses troncs larges comme des futs en tableau polychrome d’une beauté qui, personnellement, m’émeut particulièrement. Parce qu’elle chante l’histoire du monde ?…

200 millions d’années

Route again et installation à Kanab, yes indeed.

Chaque matin, à 9h pétante, remontés à bloc, on  était chez nos amis les rangers pour voir le chef faire tourner la roulette à hamster pleine de boules numérotés. 10 places en jeu, mais aussi, on le comprit vite à nos dépends, beaucoup moins que dix chances chaque jour ! Du fait de la participation de nombreux groupes, chacun n’ayant droit qu’à une seule boule collective. Ce qui fait que si deux groupes de quatre commençaient par gagner, puis un couple (ce qui arriva deux fois), au bout de trois tirages, c’était râpé pour la journée. Circulez, y’a plus rien à voir.

Le premier jour, on avait le cœur qui battait la chamade. Et on a perdu. Ri un peu aussi en entendant le boss conseiller au groupe de 4 qui venait de gagner les deux dernières places de les donner à d’autres (« Nous ! Nous ! ») plutôt que de devoir choisir entre eux et se haïr jusqu’à la fin de leur vie ! (il parlait d’expérience). Le deuxième jour aussi, on a perdu. Et le troisième également. Mais on n’était pas tristes, loin de là, car chaque journée était marquée par la découverte (parfois seuls, parfois avec un guide local, certains coins étant vraiment ardus à dénicher) de spots qui, sans être aussi renversants que The Wave, n’en était pas moins sublimes si l’on est amateur de paysages minéraux stupéfiants.

Je vous fais suivre notre short list. Allez voir les images et choisissez vos préférés :

Buckskin Gulch et Wire Pass : des canyons moins étroits et impressionnants qu’Antelope mais qui jouent idem à cache-cache avec la lumière et donnent bien l’impression d’être une fourmi dans un labyrinthe.

Buckskin Gulch

Paria River : bien sûr, les photographies sont trompeuses (c’est comme pour les aurores boréales ou les ciels étoilés, les capteurs photographiques étant bien plus sensibles que l’œil humain), mais on a vraiment l’impression qu’un géant a utilisé les falaises pour y décliner tous les tons de sa palette de peintre (à fréquenter à l’aube ou au crépuscule, naturlich)

Paria…

Coyote Buttes South : attention, chef d’œuvre ! Si The Wave obtient 21/20, CBS vaut bien les 18. Il faut un permis identique d’ailleurs, obtenu après tirage au sort ; mais comme personne ne connait (encore !) ce coin, il s’obtient assez facilement. Demandez à une agence locale de l’obtenir pour vous. Et partez avec eux car il y faut un 4×4 (un vrai) et bien connaître le bled.

Coyote Buttes South dehors…

Coyote Buttes South dedans !… (une grotte)

White Pocket : Sandra a moins aimé parce que les incroyables formations rocheuses se déclinent ici en crème et non plus en rouge (comme leur nom l’indique). Un scandale. Qu’on appelle le directeur !

Zion National Park : rien qu’emprunter la route qui le traverse vous mène près de l’extase : c‘est bô bô bô. Tellement que plus d’une voiture a fini dans le ravin ! (laissez conduire l’autre ce jour-là ;-)

Voilà. L’avant-dernier jour à Kanab (nous devions prendre l’avion le surlendemain à Las Vegas pour rentrer en France), c’était notre dernière chance et on a eu les boules sévère en arrivant chez Rangi-Rangers : il n’y avait jamais eu autant de participants : plus de 100 groupes différents !

L’entrée de Zion NP

Mais la main innocente était cette fois celle d’une femme et il se trouve que j’adore les femmes. Perso, j’étais sorti chercher un truc dans la voiture et de retour dans la pièce bondé, je n’ai pas pu m’approcher suffisamment pour bien entendre ce que disait Miss Ranger en déchiffrant la boule qui sortait de la cage et désignait les ultimes gagnants : « seventy one » peut-être ?… Notre chiffre du jour… ben tiens ! Je devais avoir mal entendu. Puis ce fut le brouhaha des chaises qu’on pousse et d’une salle qui se vide de son flot (in)humain. Je me suis alors mis à remonter le temps à contre-courant la gorge nouée (et si par miracle j’avais bien entendu ?!!!)…

Parvenu dans la pièce et découvrant d’un coup Sandra tassée sur sa chaise qui fixait le vide un sillon humide de chaque côté du nez comme une mère guépard, j’ai compris qu’Hermès était toujours notre copain et que, cette fois encore, il avait décidé de filer un discret coup de pouce à Coin et Coin de Borobudur, ses deux Trottemenus chéris.

Merci Vieux Frère !

J’ai bien aimé aussi la phrase des rangers quand ils nous remirent notre permis : « Et maintenant, débrouillez-vous. Ne nous appelez qu’en cas de force majeure. Sachant qu’une jambe cassée n’est aucunement un cas de force majeure ».

Sir, yes, sir !!!

« La Gorda », gardienne du temple…

Et la journée du lendemain fut un rêve éveillé. De l’aube (mais on était debout bien avant !) au crépuscule, on a marché sur un nuage. Et pas un cumulo-nimbus ; un stradivarius ! En plus, ce n’est même pas une carte que les rangers nous ont remis pour rejoindre le saint Graal, mais une série de photographies, prises toutes les demies-heures de marche environ. Ce qui fait qu’à la lente approche préliminaire du saint des saints, s’ajoutèrent les plaisirs puissants de la chasse au trésor. « Repérez-vous sur les twin pics » ; « Vous apercevez maintenant à gauche un profond canyon », « Au loin, plein sud, se distingue un plateau ». Etc. Etc.

Et, pour le coup, moi qui d’ordinaire suis coutumier des raccourcis qui vous coûtent des heures, eh bien je fis un sans-faute. Je jubilais faut dire. Après trois ou quatre heures de marche, je ne sais plus, The Wave fut à nous. Et à la poignée de chanceux du jour… Et, comme dans les histoires vraiment sympas, il existait même un « The Wave 2 » dissimulé à quelques dizaines de mètres de là. Ce fut un autre bonheur de le chercher et… de le trouver. Une longue apnée hors du temps, une poignée d’heures dans le giron même de la Terre Mère, au plus près de son cœur battant.

Au cœur du monde…

Voilà, c’était l’histoire de ce rêve-là, le dernier en date, que je voulais vous conter.

Ce qui est bien avec les rêves réalisés, c’est qu’on s’en souvient toute sa vie et que, dans les moments de déprime comme on en connait tous (enfin, moi, en tous cas), s’en souvenir vous procure un puissant « effet d’ancre » comme disent les psychologues. Vous repensez à ces instants : Sandra pleurant après le tirage, l’aigle qui crie en vous survolant quand vous franchissez la crête finale, des trucs comme ça, et cela vous insuffle une prodigieuse dose de JOIE qui vous tient au corps comme une soupe ; exactement comme si vous aviez jeté un filet à travers le temps pour aller repêcher le Grand Bonheur Enfantin et que vous le remontiez chargé de lingots d’or et d’argent scintillants. Exactement comme ça.

Quand je me retourne sur ma vie qui commence à approcher de la ligne d’arrivée, étonnamment, ce sont ce genre de souvenirs qui émergent. Et je me dis : « Bon, c’est sûr, tu n’es pas devenu Cousteau ni Moitessier, comme tu en rêvais quand t’étais gosse, mais tu n’as pas tout foiré non plus. Aux côtés de Sandra, mano a mano, on aura quand même réussi deux ou trois trucs cool ; vécu un tout petit peu, osé, tenté, et célébré comme il se doit la beauté de ce monde. Ça valait quand même le coup d’y croire, purée ; ça valait le coup… »

The Wave 2…

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Par Jerome Bourgine
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