Soyons joyeux et tourmentés avec Valentine Gardiennet aux Magasins Généraux !
« C’est la première fois que le plafond nous paraît si bas. » En ce jour de présentation de la nouvelle exposition résidence de Valentine Gardiennet aux Magasins Généraux, cette phrase de Keimis Henni, co-commissaire avec Anna Labouze, retranscrit bien la force qui se dégage des œuvres d’une jeune artiste prometteuse. Des têtes démesurées, un immense lit, des poupées géantes, le tout dans un tourbillon de vie et de couleurs, bienvenue dans l’univers joyeux et tourmenté de Valentine.

Dessinatrice, sculptrice, artiste totale, curieuse et exploratrice, Valentine Gardiennet n’a pas trente ans et déjà de belles expositions derrière elle (Shanghai, Marseille, Embrun, etc.). L’exposition-résidence qui s’ouvre depuis le 22 mars aux Magasins Généraux constitue toutefois la plus importante présentation de son travail, un véritable kaléidoscope coloré de l’univers de l’artiste, qui n’a pas hésité à faire appel à de nombreux talents pour venir l’épauler dans son processus créatif. Au-delà du gigantisme, la générosité du travail impressionne : cinq grandes installations (Les Poupées, Le Lit, Le moulin et la Veilleuse, la Troupe de Théâtre, la Maison) et de nombreux dessins et scénettes qui viennent hanter l’espace. Le titre de l’ensemble, It take a village…, est d’ailleurs une allusion à la célèbre phrase « It take a Village to raise a child » pour dire et redire combien la force du collectif est essentielle, autant pour éduquer que pour créer.

A la fois village, rêve éveillé, vaste carnaval, l’univers de Valentine se déploie telles les bandes dessinées qu’elle aimait lire dans son enfance, un travail qui peut faire sourire mais dont la profondeur recèle aussi une certaine gravité. Certes, il y a de la joie dans cette vaste fête foraine ou dans les grosses têtes colorées en carton-pâte de la troupe de théâtre mais il y a aussi une quête plus profonde, des interrogations sur la vie en groupe et au-delà, sur les violences qui se cachent parfois derrière des communautés soudées. « Inspirée par Marcia Burnier et Starhowk, qui ont imaginé des personnages fictifs très forts, je m’interroge sur la manière dont se construisent les relations de pouvoir selon les contextes et les situations (…). »

De la démesure, des formes, des couleurs, de la naïveté, de l’humour, de la gravité donc mais aussi des sensations et des sons, quand une musique envoûtante s’échappe d’un lit géant et capte soudainement notre oreille. Car au-delà du gigantisme de cette immense installation de 8 mètres sur 3 placée au cœur de l’exposition, on retrouve l’intime, la chambre de l’artiste, les voix et les musiques qui l’habitent (Jardino, Le Tapis prend feu, Clem Solaire). Valentine a souhaité reproduire son refuge et nous montrer l’autre face de son monde, l’intérieur au-delà de l’extérieur, la rêverie, l’imaginaire, telle la vie racontée et imaginée d’une adolescente puis jeune adulte entre 15 et 30 ans que l’on peut écouter en investissant l’immense lit-refuge (on peut y monter à 15 !).
Le théâtre, le lit, mais aussi « Le Moulin et la veilleuse », une réflexion sur la sociabilité, un moulin autant à vent qu’à paroles, un clin d’œil également aux personnages secondaires et aux figures idéalistes à l’image d’un Don Quichotte qui voit le monde à sa façon et se bat contre des moulins à vent mais aussi… « Dans cette installation, c’est plutôt à Sancho Panza que je m’attache : paysan, écuyer et ami de Don Quichote. Il se démultiplie ici sous les traits de plusieurs personnages féminins qui cheminent en ronde en chevauchant des ânes. » L’ombre, le personnage secondaire, la femme, Valentine souhaite mettre en lumière les figures oubliées, bafouées, ignorées, à l’image de la veilleuse qui semble les guider, les veiller, présence rassurante et symbole d’une résistance émergeante mais bien présente. Au pied du moulin, un cygne blanc en céramique gît au sol, posé tel une énigme, parce qu’il ne faut pas tout dire, tout expliquer, peut-être aussi la part de l’ombre encore, cygne blanc ou noir ? Valentine n’en dira pas plus, au visiteur de trouver d’autres indices tels des chemins buissonniers au cœur d’un monde qui sourit tristement.

Et s’il y a une œuvre qui touche particulièrement l’artiste, c’est bien la Maison. Peut-être pas l’installation la plus facile pour le spectateur lambda mais Valentine nous explique qu’elle y a mis bien du cœur et de l’ouvrage. Du cœur, parce que dans ces dessins aux crayons de couleur qu’elle affectionne particulièrement – ne pas oublier que le dessin reste son medium premier – elle a réuni des personnes et des personnages connus, aimés, fréquentés, croisés. De l’ouvrage parce qu’il a fallu deux ans pour réaliser cette maison-sculpture de métal et de bois totalement démontable. « Cette maison c’est mon village, celui qui m’accompagne et m’a fait grandir, c’est celui où l’on peut se retrouver ou ne faire que passer. Mes personnages se débattent avec leur colère, leur jalousie, tentent d’aimer sans compter. C’est un hymne à l’amitié, à l’amour et aux luttes ».
Une maison comme une exposition, accueillante et « questionnante », joyeuse et tourmentée, naïve et profonde. Dernier tour de piste pour saluer trois poupées géantes dont les yeux s’animent comme autant de défis à l’artiste. « A quoi sert une forme qui ne bouge pas dans une exposition ? » Quelle suite ? Quelle pérennité ? Quelle trace ? Et si loin d’être une poupée, il s’agissait plutôt là d’un épouvantail, d’un fantôme, voire d’un démon exorciste pour tenter d’éloigner les idées noires et les corbeaux moqueurs. Valentine n’a pas fini de nous interroger.

——————————- A découvrir
Valentine Gardiennet. Du 22 mars au 18 mai 2025. Entrée libre.
Aux Magasins Généraux. 1 rue de l’Ancien Canal – Pantin. Métro Eglise de Pantin.


Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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