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Philippe François : l’homme qui voulait remettre l’homme au centre de… tout !

Pionnier d’un tourisme plus responsable, Philippe François a créé voici 20 ans un cabinet de conseils travaillant avec les petits parcs naturels comme les plus grands groupes hôteliers et essaime aujourd’hui ses bonnes pratiques dans le monde entier. Passionné de pédagogie, créateur d’une vingtaine d’écoles hôtelières et convaincu que le Développement Durable devrait être enseigné dès le CAP, si vous demandez à François Philippe pourquoi il a choisi le DD, il vous répondra : « Parce qu’il génère davantage de bonheur ; tout simplement ». Rencontre avec un changemaker qui peut dormir du sommeil du Juste…

Philippe François

Voyageons Autrement : Quel a été votre parcours et quel est aujourd’hui votre quotidien ? Qui sont les clients de votre cabinet ?

Philippe François : L’essentiel de mon parcours initial s’est effectué dans l’hôtellerie. J’ai commencé comme chef de rang et suis devenu quelques années plus tard directeur d’un Novotel avant de me diriger vers le conseil, à la chambre de commerce de Bordeaux, entre autres. Mon horizon s’y est élargi au tourisme tout entier et ma passion pour la formation et la pédagogie a pu prendre son envol. Comme j’avais mis au point un certain nombre de modules d’apprentissage, on m’a proposé de prendre en charge la création de l’école de management hôtelier de Savignac, près de Périgueux, qui est aujourd’hui devenue une référence. Ce furent sept années magnifiques, suite auxquelles je regagnais le domaine du conseil et me mis à créer d’autres écoles hôtelières, partout dans le monde, 20 ou 21 en tout, je crois, ainsi que des programmes hôteliers pour divers pays et régions. Président de l’AMFORHT, l’Association Mondiale de Formation Hôtelière et Touristique, je reste d’ailleurs très actif en matière de formation, mon domaine de prédilection.

Philippe François au sein du bureau de l’AMFORHTEt puis, il y a 21 ans donc, j’ai créé ma propre agence, François Tourisme Consultants, spécialisée en gestion hôtelière et aménagement touristique. Nous sommes aujourd’hui une vingtaine à y travailler, sachant que, dès le départ, j’avais clairement défini notre mission : aider les acteurs du tourisme à optimiser leurs résultats en intervenant uniquement à travers des solutions liées au développement durable. Nos clients sont aussi bien des groupes hôteliers, casinos, resorts ou camping que des offices de tourisme, parcs nationaux, stations de ski ou… pays. On a ouvert cinq ou six antennes à l’étranger, déjà. Quant au quotidien… eh bien regardons simplement les mails du jour… (Philippe François les fait défiler sur son mobile)… et citons par exemple… l’aménagement du site du Piton de la Fournaise, à la Réunion – un gros dossier, comportant beaucoup de choses à prendre en compte)… le projet du groupe Partouche de créer une structure dédiée au mécénat… un restaurateur très en vue qui aimerait travailler sur la biodiversité dans la gastronomie – intéressant, non ?… et puis là, un office de tourisme qui envisage de labelliser sa station balnéaire en tourisme responsable. Parce qu’en cours de route, assez logiquement, j’ai créé une structure qui organise des salons professionnels dédiés au tourisme durable : Ecorismo ; ainsi qu’un label et une méthodologie pour avancer sur ce chemin : Biorismo, deux « marques » maison, donc.

2015 - FTC 1a

VA : Pourquoi vous être tourné exclusivement vers le Développement Durable ? Pourquoi n’agir qu’à travers cette approche respectueuse en refusant les dossiers dont l’objectif est économique, ou même culturel, mais sans prise en compte de la durabilité ?

PF : Cela s’est imposé à moi lors de la création de l’école de Savignac ; j’imaginais alors une « grande école à la campagne », idéale, et ai réalisé en me plongeant dans ce projet à quel point l’aménagement du territoire était une dimension essentielle d’un projet de ce genre. Dans le même temps, comme je réalisais des expertises internationales pour les Nations Unies, j’ai pu constater combien de (grosses !) bêtises avaient justement été faites en matière d’aménagement du territoire jusque-là. Dès lors, pour moi, il ne fut plus question de traiter quelque dossier que ce soit sans tenir compte des conséquences à terme.

J’étais si passionné par ce que j’explorais que le Programme des Nations Unies pour l’Environnement m’a demandé de venir faire une conférence à son siège, à Nairobi, sur l’importance de la prise en compte de l’environnement dans le développement touristique. Suite à cette conférence, le directeur du programme m’a fait remarquer qu’il n’existait aucun ouvrage sur le sujet, « Il faut absolument que tu l’écrives ! » m’a-t-il dit. Ce que j’ai fait. Et j’en ai écrit 18 autres depuis. De plus en plus pratiques et concrets pour être aussi efficace que possible (tous disponibles gratuitement sur le site, nda). Du genre : « Les casinos misent sur l’ergonomie »… Si vous saviez comme c’est pénible d’être croupier ! Ce guide là est entièrement dédié au bien-être du personnel touristique. Il existe de ce point de vue une équation simplissime qui est devenu mon cheval de bataille : 1 employé heureux = 1 client heureux = 1 actionnaire heureux. Cela peut paraitre simpliste, mais une fois mis en pratique, le bien-être des employés étant devenu une vraie priorité, voire LA priorité, tous les grands groupes qui nous suivent, d’Accor au Club Méd, savent que le calcul est juste.

Il commence là, le développement durable, par le respect et la sécurité de l’employé de base ; ce que je rappelle lorsque j’interviens dans des CAP de cuisine : « Si vous voulez moins d’accidents, utilisez des couteaux bien aiguisés, rien de pire qu’un couteau qui ne coupe pas ».

Philippe François en plein « prêche »…

VA : Avez-vous l’impression qu’au cours des vingt années écoulées, l’idée du Développement Durable a fait du chemin dans le tourisme ?

PF : Elle commence à faire son chemin. 20 ans après l’apparition des premiers labels, on en est encore au commencement, mais on a mis au point de remarquables boites à outils et organisé les process de manière réellement efficace, en s’inspirant des systèmes lean d’optimisation des années 80, ce qui fait qu’un hôtel par exemple est aujourd’hui tout à fait en mesure de fonctionner en étant parfaitement vertueux : économisant au maximum les ressources, recyclant ses déchets, s’approvisionnant localement, respectant son personnel, etc. Aujourd’hui, on sait faire Durable, aussi bien pour un géant comme Accor que pour le camping des 3 canards. Petit à petit, les stations touristiques, les investisseurs, les territoires sont de plus en plus convaincus d’intégrer le DD à leurs projets, même si je préfère, moi, parler de tourisme responsable plutôt que durable, la partie sociétale étant à mes yeux essentielle. D’ailleurs, des trois volets du tourisme responsable : l’économique, l’environnemental et le sociétal, c’est sur ce dernier que j’insiste toujours : « Quel place pour l’homme dans votre projet ?… Vous voulez créer un resort au nord d’Agadir, pas de problème, mais où allez-vous loger le personnel ?… les camps de caravanes plantés à 20km des établissements où travaillent les gens, ce n’est plus possible » (je pense à une station de ski, en France…). Cette primauté du sociétal et de l’humain est d’autant plus importante que nous vivons une époque où les gens sont de plus en plus stressés dans leur travail. Et qui va s’en soucier si ce n’est, d’abord, des acteurs comme nous dont c’est précisément le rôle ? Et lorsque les gens ont du mal à franchir le pas, imaginant que l’argent dépensé au service du personnel était gaspillé, je leur rappelle l’équation de base : « de nos jours, ce n’est plus le client qui est roi, mais l’employé car… 1 employé heureux = 1 client heureux =… etc. ».

Voyez également ce qui s’est passé en Tunisie, à une époque où travailler dans le tourisme comporte des risques mortels ; la sécurité – sous tous ses aspects – va devenir un enjeu capital pour les entreprises.

Un salon Ecorismo

VA : Et Ecorismo ? Ces forums et salons dédiés au tourisme durable que vous aviez lancés… Vous avez été obligé d’annuler la 8ième édition, à Nantes, en 2013. A cause de la crise ?

PF : En partie. Nantes était cette année-là « capitale européenne de l’environnement » et nous avait en conséquence demandé de monter un Ecorismo chez eux. Mais l’évènement « capitale européenne… » n’a pas rencontré la portée espérée, tant s’en faut, et il a fallu annuler. Le prochain salon Ecorismo aura finalement lieu au Canada, en 2017. Il faut plus d’un an pour monter un tel salon et chaque projet réclame tellement de temps… Et puis le monde bouge, il nous faut évoluer avec lui. A la demande des fournisseurs de l’économie verte en recherche de visibilité, Ecorismo est en train de devenir un label (en plus de salons) et le site Ecorismo sera la vitrine de tous ces fournisseurs : fabricants de cabanes en bois, de stylos en amidon de pomme de terre, etc. Un site sur lequel les acteurs du tourisme viendront faire leur marché. Alors, je sais, oui, les labels : il y en a déjà plein, trop disent certains… Mais personnellement, je n’ai rien contre, car à ce moment de notre évolution collective, ils sont autant de fils rouges tirant les gens vers le mieux, finalement moins important en eux-mêmes que par les améliorations qu’ils permettent à chacun d’effectuer… Le Moyen-Orient, aussi, voudrait bien son Ecorismo… mais on s’en occupe quand ?!… Je dois déjà me battre, au quotidien, auprès des écoles, pour faire évoluer les règles de base. On a ainsi parlé du couteau qui coupe, des croupiers, mais savez-vous ce qu’endure un barman de night-club ? les problèmes d’audition qui l’attendent ?… Et ces femmes de chambre qui portent toujours le linge humide sur la même épaule, à la longue… Tous ces problèmes de dos qu’on connait dans la profession ? On règle mille petits problèmes chaque année, partout et c’est très chronophage. Tiens, Courte-Paille vient de nous suivre sur le changement d’architecture de ses restaurants, ergonomie oblige : marches inutiles et revêtement de sol qui n’était absolument pas adapté aux semelles des serveurs. Cela parait fou dit comme ça, de ridicules détails, et pourtant, cela change… tout !

VA : Vous avez ouvert plusieurs bureaux à l’étranger : Tunisie, Maroc, Madagascar… En quoi est-il si important pour vous d’être présents à l’international ?

PF : Pour nous nourrir d’initiatives nouvelles, observer, découvrir, apprendre ! Relativiser et discerner la valeur des différents enjeux selon les cultures également. Nous avons organisé une conférence sur la parité homme-femme dans le tourisme en Tunisie, par exemple et c’était extrêmement instructif. La conception du développement durable et ses priorités varient selon le pays où vous vous trouvez ; nous avons actuellement divers projets en Russie, au Canada ou encore en Australie, pays pionnier en matière de DD mais qui, depuis quelques années, stagne. La Chine est également demandeuse, mais là, c’est plus difficile, tout y est tellement différent… Et puis, comme je le disais, on manque terriblement de temps. C’est d’autant plus dommage que travailler sur des challenges inhabituels représente souvent l’occasion de mettre au point de nouveaux outils ensuite utiles à tous…

VA : Avez-vous l’impression que le discours lié au DD rencontre plus facilement l’oreille de vos clients qu’il y a quelques années ?

PF : C’est évident. Mais, dans le même temps, l’époque a changé : tout le monde, aujourd’hui, veut des résultats quasi instantanés, que les solutions qu’on leur propose soient non seulement efficaces, mais quasi immédiates ! Or le DD avance lentement. Et puis, si l’ensemble de la profession est désormais sensibilisée, depuis la crise de 2009, les priorités ont évoluées et le nouveau site internet, directement lié à la commercialisation, passera toujours avant la durabilité. Seuls les acteurs qui marchent bien économiquement, comme le Puy du Fou par exemple, ont incorporé le DD au cœur même de leur stratégie de croissance.

VA : En dépit des aléas et des difficultés inhérentes à votre position de pionnier, est-ce que porter des valeurs fortes, centrées sur l’humain et essayer d’en faire la règle commune vous aide, vous, personnellement, au quotidien, à affronter cette masse de travail ?

PF : Savoir que les commis de cuisine se coupent moins, que les serveurs portent des souliers adéquats et que les barmans entendent mieux m’aide un peu à m’endormir, oui, tout comme le fait d’œuvrer au service d’un tourisme responsable dont il est évident qu’il amène davantage de bonheur – pour tous ! Et c’est précisément pour cette raison qu’il est essentiel que les écoles s’en emparent dans leur enseignement, le plus tôt possible, dès le CAP, donc. Mais nombre de structures sont tellement rigides qu’il leur faut des années pour changer une seule ligne programme. C’est aussi pour cela, pour pouvoir plus facilement entrer dans les écoles, que toutes nos publications sont conçues sous un angle pédagogique, et téléchargeables gratuitement sur notre site ! C’est cela aussi la durabilité : cette économie de l’usage et du partage qui se met en place. Je crois beaucoup à cette économie collaborative de la gratuité. Elle réclame, certes, des règles et valeurs humaines fortes pour fonctionner, mais permet de créer de grandes choses, de manière non dévastatrice. D’évidence, il conviendrait de nos jours que chaque école hôtelière ou de tourisme soit elle-même labellisée durable !

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François Tourisme Consultants
http://www.francoistourismeconsultants.com/fr

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