Peut-on faire du tourisme durable à Dubaï ?
Ville nouvelle sortie du désert tel un bourgeon poussé à la pointe du golfe persique, Dubaï regarde en compas l’Iran, l’Irak et l’Arabie, laissant dans son dos le sultanat d’Oman pour mieux se projeter vers la mer. Elle qui fut d’abord une ville de pêcheurs de perles avant de devenir un célèbre port de marchandise est aujourd’hui prisée des touristes du monde entier au point d’en avoir fait un des piliers de son économie, portée par des buildings futuristes et des îles artificielles qui ont fait couler beaucoup d’encre. Et si la ville reste avant tout une destination « bling bling », la question des enjeux écologiques est aujourd’hui clairement posées avec d’ores et déjà quelques pionniers qui s’engagent dans des projets de tourisme durable.

Une ville pivot tournée vers le tourisme et les grands rendez-vous
En 2020, Dubaï aurait du accueillir l’Exposition Universelle. Comme toujours la ville avait fait les choses en grand, dépensé des milliards de dollars pour l’organisation de cette grande foire internationale, et comptait sur sa tenue pour attirer quelques 25 millions de touristes, elle qui en accueille déjà une moyenne de 16 millions chaque année. Mais la Covid est passé par là, la foire a finalement été reportée à l’automne 2021 et il faudra donc attendre des jours meilleurs pour que le monde entier se presse dans le cœur des Emirats arabes unis. Il reste toutefois possible d’organiser des Voyages Privés à Dubai. Depuis le 7 Juillet dernier, les touristes sont de nouveau autorisés à voyager dans la cité. Les autorités ont levé les restrictions et rouvert les frontières. La ville a été entièrement désinfectée à l’aide de drones et d’engins motorisés digne des derniers blockbusters. Alors, si 2020 ne sera pas l’année des 20 millions de visiteurs en écho aux objectifs du gouvernement, elle tentera envers et contre tout d’attirer un maximum de voyageurs, déterminée à jouer de ses charmes quitte à dévoiler une nouvelle image inattendue.

Ici tout est possible !
Ici, tout est possible, tel fut longtemps le slogan de cette ville futuriste où les buildings taquinent le ciel quand des presqu’îles artificielles dessinent des ronds dans l’eau voire recréent le monde dans une impressionnante scénographie architecturale. A l’heure de la Covid, il faut toutefois se résoudre à un possible aménagé, mais l’ensemble des plages publiques restent ouvertes, ainsi que les restaurants, une partie des parcs d’attraction, les impressionnants centre commerciaux, les nombreux musées et surtout la majorités des souks dont celui de Bur Dubaï où vous trouverez des produits d’Orient mais aussi de la soie indienne et des épices de toute l’Asie. Il est également toujours possible de faire des safaris dans le désert, de pratiquer le snowboard sur sable, les sauts en élastiques depuis les immeubles, de voler en montgolfière pour admirer le bouquet de tours dont Burj Khalifa, le plus grand gratte-ciel au monde qui culmine à plus de 800 mètres… Et puis, surtout, ne manquez pas la visite des quartiers populaires, à l’instar de Bastakya qui accueillis les premiers marchands perses de Bastak, mais aussi le district d’Al Fahidi, où vous retrouverez la vie traditionnelle du vieux Dubaï au milieu du XIXe siècle avec ses tours traditionnelles construites en pierre, teck, gypse, palmier et santal.

Et le tourisme durable alors ?
Il faut le reconnaitre, longtemps, la question écologique n’a pas fait partie des enjeux prioritaires des Dubaïotes. Au contraire, des projets titanesques comme le Palm Island, presqu’île artificielle en forme de palmier ou the World, archipel artificiel qui redessine notre mappemonde ont été vertement critiqués pour avoir bouleversé les écosystèmes locaux et coupé certains courants marins. Dubaï possède pourtant une biodiversité exceptionnelle, une infinité d’espèces d’animaux rares ou en voie d’extinction comme le léopard sans compter que les Emirats Arabes Unis sont également le refuge de nombreuses colonies d’oiseaux migrateurs. En outre, si le monde entier se côtoie aujourd’hui dans la ville, les jeunes dubaïotes, souvent d’origine nomades, commencent à prendre conscience des enjeux écologiques et de développement durable. De nombreux projets sont en cours. Dubaï s’est notamment lancé dans une ambitieuse politique de développement de l’énergie solaire et comme la ville ne fait rien dans la mesure, elle développe depuis quelques années la plus grande centrale solaire au monde, un pharaonique projet photovoltaïque baptisé Mohammed Ben Rached Al-Maktoum qui va générer 5.000 MW de puissance.

Par ailleurs, le Ministre d’Etat aux Affaires étrangères a créé une zone maritime protégée dans l’île de Qarnein, ce qui en fait la première réserve de ce genre dans le Golfe arabe avec notamment pour but de protéger la pêche de perles mais aussi les tortues carets qui font leurs nids sur les plages de l’île. Un projet de réhabilitation de tortues est également en cours depuis 2004 au sein de plusieurs hôtels dont le Burj Al Arb, en collaboration avec la Dubaï Wildlife. Depuis, près de 2 000 tortues ont été soignés puis relâchées en mer. L’hôtel Jumeirah Al Naseem en a même fait une animation locale et tous les mercredi matin, accueille des familles pour qu’ils assistent à l’alimentation des tortues. Sur place, les guides locaux expliquent le programme de réhabilitation des tortues. Il faut dire que la biodiversité est un véritable trésor. Les eaux de la ville abritent de nombreuses espèces de poissons tropicaux dont des mérous et des barracudas.
Enfin, la politique touristique durable de l’Emirat est aujourd’hui tracée et affirmée au sein d’une branche du ministère du tourisme que l’on retrouve sur le site de Dubaï Sustainable Tourism. L’organisme organise notamment les Green Tourism Award de Dubaï Tourism visant à distinguer les offres vertes et engagées. Platinium Heritage a ainsi remporté en 2019 le dernier trophée, montrant que certains organisateurs de safari commencent à s’engager. Platinium Heritage avait d’ailleurs déjà remportée en 2018 le prix du développement durable et de la RSE du Golfe pour le meilleur programme d’éducation au développement durable. Elle veille à ce qu’aucun de ses safaris n’inclut de passage dans les dunes, ce qui est très dommageable pour le désert. Elle s’est également fait un devoir de sensibiliser les clients et l’industrie aux dommages causés par l’abattage des dunes. Elle privilégie les énergies renouvelables pour tous ses équipements (solaires principalement), conçoit des camps qui utilisent la gravité pour réduire les besoins en énergie, privilégie la reconstruction de vieux véhicules puisque 30 à 40% des émissions de GES proviennent de la fabrication de Landcruisers et Hummers habituellement remplacés tous les cinq ans. Enfin, elle a déjà mobilisé près de 150 000 touristes d’outre-mer, résidents locaux, entreprises locales et écoles à travers ses programmes éducatifs visant aussi à faire connaitre les traditions et les coutumes locales du patrimoine culturel émirati. Qui a dit qu’il n’était pas possible de faire du tourisme durable à Dubaï ?
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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