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L’extension de l’aéroport Marseille Provence mis à mal par une nouvelle étude

| Publié le 13 avril 2023
Thèmatique :  Territoire 
             

Faut-il imaginer notre monde avec encore et toujours plus d’aéroports, plus d’avions, plus de vols, plus d’arrivées pour plus de croissance et donc plus de consommation ? Jusqu’où ? Et d’ailleurs, plus de béton, plus de vols, plus d’arrivées sont-ils systématiquement des gages de croissance de développement économique des territoires ? Pas forcément. Une nouvelle étude « Analyse des agencements marchands entre transport aérien et tourisme » révélée mercredi 12 avril par le réseau des luttes pour la réduction du trafic aérien (Aviactions), la SCIC Les oiseaux de passage, le réseau Rester sur Terre et le collectif Stop Extension Marseille Provence, démontre qu’au-delà de la question de fond sur la croissance que nous souhaitons pour demain, l’argumentation des retombées socio-économiques visant à justifier l’extension des aéroports est largement surestimée…

Marseille © DR

Marseille Provence un projet qui avance à marche forcée…

L’aéroport de Marseille Provence est un aéroport détenu par l’état français, les collectivités locales et chambre de commerce de Marseille. Le projet original d’extension visait à réaménager et construire un nouveau bâtiment de 22 000 m² sur le Terminal 1, suivi d’une seconde phase devant se concrétiser par la construction d’une jetée (capacité d’accostage de 8 avions) en vue d’accroître les vols et donc la fréquentation. Présentée en novembre 2019, l’enquête publique a évalué le financement de la phase 1 à 160 millions d’euros, 250 millions d’euros pour la phase 2. Depuis 2020, le collectif « Stop extension aéroport Marseille-Provence » s’oppose au projet d’agrandissement du terminal 1. Toutefois, malgré la forte mobilisation citoyenne et des avis opposés à ce projet, le préfet a signé l’autorisation du permis de construire ; refusé un premier recours gracieux en février 2021, puis ignoré un recours contentieux déposé en juillet 2021 par le réseau « Rester sur Terre » en lien avec toutes les associations.

Courant 2021, les travaux ont donc débuté sans prise en compte du recours contentieux, dont la date d’audience devrait tomber sous peu. Objectif : achever l’aéroport d’ici 2024 afin d’accueillir les visiteurs des JO avec force aménagement de nouveaux espaces commerciaux (sous le motif d’une mise aux normes…). Autre objectif poursuivi : augmenter le trafic aérien afin, qu’à terme d’ici 2045, l’aéroport puisse accueillir 14 millions de passagers par an (à noter qu’en 2019, dernière année record, il avait accueilli 10 millions de passagers). Une extension également justifiée par les retombées économiques engendrées pour l’ensemble des collectivités, partenaires principales du projet. Lasses de combattre des adversaires qui ne veulent rien entendre, lasses aussi de voir que les recours juridiques ont été ignorées, les associations viennent donc de dévoiler l’étude « aviation et tourisme : des liaisons dangereuses ? » pour démontrer que l’argumentation sur laquelle est basée ce projet ne tient pas. Concrètement, contrairement à l’enquête publique  qui évoquait des retombées économiques estimées à 5,5 milliards d’euros d’ici 2045, l’étude pointe donc un manque à gagner de  4 milliards d’euros d’ici 2045, liés aux départs des résidents marseillais et alentours qui s’envolent vers d’autres territoires, soit au final, -3,5 milliards d’euros d’ici 2045.

« Aviation et tourisme : des liaisons dangereuses ? »

Menée par quatre universitaires, les sociologues Saskia Cousin et Prosper Wanner, l’économiste Gilles Caire et la doctorante en anthropologie Garance Bazin, en lien avec l’expertise des collectifs locaux opposés à l’aéroport, cette étude d’impact a donc démontré combien les retombées socio-économiques des projets d’extension d’aéroports partout en France sont surévaluées. Prosper Wanner: « Le premier enseignement de ce travail est que les études d’impacts socio-économiques visant à justifier les projets d’extension d’aéroport présentent de nombreux biais. La nouvelle méthode de calcul proposée dans cette étude démontre que les retombées économiques pour le territoire sont largement surestimées : Non seulement les voyageurs quittant le territoire ne sont pas pris en compte, mais les impacts environnementaux associés aux vols ne sont pas monétisés.

Selon Gilles Caire, économiste et co-auteur du rapport : « en considérant tous les biais, l’extension de l’aéroport de Marseille-Provence se retrouverait déficitaire de 3,5 milliards d’euros d’ici 2045, très loin des calculs de l’étude d’impact utilisée pour justifier le projet ». Il ajoute : « Le second enseignement de cette étude est la concentration géographique et sociale générée par le tourisme aérien. Celui-ci tend à favoriser une offre touristique haut de gamme (hôtels 4 et 5 étoiles, restaurants gastronomiques…) qui s’adresse à une clientèle privilégiée au détriment de clientèles moins aisées. Par ailleurs, les retombées économiques du tourisme aérien sont concentrées dans les grandes villes et ne bénéficient pas à l’ensemble du territoire. L’étude a comparé cette stratégie touristique avec celle de la région Occitanie, qui propose aux habitants de découvrir leur région en train à moindre frais (ex : billet de TER à 1 euro, un dimanche par mois). Ce type de politique a permis à un plus large public d’accéder aux vacances et aux loisirs, tout en répartissant les flux touristiques sur l’ensemble du territoire. »

Et demain toujours plus d’aéroports, de vols, de passagers, de CO2 ?

Cette nouvelle étude nous interroge donc sur le modèle de société que nous voulons pour demain. Elle rappelle notamment que l’avion représente 12% des arrivées de touristes en France pour 40% des émissions de GES du secteur du tourisme ; que 10% des voyageurs effectuent 60% des kilomètres parcourus en avion. Elle évoque aussi la concentration des flux touristiques vers les grandes villes : 4 passagers sur 5 concentrent leurs séjours dans 14 communes (dont 50% à Marseille). Une concentration géographique forcément nuisible au développement de l’ensemble du territoire. Entre outre, sectoriellement, l’aérien valorise une clientèle internationale qui aura plus facilement recours à un tourisme marchand (70% des visiteurs internationaux) et reportera aussi plus vers le haut de gamme (60% des nuitées de ces mêmes visiteurs), ce qui tend les villes à pousser l’hôtellerie haut de gamme au détriment d’offres plus accessibles.

Concrètement, à Marseille, la part des hébergements de luxe a augmenté de 25% en dix ans (la plus grosse progression des villes françaises) au détriment des hôtels 1 étoile (plus que 100 lits contre 2 400 en 4 étoiles), une véritable stratégie de montée en gamme menée par une ville qui a aussi multiplié les salons et autres évènements internationaux oubliant que Marseille, ce sont aussi des étudiants qui cherchent à se loger, des  migrants Algériens (10% des arrivées !) qui reçoivent la visite de leur famille, des apprentis venus se former et bien d’autres encore… Sur le fond, cette étude nous interroge aussi sur les politiques publiques que nous sommes prêts (ou pas) à soutenir, quand le sens de l’histoire n’est pas forcément aussi évident que certains veulent bien nous le laisser croi(t)re….

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Lien vers l’étude : https://lesoiseauxdepassage.coop/blog/3041-aviation-et-tourisme-des-liaisons-dangereuses

Bilan des émissions de gaz à effet de serre du secteur du tourisme en France https://librairie.ademe.fr/changement-climatique-et-energie/4688-bilan-des-emissions-de-gaz-a-effet-de- serre-du-secteur-du-tourisme-en-france.html


L’extension de l’aéroport Marseille Provence mis à mal par une nouvelle étude | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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