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Travailler en voyageant : portraits de nomades digitaux

| Publié le 22 juin 2021
             

Il est difficile d’évaluer le nombre de nomades digitaux dans le monde, le nomadisme digital n’étant pas un métier mais un mode de vie. Cependant, selon une étude britannique (1), le nombre de personnes utilisant des espaces de coworking sur la planète représentait un million de personnes en 2017 et devrait dépasser les cinq millions en 2022. Qui sont-ils ? Que font-ils ? Comment vivent-ils et que disent-ils de leur mode de vie ? Réponses à travers plusieurs portraits de nomades. 

Dossier : Travailler en voyageant, le nomadisme digital ou workation - Portraits de nomades
Stan Mulot à Goa fin 2020 © Stan Mulot

Les inventeurs du nomadisme digital

Avant que le nomadisme digital devienne un mode de vie à la mode, il a bien fallu que quelques illuminés visionnaires montrent le chemin. C’est en 1997 que le terme « digital nomad » fait son entrée sur la scène mondiale comme titre d’un livre publié chez le célèbre éditeur américain Wiley. Les auteurs visionnaires, Tsugio Makimoto et David Manners, développent le fait que les nouvelles technologies combinées avec notre besoin naturel de bouger nous permettront dans un futur très proche de vivre, de travailler et d’exister tout en voyageant. Une vision qui se révèle de plus en plus vraie au fil des années et que l’Américain Tim Ferriss renforce et concrétise en publiant en 2007 le best-seller La Semaine de 4 heures dans lequel le lecteur découvre ce qu’il doit faire pour travailler moins, gagner plus et vivre mieux

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Couverture du livre visionnaire, Digital Nomad

Des chiffres et un type de profil

Quatorze années et une pandémie plus tard, le nomadisme digital n’est plus un concept mais un mode de vie que, selon l’étude de l’organisme britannique Free Office Finder, près de 4 millions de personnes auraient adopté de part le monde en 2020. Parmi eux, les Français sont encore très peu nombreux comparés aux Anglo-saxons. « Les chiffres sont difficiles à établir car il n’existe pas de recensement officiel – du type INSEE -, les nomades digitaux n’ayant pas de statut. Ceci dit, pour mes travaux de recherche, j’ai balayé les 100 premiers groupes Facebook de digital nomads en terme de nombre de membres et il n’y en a pas un qui soit français« , constate Clément Marinos, maître de conférence à l’université de Bretagne-Sud et spécialiste des tiers lieux et du nomadisme numérique en France. Bien qu’il soit ardu d’établir le nombre de nomades digitaux, ces derniers présentent de nombreux points communs : la jeunesse – ils ont en majorité entre 25 et 35 ans -, la curiosité du voyage et des autres, ainsi que des métiers tels qu’entrepreneurs web, free-lances ou employés en télétravail

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Lac de Tobavarchkhili en Géorgie © Domaine public

La soif de voyage et de liberté

« Je suis nomade digitale depuis 4 ans, j’ai choisi ce mode de vie parce que j’avais envie de voyager et parce que j’avais cette peur de rester enfermée quelque part« , commence Marie Grunewald, 30 ans, fondatrice et responsable de l’agence de voyage Just Boarded. Enregistrée au Royaume-Uni, son agence propose des itinéraires d’aventures responsables dans différents pays. « Je ne travaille qu’en ligne, comme ça je suis libre », explique-t-elle. Quant aux destinations, elle les choisit en fonction de son activité : « Les itinéraires que je crée sont uniquement des circuits que j’ai testés auparavant. Je me demande quelles destinations pourraient intéresser les gens et ensuite j’y vais, je regarde aussi en fonction des visas, du climat, des destinations où je ne suis jamais allée et qui ont aussi une mauvaise image car, pratiquement tout le temps, sur place, ce n’est pas du tout ça », poursuit-elle en donnant les exemples du Brésil où elle est restée plusieurs fois quelques mois d’affilée ou encore de la Géorgie.

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Marie Grunewald © Marie Grunewald

Pour Mathieu Ibanez, 30 ans, c’est aussi le besoin de liberté qui l’a poussé sur les voies du nomadisme digital : « Je suis nomade digital depuis 2018. Ce mode de vie est la meilleure manière d’avoir le plus de liberté possible. J’ai commencé en tant que free-lance comme monteur vidéo, je suis maintenant coach et formateur pour aider les férus de liberté à devenir aussi des nomades digitaux« . C’est surtout sur les chemins d’Asie, un continent qu’il adore, que la soif de voyage a conduit Mathieu. « J’ai vécu en Malaisie, à Singapour, en Thaïlande, en Indonésie, en Australie et je vis actuellement à Budapest à cause de la crise sanitaire », poursuit-il. 

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Mathieu Ibanez © Mathieu Ibanez

La crise sanitaire, frein ou moteur des nomades ? 

A propos, la pandémie a sérieusement entravé la liberté de voyager depuis le début de l’année 2020 : fermeture des frontières, mesures sanitaires, confinements et autres n’ont pas contribué à développer le nomadisme digital… En tout cas, pour ceux dont les choix de destinations ont fait l’objet de mesures drastiques. Comme Mathieu, certains se sont reportés sur des endroits plus proches et plus ouverts en Europe, d’autres ont gardé le même mode de vie mais en France, près de chez eux – ou de leurs proches – ou en explorant l’hexagone. Enfin, certains nomades digitaux se sont même lancés dans l’aventure malgré les circonstances anxiogènes qui ont marqué le début de l’année 2020. « J’ai commencé à voyager au début du coronavirus en février 2020, donc je n’ai pas eu d’autre choix que celui de m’adapter », raconte Stan Mulot, 28 ans, rédacteur et formateur web. « La pandémie m’a donné l’opportunité d’avoir plus de temps et de pouvoir proposer mes services d’abord en bénévolat, puis, finalement j’ai décroché un premier contrat de rédacteur pour me faire la main », poursuit Stan avant de raconter être passé d’Inde au Népal avant le deuxième confinement. « J’ai de nouveau eu du temps, j’ai pu créer une branche formation et avoir mes premiers élèves », ajoute-t-il. Avant d’insister sur le fait que malgré les situations sanitaires, travailler en ligne lui a permis de se diversifier et de mettre à profit le temps disponible

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Budapest Budapest © Domaine public

La liberté de bouger, de gérer son temps et son travail…

Sans arriver jusqu’à la situation un tantinet ambitieuse et peut-être illusoire de la semaine de 4 heures de Tim Ferriss, la libre gestion de son temps est un des avantages que pointent la majorité des nomades digitaux. « Le fait de pouvoir avoir mon propre agenda, c’est hyper positif pour moi, si je veux, je peux rester plus longtemps que prévu dans une destination », explique Marie pour qui il est important de ne pas être dans un lieu en touriste : « Je suis là pour voir comment les gens vivent, apprendre la langue, connaître les habitudes, la culture, et aussi prendre le rythme de vie du pays ». Pour Stan et Mathieu, c’est la notion de liberté qui revient à toutes les sauces quand ils énumèrent les avantages du mode de vie de nomade digital : la liberté géographique, celle d’organiser son temps, son travail etc… 

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Couverture du best seller La semaine de 4 jours

Les prix de la liberté : l’éloignement, le manque de motivation…

Cependant, tout n’est pas rose dans la vie d’un nomade digital, et il s’agit aussi d’un mode de vie qui ne peut bien sûr pas convenir à chacun d’entre nous. « On a personne derrière soi pour regarder si on fait bien son travail, il faut être très discipliné. Des fois, on est dans des destinations paradisiaques et on n’a qu’une envie : en profiter !« , révèle Marie. Pour Mathieu, les inconvénients sont principalement d’ordre social : « Que ce soit vis-à-vis de nos proches ou de nos rencontres à l’étranger, notre style de vie nous contraint à une vie assez solitaire« .  Marie va plus loin en remarquant que la création de relations est compliquée : « Quand on arrive dans un nouveau pays, on rencontre des gens, on s’imprègne de la culture puis au bout de trois mois on abandonne tout ça, on part ailleurs et on doit tout recommencer à zéro », analyse-t-elle. Plus pragmatique, Stan se plaint d’avoir à dépendre d’un foyer fiscal français, qualifiant le système des impôts de « difficile ». 

Les limites et l’avenir du nomadisme digital

« On est aussi dépendants du wifi, on ne peut pas aller n’importe où », enchaîne Marie dans la série des inconvénients de la vie nomade digitale. Elle attire aussi l’attention sur le fait qu’il s’agit d’un mode de vie qui est encore peu connu du grand public : « Ma famille a mis longtemps à comprendre ce que je faisais. J’entendais souvent : « tu es tout le temps à la maison donc tu ne travailles pas ». Il y a aussi des voyageurs qui essaient de nous entrainer dans des activités, qui me disent que je travaille tout le temps. Ils ne comprennent pas qu’on n’est pas en vacances« . Mathieu, lui, estime que ce n’est que le début de l’aventure du nomadisme digital : « Je dirais que 90% des gens ne connaissent pas ce style de vie. Il ne s’est pas encore démocratisé. Mais dans quelques années, ce sera « normal » pour beaucoup« . Nos trois nomades prédisent au nomadisme numérique un avenir radieux. « Pour le moment, on n’est pas en mesure de définir ou de voir apparaître des limites tellement c’est novateur et dans la mouvance actuelle », conclut Stan tandis que Mathieu met en garde sur l’aspect écologique : « Les limites vont surtout se jouer écologiquement, un nomade digital doit faire attention à ses déplacements pour respecter l’environnement« . 

(1) Free Office Finder


Travailler en voyageant : portraits de nomades digitaux | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Elisabeth Blanchet
Ancienne prof de maths, je me suis reconvertie dans le photo journalisme en 2003 à Londres où je vivais. J’ai travaillé pour différents magazines dont Time Out London et j’ai développé des projets à longs termes dont un sujet les préfabriqués d’après-guerre, une véritable obsession qui perdure, les Irish Travellers -nomades Irlandais- dans le monde, les orphelins de Ceausescu - je suis des jeunes qui ont grandi dans les orphelinats du dictateur depuis 25 ans -. Je voyage beaucoup et j’adore raconter des histoires en photo, avec des mots, en filmant, en enregistrant… Des histoires de lieux, de découvertes mais surtout de gens. Destinations de cœur : Royaume-Uni, Irlande, Laponie, Russie, Etats-Unis, Balkans, Irlande, Lewis & Harris Coup de cœur tourisme responsable : Caravan, le Tiny House Hotel de Portland, Oregon – Mon livre de voyage : L’Usage du Monde de Nicolas Bouvier – Le livre que je ne prends jamais en voyage : L’oeuvre complète de Proust à cause du poids – Une petite phrase qui parle à mon cœur de voyageur : « Home is where you park it »
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