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Respire : le tourisme de demain

| Publié le 9 août 2021
Thèmatique :  Portrait 
             

Au départ, Fabio Casilli*, le fondateur de l’association « Respire, le Tourisme de demain » n’avait qu’une envie : vivre, respirer et… agir pour le tourisme de demain. Ils étaient 5 à partager son élan le 5 mars 2020, 500 un mois plus tard et sont des milliers aujourd’hui ; de l’étudiant-stagiaire au pdg. Retour sur un « état d’âme » définitivement en prise avec les attentes de l’époque…

Mathilde Debarre et Fabio Casilli à l’évènement des Respirations Durables (Paris, Juillet 2021)

Voyageons Autrement : De quel constat, quel élan personnel est né, il y a un an, l’association Respire ?

Fabio Casilli : Respire, Le tourisme de demain est né d’un état d’âme. C’était le premier week-end du premier confinement et, d’un coup, j’ai ressenti un gros coup de mou. Qu’est-ce qu’on va devenir ? me suis-je demandé. Comment le tourisme va-t-il supporter cela ? Et comment redémarrer ensuite ?… Comme je suis d’un naturel plutôt optimiste, je ne me suis pas démonté. C’était finalement une bonne chose de se poser ces questions. Restait juste à y apporter des réponses. J’ai appelé quelques copains et leur ai dit : « Nous voici tous au chômage technique. Pourquoi ne pas en profiter pour préparer notre retour ? Nous allons forcément redémarrer. Et certainement de manière différente. Alors, comment ? » Cette crise sanitaire nous a certes privé de beaucoup de choses, mais au moins nous a-t-elle donné du temps pour réfléchir à l’avenir. Et je n’étais pas le seul à penser que c’était indispensable. Car si ce 5 mars 2020, nous étions juste 5, un mois plus tard, nous étions 500 et deux mois après, en mai, l’association « Respire, le tourisme de demain » était créée.

Quel est son but et comment se propose-t-elle, concrètement, d’y parvenir ?

FC : Dès le départ nous avons tous été d’accord pour dire qu’il était indispensable de redémarrer, bien sûr, mais autrement. Nous nous sommes mis à réfléchir aux différents enjeux et problématiques qui se posaient : la mobilité à reconsidérer, l’inclusivité à étendre, l’émergence d’une certaine touristophobie forcément significative… des groupes de réflexion, puis des commissions, se sont créés pour savoir comment introduire un tourisme à la fois plus vertueux et répondant mieux aux attentes des consommateurs, notamment en termes de responsabilité. Prenant en compte ces diverses questions et y réfléchissant, nous sommes parvenus à un certain nombre de préconisations et de réponses.

Quelle est la part et l’importance d’un tourisme plus responsable dans ce projet ?

FC : Une part qui prend pratiquement toute la place. En réalité, nous en sommes arrivés à un point où il est impossible de faire autrement : il faut aujourd’hui mettre en place un tourisme plus conscient de la situation globale et la prenant en compte.

De quelle manière votre idée a-t-elle été accueillie et supportée par le milieu du tourisme ?

FC : L’idée a été si bien accueillie qu’en l’espace de quelques mois nous sommes passés de 0 à 13000 personnes nous suivant sur les réseaux sociaux. Pas seulement en France, mais dans différents pays. Je pense que j’ai juste été le déclencheur intervenant au bon moment ; j’ai dit tout haut ce que tout le monde ou presque pensait en lui-même. D’où l’effet boule de neige. Et ce qui me fait le plus plaisir dans cette affaire, c’est de voir comment les gens revendiquent leur appartenance à notre mouvement. Ils se le sont appropriés et en sont fiers. Qui sont-ils ?… C’est là l’autre petit miracle de Respire. Le mouvement étant à la fois horizontal : tous les métiers y étant représentés : agents de voyage, Tours Opérateurs, guides, offices de tourisme, prestataires, étudiants… ET vertical : nos adhérents sont stagiaire comme employé, directeur ou pdg. Nous avons même créé une section étudiant pour mieux nous ancrer dans le futur en associant à nos travaux ceux qui auront à le prendre en charge. 

les premières « Respirations durables » en juillet

Un an, c’est peu, mais avez-vous déjà des éléments de bilan encourageants concernant vos actions ?

FC : C’est peu en effet mais nous avons néanmoins un certain nombre d’éléments permettant de penser que l’on est sur le bon chemin. L’idée au départ n’était ni de créer une association ni de la voir grandir, mais simplement de partager un point de vue. De fait, nombre de personnes s’y sont reconnues et l’initiative a pris un chemin inattendu. Dès le mois de novembre, nous sortions un livre blanc, fruit du travail d’une centaine de personnes : agents de voyage, réceptifs, créateurs de start-up touristique… Son sujet : comment mettre en place ce nouveau tourisme. Puis, en avril dernier, nous avons organisé les premiers Etats Généraux du tourisme de l’après-covid. Enfin, en juillet, nous avons organisé durant 5 jours dans deux tiers-lieux nos « Respirations durables », premier évènement touristique de l’après-covid organisé en présentiel. A cette époque de l’année, on n’a pas été débordé par les foules, mais le but était autre et fut atteint : la qualité et l’ambiance étaient présentes ; les gens heureux de se retrouver. Et il circulait une belle énergie, très prometteuse. Le public, auquel l’évènement était ouvert, a été très satisfait de pouvoir s’exprimer et d’être entendu par les professionnels.

En partenariat avec l’école supérieure de tourisme de Paris (EFHT), vous avez également mis en place une formation pour les professionnels. Quel est son but et quand ouvrira-t-elle ?

FC : La première promotion s’est terminée en juillet. Cette formation nous a été demandée par l’école dans le but d’aider les professionnels à se repositionner en tenant compte des nouvelles tendances du tourisme. Un exemple simple : alors qu’il y a 1 an et demi encore, les conditions sanitaires étaient un facteur mineur pour nous (entre la 15ième et la vingtième place dans les préoccupations du client), il y occupe désormais la première place ! Et en réalité, beaucoup de choses ont changé ; la formation permettant d’accompagner les pros dans cette transformation : nouveaux besoins et nouveaux usages, nouveaux produits, nouveaux services, nouvelles technologies… une « mise à jour » de circonstance indispensable.

Quels rapports entretenez-vous avec l’ATES, l’ATR et les autres associations. Ne faites-vous pas un peu doublon ?

FC : Absolument pas. Tout d’abord parce que nous ne faisons pas la même chose. Eux, ont un discours de fond et depuis longtemps. Ils se sont par ailleurs clairement positionnés sur un modèle fait de critères et de certifications. Nous, nous sommes juste des acteurs, gens de terrain ayant reçus un choc violent et ayant alors compris qu’il fallait absolument évoluer. Alors nous le faisons, à notre façon, en faisant bouger nos pratiques et notre quotidien. Cela dit, nous entretenons de très bons termes avec ces structures. Julien Buot, par exemple, le directeur de l’ATR, est passé à nos journées. Aussi voyons-nous davantage de la complémentarité que de la compétition entre nous et nous serons d’évidence amenés à travailler ensemble par la suite. Leurs travaux ont bien sûr nourri nos réflexions et je pense qu’à notre tour, nous permettons que ces structures soient davantage mises en lumière.

Respire est souvent associée à l’expression « le tourisme de demain ». Vous le voyez comment, vous, ce tourisme de demain, sans fantasmer ni rêver trop fort ?

Ensemble, respirer… et agir

FC : De fait : « Respire, le tourisme de demain » est le nom complet de l’association : deux éléments indissociables. Personnellement je souhaite – et je pense que – l’on se dirige vers une certaine désindustrialisation du tourisme. Ce secteur d’activité a connu ces dernières décennies une course folle à l’industrialisation, à la profitabilité. Jusqu’à en arriver à nier sa vocation initiale : satisfaire les gens en leur offrant le voyage de leurs rêves. Au lieu de quoi, pour vendre davantage, on leur a imposé des solutions moins chères, plus pratiques, etc. On en est arrivé à marcher sur la tête. Je souhaite donc juste que l’on effectue un tout petit pas en arrière et que dans le tourisme comme cela se passe partout ailleurs dans l’économie, le client revienne au centre des préoccupations. Cela implique forcément de faire évoluer notre modèle économique. Vers davantage de petites structures, sans doute plus spécialisées et en tous cas plus à l’écoute du client et de ses besoins en constante évolution qui génèrent autant de nouvelles niches. Il nous faut surtout parvenir à équilibrer les aspects humains et numériques du métier ; sachant qu’à l’heure où tout le monde propose pratiquement la même chose, c’est souvent la dimension humaine qui fait la différence. Tirons en les conclusions qui s’imposent…

Vous avez un parcours quelque peu atypique. Votre carburant principal ?… les idées ! Quelles furent les meilleures – et les pires ! – que vous ayez eues ?

FC : Les fausses bonnes idées sont souvent des idées qui n’ont pas été proposées au bon moment. Je me souviens ainsi que lorsque je dirigeai une marque dédiée à l’Italie, j’ai fait du forcing pour que nos agences adoptent en leur sein des « comptoirs », sorte de petits corners où étaient proposé de l’huile d’olive, des pâtes et autres produits locaux. J’avais l’espoir d’attirer de la sorte de nouveaux clients. Non seulement l’idée fut fort mal accueillie par le personnel, mais elle se révéla être un bide. Lorsqu’en revanche j’ai créé le premier forfait associé à une représentation à l’opéra : scala de Milan, arènes de Vérone, etc. cela a si bien marché que l’année suivante, la plupart des gros tours opérateurs me copiaient !

Oui, comme le disait Victor Hugo : « Rien n’arrête une idée dont l’heure est venue ». Avec la création de Respire, vous avez de nouveau été parfaitement synchrone avec l’esprit du temps. De quoi finalement n’avons-nous pas parlé qui soit important pour vous ?

FC : L’Humain ! On ne doit jamais oublier que si le tourisme est un marché, c’est avant tout une activité centrée sur des femmes et des hommes à qui l’on propose quelque chose. « J’ai fait 250 pax sur le Pérou ». « Moi, j’en ai fait 150 »… Quelle ignominie ! Même si le mot à l’avantage d’être compris à l’international, conservons un peu de dignité ; c’est d’êtres humains que nous parlons. Et je peux vous assurer que dans notre secteur d’activité, de plus en plus de professionnels prennent conscience qu’une des priorités est de remettre de l’humanité dans la machine. Assez de ces professionnels qui assurent qu’ils font de leur mieux pour améliorer « l’expérience client »… mais les gens ne sont pas des concepts ! Ce sont de vrais humains auxquels il faut s’intéresser en tant que tels, non en tant que « facteur » ou « donnée ». Ré-humaniser notre profession, telle est la grande priorité.

Fabio Casilli président fondateur de l'association Respire
Fabio Casilli

* Fabio Casilli est, entre autres, chargé de mission chez IFTM TopRésa…


Respire : le tourisme de demain | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Jerome Bourgine
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2 réponses à Respire : le tourisme de demain

  1. Genevieve Lovie a commenté:

    Extrêmement intéressant.

  2. NGUYEN VAN THAI a commenté:

    Bravo Fabio! Tu as parfaitement résumé la feuille de route à faire pour le tourisme de demain plus durable

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