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Science-fiction : vers de nouveaux imaginaires pour un autre tourisme

| Publié le 23 octobre 2023
             

Si je vous dis science-fiction, vous serez nombreux à penser à … Star Wars, cette épopée intergalactique qui se déroule dans une galaxie fictive, opposant les forces du bien, les Jedi, à celles du mal, les Sith. Matrix, Retour vers le futur, Blade Runner, …, c’est vrai qu’en voyant ces cartons du box-office misant sur la fiction, difficile de se projeter « dans la vraie vie ». Quand on regarde bien, hormis la présence de robots/machines et la possibilité de voyager dans le temps et l’espace, ces films ne montrent pas trop ce qu’il se passerait demain, notamment en termes de ressources.

Alors ! Et si la science-fiction nous aidait à créer de nouveaux imaginaires pour penser un autre tourisme ? Je suis ravie d’avoir échangé avec Gabriel Malek, fondateur d’Alter-Kapitae qui prône la décroissance prospère. Outre les contenus de qualité postés par Gabriel, il a le don d’ouvrir nos œillères sur ce que pourrait être la décroissance – prospère en utilisant l’univers des mangas et animés.

Princesse Mononoké de Miyazaki

Manga et écologie pirate

Vous connaissez One Piece, la série animée la plus vendue au monde ? Le topo : des pirates aspirant à la liberté et l’aventure. Et bien, cette fiction a inspiré l’essai « Pour une écologie pirate » de Fatima Ouassak qui traite des luttes écologiques en milieu populaire. En effet, les mangas et animés ont tous en commun : la liberté et l’aventure. L’imagination et la créativité que demandent ces fictions nous embarquent dans un autre univers, plus joyeux et solidaire. Exemple avec Princesse Mononoké de Miyazaki (mon préféré), merci à Gabriel, car en le re (re-re-re-re) gardant avec une lecture plus « alternative », et bien j’y ai découvert une histoire éco-féministe (je ne vous refais pas le film mais regardez-le avec cette grille d’analyse). Cette liberté et quête d’aventure par les mangas nous fait voyager de manière plus altruiste (et pas besoin de prendre l’avion pour ça). Aussi, voici quelques apports des mangas dans les nouveaux imaginaires :

  • Sensibilisation : certains mangas abordent explicitement des problèmes environnementaux tels que la déforestation, la pollution, le changement climatique, la conservation de la biodiversité, la surconsommation, etc.
  • Réflexion sur l’avenir : les mangas de science-fiction et de fantasy peuvent explorer des mondes futurs où l’humanité doit faire face aux conséquences écologiques de ses actions.
  • Nature et spiritualité : en particulier ceux qui s’inspirent de la culture japonaise, peuvent mettre en avant des thèmes de respect de la nature, de l’harmonie avec l’environnement et de la spiritualité liée à la nature. Ils célèbrent souvent la beauté et la valeur de la nature et des gens traumatisés par la bombe atomique bien présent dans les animés de Miyazaki).
  • Écologie fantastique : les œuvres peuvent mettre en avant des relations complexes entre les personnages et l’environnement, renforçant ainsi l’idée de respect de la nature.

Les mangas nous offrent ainsi des émotions sur un plateau !! Liberté, naturalité, aventure et découverte de nouveaux univers et pour tous. D’ailleurs ça inspire la recherche, des travaux sont en cours sur le lien entre Fullmetal Alchimist et Kant ou encore le lien entre écologie, décroissance et planète Mars. Pour ma part, j’aime beaucoup le Disney Wall-E (ce robot est vraiment trop mignon) qui souligne les dérives de la société de consommation et l’habitabilité sur Terre.

Le Disney Wall-E

Colonisation des imaginaires par la pub

Revenons à nos moutons… On entend souvent dire qu’il faut créer de nouveaux imaginaires liés à la transition, car le quinoa, les toilettes sèches ne sont pas très sexy. Pour le tourisme, on est en plein de dedans. On entend souvent dire que le voyage ouvre l’esprit, ok, mais doit-il être forcément lointain ? Est-ce qu’on a le temps de découvrir une autre culture lors d’un city-break dans une capitale européenne ou encore 1 semaine à New-York comme proposée par beaucoup de voyagistes ? Côté travaux de recherche, je n’ai rien trouvé sur le sujet hormis cette quête d’exotisme lointain, critiqué dans La Vraie Vie Ici de Rodolphe Christin. D’ailleurs il affirme que « le désir de voyage traduit l’invivabilité croissante du monde » et qu’il « faudrait réserver le voyage à des expériences rares ». (vous avez pensé à inviter ce penseur monsieur Christin au séminaire des Entreprises du Voyage qui s’est tenu aux Maldives ?).

Dans la même mouvance, Arthur Auboeuf, cofondateur de Team For The Planet nous rappelle dans une vidéo pour Hourrail : « quand tu veux partir loin et très vite, tu restes victime de la société de consommation… ». Alors le voyage long courrier, miroir du consumérisme ? Notre secteur s’enferme de plus en plus dans une instantanéité et instagrammabilité. Créer des nouveaux imaginaires du voyage quand on est matraqué par des pubs de low-cost et des contenus sponsorisés car « c’est trop cool Dubaï ». Outre les impacts environnementaux des voyages long-courriers (2tonnes CO2éq pour un aller-retour Paris New-York), on tomberait presque dans un cliché de l’occidental blanc et riche allant « évangéliser » les pays de sud vers un tourisme colonialiste comme le montre cette série « Dark Tourist ».

Casseurs de Pub

La publicité, mal du siècle et illustration de notre société mondialisée et consumériste !! L’objectif principal de la publicité est de créer une notoriété de marque, d’attirer l’attention des consommateurs, de susciter leur intérêt pour un produit ou un service, de les inciter à l’achat, et éventuellement de fidéliser la clientèle. Elle repose souvent sur des techniques de persuasion, d’esthétique visuelle, et de narration pour capter l’attention du public et le convaincre (Kotler, Principles of marketing, 2021). Aujourd’hui on passerait de répondre à un besoin à créer du besoin (clairement non essentiel) et certaines techniques nous font plus penser à de la manipulation que de l’incitation. Voici une liste non exhaustive de dérives de la pub inspirées de la série Mad Men :

  • Création d’aspirations et de désirs : peut créer un sentiment de manque ou d’insatisfaction en présentant des produits ou des styles de vie comme des éléments indispensables pour atteindre le bonheur, la réussite ou le bien-être (50 ans sans Rolex, on a raté sa vie) ;
  • Influence sur les normes sociales : peut conduire à une conformité accrue à ces normes, influençant ainsi la manière dont les individus se perçoivent et se comparent aux autres (exemple au retour de vacances : « tu as fait quoi » « tu es allé où cet été « ?) ;
  • Stéréotypes et représentations : peut renforcer des stéréotypes de genre, de race, de classe sociale, etc., et peut façonner la manière dont les groupes sociaux sont perçus, contribuant ainsi à la marginalisation ou à la discrimination.
  • Impact sur la consommation : la publicité a un pouvoir considérable pour inciter à la consommation et peut encourager les gens à acheter des produits dont ils n’ont pas nécessairement besoin, ce qui peut contribuer à la surconsommation et à la pression sur les ressources naturelles (ex : fast fashion).
  • Influence sur les choix de vie : influence les choix de vie en présentant certains modes de vie comme étant plus souhaitables que d’autres (salut les Jet privés).

Faire évoluer nos imaginaires pour créer de nouveaux récits

D’un côté on a Mad Max, scénario catastrophe (hormis de se retrouver avec Mel Gibson ou Tom Hardy), un futur où la guerre des ressources sera notre quotidien (rappel : la guerre de l’eau est au programme de 5e en géographie) avec un retour à l’esclavagisme humain. De l’autre, la comédie La Belle Verte avec Vincent Lindon et Marion Cotillard où le troc, le respect du vivant sont au cœur de cette simplicité volontaire (ce film est une véritable pépite !!).

Alors nouveaux récits pour un autre tourisme ? Voici une liste de pistes inspirantes possibles :

  • Écotourisme dans des mondes fantastiques : respect du vivant version Avatar ;
  • Utopies touristiques axées sur la durabilité, l’équité et la diversité culturelle (c’est ce que fait nos amis Les Oiseaux de Passage !) ;
  • Histoires de voyage responsables : la slowlife et slowtravel et considérer le trajet comme faisant partie du voyage (ex : Transibérien), avec un chouette article de Laurence Docquir sur le slow-travel pour etourisme.info ;
  • Voyages dans le temps : la science-fiction offre la possibilité de créer des récits de voyage dans le temps qui permettent aux personnages de découvrir comment les actions du passé peuvent avoir un impact sur l’avenir du tourisme responsable. J’y vois de belles opportunités avec le Métavers (rentrez dans la commu D-Ter sur le web3 du tourisme avec Guillaume Cromer et Gallic Guyot) ;
  • Diversité culturelle et inclusion : les voyages longs courriers n’ont-ils pas pour objectif le maintien de la paix ? C’est d’ailleurs la nouvelle initiative de l’OMT pour un tourisme d’ouverture d’esprit qui a invité Winston Duke comme ambassadeur (héro du film Black Panthers mais surtout engagé dans diverses causes)
  • Récits de régénération : la fiction peut explorer des mondes où les touristes contribuent à la régénération des écosystèmes, à la restauration des zones dégradées, … Là-dessus on a notre ambassadrice du vivant, Camille Etienne et son dernier docu « pourquoi on se bat ».

Conseils sur les nouveaux imaginaires : ne pas tomber dans une logique identitaire de gaulois particulièrement d’actualité, mais valoriser le localisme, le collectivisme et l’auto-organisation vertueuse et démocratique. D’ailleurs c’est ce que propose le collectif Itinéraire Bis, rassemblant influenceurs et journalistes voyages (Viatao, Chilowé, 2 Jours pour Vivre, …) qui veulent « donner des coups de pieds dans la fourmilière » et montrent que des micro aventures de proximité, c’est cool !!

Je me suis initiée à l’exercice via ma thèse (petit moment auto-promo !) grâce à une illustration fictive autour du « pilotage de la performance environnementale des OT » et par le biais du photolangage. Technique de photolangage, j’utilise Dixit et l’illustration en haut de page pour laisser mes interlocuteurs s’exprimer sur des questions de projections d’un autre tourisme. Et c’est un format qui prend !!

Pilotage de la performance environnementale des OT (illustration Paul Canfora, contenu Caroline Le Roy pour Betterfly tourism)

A côté de ça, l’ADEME a édité « Des Récits et des Actes » sur l’importance des nouveaux imaginaires dans la culture populaire avec quelques conseils :

  • Rechercher les émotions positives autour de la transition (on évite les « on va tous crever ») ;
  • Rester réaliste… mais ambitieux sur le changement nécessaire (on parle d’écologie punitive mais n’est-ce pas le capitalisme qui l’est ??? Vous avez 2h ^^) ;
  • De la joie, du fun et des personnes – monsieur tout le monde pour faciliter la comparaison ;
  • Créer des futurs désirables et souhaitables comme le propose l’institut des futurs souhaitables ;
  • Etc.
Des récits et des actes par l’ADEME

Alter Kapitae

Alter Kapitae défend un nouveau modèle de société fondé sur l’idée de décroissance prospère.

La croissance infinie dans un monde fini est impossible. Sa recherche provoque catastrophes environnementales et désastres sociaux. Il est urgent d’organiser démocratiquement et justement la diminution systémique de la production et de la consommation. 

En abandonnant la boussole de la croissance, la prospérité perdue peut se retrouver.

Philosophie d’Alter Kapitae

« La décroissance est une réduction de la production et de la consommation, avec quatre aspects : on le fait pour alléger l’empreinte écologique, de manière planifiée démocratiquement, en faisant attention aux inégalités et dans le souci du bien-être ». (Timothée Parrique).

Alter Kapitae donne du corps au concept de décroissance prospère en explicitant sa position autour de 8 piliers fondateurs. Sortir de …

  • L’idolâtrie de la croissance économique
  • La marchandisation et du consumérisme
  • Technosolutionisme
  • Vision productiviste du travail
  • Des nouveaux indicateurs de richesses

Pour …

  • Construire de nouveaux indicateurs de richesse
  • La convergence des luttes écologiques et social
  • Encourager l’activisme citoyen et la gestion collective
  • Des nouvelles représentations du bonheur

Ressources

  • Interview d’Alain Damasio pour Blast sur les nouveaux récits ;
  • Voir et revoir les animés de Miyazaki ;
  • Mémoire de fin d’études de Jules Colé « Comment faire évoluer nos imaginaires pour changer nos relations au monde vivant et aller vers un monde soutenable et harmonieux ? » (2022) ;
  • Fresque des nouveaux récits (testée et approuvée avec les copains Shifters Matthieu Derrey et Jérôme Sagne) ;
  • Fresque des imaginaires par La Vie en Poche (propose aussi la Fresque du facteur humain avec Jérémy Dumont) ;
  • Travail de la commission prospective d’ADN tourisme et histoires des OT du futur ;
  • Billet sur le design fiction suite à l’intervention de Laurence Giuliani aux ET18 de Pau ;
  • L’ART Grand-Est et leur scénarios prospectifs 2050 avec l’Eclaireur ;
  • Futourisme par Auvergne Rhône Alpes Tourisme et ses projections du tourisme en 2050 ;
  • Etc.

Science-fiction : vers de nouveaux imaginaires pour un autre tourisme | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Caroline Le Roy
Bretonne et fière de l'être, j'ai toujours été sensible aux enjeux du développement durable tant dans mon bénévolat associatif que sur mon rapport à la nature. J'ai pu évoluer dans le réseau des parcs naturels régionaux où j'ai eu la chance d'accompagner des acteurs touristiques du changement. Ma sensibilité a rapidement évolué en engagement puis en militantisme. Mon défi professionnel est de développer un tourisme respectueux de la planète et des hommes grâce à l'accompagnement et le conseil aux professionnels sur les nouvelles tendances touristiques et sur les attentes des clientèles toujours plus exigeantes. Enfin je souhaite faire prendre conscience d'une conciliation possible entre transition environnementale et besoin client appliquée au tourisme et au quotidien. Je suis actuellement en préparation d'une thèse doctorale sur le vaste (mais non moins passionnant) sujet de la performance environnementale du tourisme.
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