Révolutionner le tourisme (durable) grâce à l’IA ?
Thèmatique : Éducation Guides Innovation Tourisme de masse
Il y a près de deux ans, alors qu’OpenAI venait de faire bouger les lignes de l’IA avec ChatGPT, nous interrogions ce logiciel conversationnel sur le tourisme durable, un dialogue encore limité qui avait surtout pour but d’appréhender les capacités de « la machine » à nous fournir des réponses justes et argumentées sur un sujet que nous explorons depuis des années. Le temps a filé, l’IA fait plus que jamais parler d’elle, ses possibilités semblent infinies et sont souvent impressionnantes, et en ce sens, nous avons eu envie de tenter à nouveau l’expérience, mais en allant plus loin, soit pour essayer de percevoir comment l’IA peut nous aider à sérier et hiérarchiser les concepts et les idées les plus audacieuses qui pourraient permettre d’être à l’avant-garde de la révolution touristique.
Notre question à ChatGPT : Le tourisme durable commence à lasser, un peu, non, quels serait le ou les concepts novateurs pour aller plus loin ?
ChatGPT : Dans le domaine du tourisme durable, les concepts novateurs émergent pour aller au-delà de la simple réduction des impacts environnementaux. L’idée est de redéfinir complètement la manière dont nous voyageons, consommons et interagissons avec les lieux et les communautés. Voici quelques approches innovantes qui pourraient révolutionner le tourisme durable :
1. Le tourisme régénératif
Concept : Le tourisme régénératif va plus loin que le tourisme durable, qui se limite souvent à réduire les impacts négatifs. Il vise à restaurer, enrichir et améliorer les écosystèmes et les communautés locales. Par exemple : planter des arbres, participer à la restauration d’habitats naturels, ou revitaliser des cultures et traditions locales en danger.
Pourquoi innovant ?
→ Les voyageurs deviennent des acteurs positifs pour les lieux qu’ils visitent.
→ Les destinations bénéficient d’un enrichissement culturel et écologique.
Exemples :
→ Réhabilitation des récifs coralliens par des activités touristiques spécifiques.
→ Encouragement des visiteurs à participer à des projets de reforestation ou de revitalisation des terres agricoles.
Notre avis : Effectivement, on observe également sur notre portail que ce concept de « Tourisme régénératif » s’étend et se développe, à lire par exemple cet article que nous avions consacrés à ce sujet dès 2020. Ou celui-ci.
2. Le tourisme à empreinte positive (« net positive tourism »)
Concept : Proposer des voyages où les visiteurs laissent plus de ressources qu’ils n’en consomment. Cela inclut le financement de projets locaux, la compensation carbone poussée (via des énergies renouvelables, par exemple), ou encore des initiatives solidaires pour la communauté hôte.
→ Exemple : L’établissement d’hôtels qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment ou l’investissement dans des projets éducatifs locaux.
Pourquoi innovant ?
→ Transforme les voyageurs en contributeurs directs au développement durable.
Notre petit plus : On a voulu aller plus loin et pour comprendre bien la différence entre le 1 et le 2, on a changé d’IA et on a demandé à Gemini (IA de Google) la différence entre « Tourisme régénératif » et « Tourisme à Empreinte positive », je vous copie l’analogie finale – part de sa réponse qui me semble la plus claire.
Soit Gemini : « Pour mieux comprendre la différence, on peut utiliser une analogie:
- Tourisme à empreinte positive: C’est comme nettoyer une pièce après avoir fait la fête. On laisse la pièce dans un état propre ou même mieux qu’avant.
- Tourisme régénératif: C’est comme rénover entièrement une maison, en la rendant plus belle, plus fonctionnelle et plus durable qu’avant.
En conclusion, le tourisme régénératif peut être considéré comme une forme de tourisme à empreinte positive, mais tous les tourismes à empreinte positive ne sont pas nécessairement régénératifs. Le tourisme régénératif représente une ambition plus élevée et une approche plus proactive pour transformer le secteur du tourisme. »
3. Le « slow travel » immersif
Concept : Favoriser les voyages lents et immersifs, où l’on reste longtemps dans une région pour mieux la découvrir, au lieu de multiplier les destinations. Les voyageurs utilisent des transports durables (vélo, train) et privilégient les interactions avec les habitants.
Pourquoi innovant ?
→ Réduit significativement l’impact environnemental du tourisme (moins d’avions, moins de déplacements).
→ Favorise un lien authentique avec les communautés locales.
Notre avis : Rien de très révolutionnaire ici, des pratiques en vogue depuis la nuit des temps (ne pas oublier que l’on réinvente souvent l’eau chaude à force de vouloir se réinventer), à voir les nombreux articles sur ce sujet sur notre portail et les nombreuses initiatives des acteurs et territoires engagés pour un tourisme plus durable.
4. Le tourisme circulaire
Concept : Inspiré de l’économie circulaire, ce modèle implique une utilisation optimisée des ressources avec un minimum de gaspillage, par exemple par la réutilisation des déchets organiques pour produire de l’énergie ou des matériaux pour la construction d’infrastructures locales.
Exemples : Les infrastructures touristiques s’organisent en boucles fermées où tout est réutilisé ou recyclé (hôtels zéro déchet, hébergements qui récupèrent et réutilisent l’eau ou transforment les déchets alimentaires en compost).
Circuits gastronomiques qui valorisent les produits locaux en surplus.
Souvenirs locaux fabriqués à partir de matériaux recyclés
Pourquoi innovant ? Applique un modèle systémique durable au secteur touristique.
Notre avis : Un concept certes vertueux mais bien connu depuis des années déjà, lire en clin d’œil l’excellent article de notre collègue Florie Thielin qui y fait allusion ici : 2050, le tourisme n’existe plus.
5. L’économie collaborative du tourisme
Concept : Développer une plateforme qui combine l’économie locale avec le tourisme. Les habitants peuvent proposer directement des expériences (logement, excursions, ateliers culturels) tout en bénéficiant d’une partie des revenus.
Exemple : des circuits où 50 % des profits reviennent directement aux communautés.
Pourquoi innovant ?
Élimine les intermédiaires, soutient directement l’économie locale et réduit les inégalités.
Notre avis : Un concept certes connu mais qui a le mérite de remettre au cœur du sujet le modèle économique des entreprises du tourisme. On prendra pour exemple le côté vertueux d’un Fairbnb qui s’appuie sur des associations locales quant Airbnb nourrit des actionnaires.
Ecouter : Passer de Airbnb à Fairbnb, c’est faire gagner les initiatives locales – France Bleu
6. La « démassification » par le tourisme virtuel et hybride
Concept : Grâce à la réalité virtuelle (VR) et augmentée (AR), permettre aux touristes de vivre des expériences culturelles et naturelles sans se rendre physiquement sur les lieux, réduisant ainsi les impacts liés au transport.
Exemple : visites virtuelles interactives de sites protégés ou surfréquentés.
Pourquoi innovant ? Réduit les effets de la surfréquentation (ex. : Venise, Machu Picchu) tout en rendant certains lieux accessibles sans danger pour eux-mêmes.
Notre avis : Une solution triste et quelque peu inhumaine (au sens 1er du terme mais pas que), qui dessine justement les dangers de l’IA lorsqu’elle devient non plus l’outil mais la solution. Sur la question du surtourisme, on rappellera qu’il peut aussi être La Solution comme le précise cet article : Manuel du surtourisme intégré à destination des maires qui s’ennuient…
7. Les micro-tourismes autonomes
Concept : Des expériences personnalisées et autonomes où les visiteurs reçoivent des itinéraires interactifs et des guides immersifs (numériques ou physiques), leur permettant de voyager de manière durable et indépendante sans guide physique.
Exemple : un itinéraire écoresponsable en vélo avec des suggestions locales qui soutiennent l’économie verte.
Pourquoi innovant ? Facilite l’accès à des options durables même dans des lieux reculés ou sous-développés.
Notre avis : On pense à la micro-aventure, très à la mode, qui a un peu réinventé (voire remarketé) le voyage à côté de chez soi que tout un chacun peut réaliser avec un peu d’imagination et d’audace (et en économisant l’enveloppe). On pense aussi aux roadbooks fournis parfois par les T.O qui permettent de randonner en autonomie par exemple.
8. Le tourisme éducatif intergénérationnel
Concept : Créer des voyages où les générations (jeunes et plus âgées) collaborent pour apprendre ensemble sur des sujets environnementaux, culturels ou technologiques. Cela inclut des ateliers de permaculture, de cuisine locale ou des projets de préservation culturelle.
Pourquoi innovant ? : Établit un échange culturel profond et donne aux touristes un rôle éducatif.
Notre avis : Un bel exemple mais rien de nouveau là aussi. En Chine du Sud, dès les années 1990, le tourisme a été un outil pour « passer le savoir » entre anciennes et nouvelles générations. Je pense à des chants et danses traditionnelles Miao ou Dong par exemple, qui ont pu être préservés pour être ensuite présenté aux voyageurs de passage. Où l’on voit là un des aspects positifs du tourisme et de l’échange lorsque l’hôte venu d’ailleurs peut être le lien ou la raison pour préserver les cultures locales, avec toutefois le bémol de « savoirs » moins faciles à partager avec les voyageurs, à l’image d’une langue rare qui peut se perdre car d’un intérêt moins « valorisable » à première vue.
Lire aussi cette belle initiative sur le voyage « éducatif » à destination des plus jeunes.
9. Les destinations « neutralité climatique »
Concept : Développer des destinations entièrement neutres en carbone grâce à l’utilisation des énergies renouvelables, à la réduction des déchets et à la conception de mobilités internes durables.
Exemple : des « villages modèles » pour tester des solutions touristiques climatiquement neutres.
Pourquoi innovant ? Crée un cadre concret pour repenser tout le système touristique d’une région.
Notre avis : Là aussi, des initiatives en ce sens existe déjà depuis des dizaines d’années avec par exemple dès 2009 la ville de Copenhague ou notre dossier « Zéro carbone en Baie de Somme ».
A noter qu’au dernières Universités du Tourisme Durable à Bordeaux, lors de l’Atelier « Greenwashing et Greenhunshing : savoir décrypter les pratiques de durabilité dans le tourisme », Valérie Martin (ADEME) a précisé « qu’une collectivité comme une tomate ou un voyage ne peuvent pas être neutre en carbone ; on va vers une neutralité carbone, il faut montrer un chemin, ce n’est pas une valeur absolue ». Cela m’a frappé car c’est ce que je précise souvent à mes étudiants quant au tourisme durable, on ne peut pas être durable mais aller vers plus de durabilité, c’est un chemin, une progression, pas un état de fait.
10. Le « tourisme de guérison écologique »
Concept : Proposer des séjours où les voyageurs participent à la régénération d’eux-mêmes et de l’environnement. Cela inclut des activités comme planter des arbres, des retraites en pleine nature ou des sessions de méditation dans des lieux restaurés.
Pourquoi innovant ?
Allie le développement personnel des voyageurs et la préservation environnementale.
Notre commentaire : Où on a l’impression que l’IA nous fait un peu tourner en rond, du tourisme circulaire façon puzzle qui dilate plus qu’il ne ventile.
11. Tourisme de déconnexion numérique
Principe : Proposer des expériences axées sur la déconnexion complète pour répondre au stress lié à la surconnexion. Cela encourage les visiteurs à se concentrer sur les relations humaines, la nature et l’introspection.
Exemples : Séjours dans des zones sans réseau mobile ni Wi-Fi, comme des retraites en pleine nature.
Activités comme la méditation ou des randonnées en silence.
Notre commentaire : On aime quand l’IA nous propose de se déconnecter… ;-), et n’est-ce pas finalement là la solution, revenir aux sources, s’écouter, se faire confiance, et réapprendre à voyager la tête haute….
→ Conclusion de ChatGPT : Vers une révolution du rôle du voyageur
Ces concepts novateurs partagent une idée forte : transformer le touriste passif en acteur de changement positif pour les lieux qu’il visite. Les approches les plus visionnaires, comme le tourisme régénératif ou à empreinte positive, pourraient redéfinir l’essence même du voyage. Au-delà de l’expérience individuelle, ces modèles visent à recréer un lien vertueux entre l’humain, la nature et les communautés.
Notre conclusion (humaine) !
S’il reste un formidable outil pour sérier, ordonner, ratisser de l’information, l’IA reste l’IA, soit de l’Intelligence, certes, mais Artificielle ! Et en ce sens rien de nouveau dans tous les concepts que nous a présentés ChatGPT en répondant à notre question sur « comment révolutionner le tourisme (durable) » puisque « La Machine » n’invente rien mais ne fait qu’agglomérer de l’information déjà existante.
En faisant quelques recherches sur Voyageons Autrement, on réalise que chacune de ces notions avaient déjà été abordées, parfois développées (la matière est trop riche pour que l’on soit exhaustif), tout au moins évoquées. En revanche, là où l’IA nous a vraiment aidé et à mon sens, peut nous aider encore, c’est en pointant directement ce qui fait sens, autant de concepts en vogue que l’on pourra ensuite approfondir en allant chercher quels territoires ou quels acteurs les a expérimentés, quitte à contacter ensuite des « humains » pour avoir des retours d’expériences et des échanges plus concrets.
Alors, l’IA, un outil fiable pour révolutionner le tourisme ? Un outil de plus, en tout cas, à ne surtout pas négliger, d’autant que l’on sait que d’ores et déjà, les voyageurs commencent à passer par « La Machine » pour trouver des idées de voyage, d’excursions, de sites, de restos. Mais l’IA restant avant tout Une Machine, on pourrait avec malice se poser une autre question : ne faudrait-il pas plutôt éduquer l’IA en lui donnant un maximum d’informations et de données pour un tourisme plus durable, afin que ses réponses soient de plus en plus orientées vers le vertueux, le slow, l’environnemental… ; en grossissant le trait, créer des armées de petites mains qui pourraient « nourrir La Machine » pour la rendre plus humaine, plus juste, plus équilibrée.
Une utopie ? La science-fiction regorge de récits apocalyptiques où l’homme éduque des robots qui finissent par prendre le contrôle de notre planète ou de notre monde, des scénarios bien sombres pour la plupart… Le documentaire récent « L’horreur existentielle de l’usine à trombones »- ne dit pas autre chose. En résumé (grossier), nous sommes aujourd’hui dans le dilemme d’une IA qui pourra nous rendre meilleur ou nous perdre, et malheureusement, souvent, dans la course effrénée qui nous tire vers l’avant, ce n’est pas toujours le meilleur qui gagne.
—————– Aller plus (ou moins) loin… ——————
L’horreur existentielle de l’usine à trombones explore des concepts d’intelligence artificielle à travers une réflexion basée sur le jeu en ligne Universal Paperclips, une simulation illustrant le potentiel dévastateur d’une IA mal alignée.
Il met en lumière des idées comme la maximisation des objectifs à l’extrême, une analogie tirée de la fameuse expérience de pensée du « Paperclip Maximizer » de Nick Bostrom. Ce concept examine les risques liés à une superintelligence poursuivant des objectifs mal définis.
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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