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Jean-Pierre Martinetti : « La mutation vers un tourisme durable est en marche, oui, mais à quelle vitesse ? »

Cofondateur il y a dix ans de la Cité Européenne de la Culture et du Tourisme Durable et, plus récemment, de la « task force » ACToD21, Jean-Pierre Martinetti fait le point sur ses années d’engagement et les progrès effectués par le concept de durabilité dans le secteur du tourisme…
Jean-Pierre Martinetti Portrait d'un homme engagé

Spécialiste du tourisme durable et du développement local, vous avez cofondé, il y a 10 ans, la Cité Européenne de la Culture et du Tourisme Durable. Quel bilan tirer de cette première décennie ?

Un bilan largement positif mais la Cité est à un tournant. Née au début des années 2000 de la volonté de quelques précurseurs, soutenus par des partenaires publics et privés, dans les Alpes de Haute Provence (territoire pionnier) de créer, à Gréoux-les-Bains, une plate-forme pluridisciplinaire de réflexion et d’action sur le tourisme durable et la culture. Labellisée Pôle d’excellence rurale, elle est devenue un véritable cluster faisant intervenir une trentaine d’experts et ayant noué des partenariats avec une centaine d’acteurs publics et privés. Outre un rôle de « développeur local » (création du Centre des congrès de l’Etoile, installation de l’écociné Verdon, réalisation du film « Verdon Secret », ou encore accompagnement du projet EDEN de destination d’excellence en Haute-Provence autour du pays de Giono), elle s’est impliquée dans la mise en oeuvre (avec de nombreux partenaires) d’une dizaine de programmes européens et a accompli toute une série de missions de formation,  de R&D, d’évaluation, de coopération et d’échanges en France, en Europe autour de la Méditerranée et jusqu’en Asie… Un bilan aussi diversifié que conséquent mais aussi des contraintes fortes qui conduisent à une restructuration en termes de gouvernance comme de modèle économique pour aborder 2017, « Année internationale du Tourisme Durable » dans les meilleures conditions.

Quelle est l’importance du mot « Culture » dans l’appellation de la Cité ?

Elle est essentielle car, à nos yeux, la culture est une ressource fondamentale du tourisme et doit être étroitement liée à son développement. La culture est aussi consubstantielle du développement durable, élément trop souvent négligé du troisième « pilier » socio-culturel ou sociétal. Culture et patrimoine au sens large doivent constamment resserrer leurs liens avec le tourisme pour que celui-ci soit réellement durable.

ACToD21* (Agir pour le Climat et un Tourisme Durable) que vous avez co-créée, qui est labellisée COP21 et chargée de proposer « projets et programmes d’action » se réunissait pour la troisième fois en octobre dernier. Quels acteurs êtes-vous parvenus à fédérer au sein de cette « task force » et sur quels axe travaille-t-elle précisément ?

A partir de l’initiative lancée, fin 2014, de 4 acteurs : outre moi-même (la Cité), Gilles Berhault (Comité 21), Jacques Brégeon (Compétences 21) et Thierry Bégaud (Comité Bougainville), qui saisissent le directeur Général d’Atout France, Christian Mantei de la nécessité de prendre en compte les inter relations entre  Climat, tourisme et territoires, ACToD21* est né du constat qu’il fallait réfléchir de manière appliquée aux interrelations entre l’activité touristique et le réchauffement climatique, un sujet capital sur lequel nous ne possédons en fait que des données partielles. Après la Déclaration de Gréoux -les-Bains sur tourisme et réchauffement climatique adoptée en juin 2015 à l’occasion des Journées Multimédia du Tourisme durable, ACToD21 a été labellisé par la COP comme un think-tank fédérant un nombre remarquable d’acteurs d’importance, publics comme privés qui participent à ses travaux: ministères concernés, Atout France, CCI, ONG et associations dont ATD et ATR, Energie 2050, mais également des acteurs privés engagés comme Philippe François. désormais c’est entre 30 et 40 personnes qui assistent désormais à nos réunions.

réunion CCi actoD21Justement, où en êtes-vous concrètement de l’initiative ? Que retenez-vous d’encourageant au terme de cette troisième journée de travail ?

Etant donné notre objectif, disposer et diffuser des élèments d’appréciation et d’expertise, notre premier travail a été de mettre en place un système d’observation, de veille, d’information , d’analyse et de prospective ( SOVIAP) sur « Climat, tourisme et territoire », plaçant pour cela en réseau différents observatoires et sources possédant des données sur le sujet. Données qui vont être traitées pour déterminer la place exacte du tourisme dans la relation tourisme-climat-territoire ; tout comme seront traitées les données recueillies au moyen d’un livre blanc que nous avons ouvert afin que chacun, à la base, puisse participer et s’approprier la démarche. Nous avons également mis au point Evalto, un outil pratique et opérationnel d’évaluation d’impact et d’aide à la décision en matière de  tourisme durable, promu d’autres outils comme Biorismo (tourisme et biodiversité) et nous nous associons à des évènements (Nous étions hier en ligne avec nos amis d’Energie 2050, présents à la COP 22). En outre, plusieurs partenaires spécialisés travaillent sur des projets cibles liés à leur domaine de compétence.

canyon du verdon2014

Sur le tournage du film « Verdon secret » en 3D

Le slogan « Think global, act local » semble vous définir assez justement. Qu’est-ce que cela apporte de précieux d’agir à la fois au niveau central mais aussi en prise directe avec les territoires ?

Le développement durable dans sa mise en œuvre implique cette dialectique constante, ces aller-retour entre concepts globaux et réalités du terrain. Dans toute démarche appliquée se trouvent à la fois des éléments communs à toute situation et d’autres spécifiques. Le développement touristique ne peut d’évidence s’opérer de la même manière en Normandie et au Sahel et, dans une même région, selon la nature des espaces. On est donc contraint de faire toujours du sur-mesure et les outils de que nous mettons au point prennent évidemment en compte cette double dimension.

Expert auprès de la Commission Européenne sur le tourisme durable ; avez-vous l’impression que cette notion de durabilité effectue des progrès au niveau européen ? Qu’elle se traduise dans les faits par des décisions et réglementations concrètes ?

J’ai été expert membre du Groupe de Durabilité Touristique (GTD/TSG) auprès de la Commission Européenne de 2006 à 2015. Ce qu’il faut savoir tout d’abord c’est que le tourisme a longtemps été tenu hors du champ de la compétence européenne et ne l’est devenu qu’en 2007, et au troisième niveau encore (faible donc) qui s’inscrit dans la subsidiarité par rapport aux Etats membres.. C’est d’ailleurs principalement par le biais des consommateurs et de la protection de ceux-ci que l’Union Européenne s’est intéressée au tourisme et a pris des directives dans ce secteur. Les Etats membres conservent donc globalement la main dans ce domaine. Ce qui n’empêche pas la Commission européenne de s’être  intéressée très tôt au tourisme  durable via le TSG: avec  des groupes de travail (touristes, entreprises, destinations), un gros travail a été effectué ces dix dernières années qui a d’ailleurs débouché dès 2007 sur un Agenda pour un Tourisme Européen Compétitif et Durable et plusieurs travaux  et initiatives de référence (indicateurs, appels à projets, destinations EDEN…)

De manière plus générale encore, voyez-vous les mentalités des décideurs évoluer vers une prise  en compte réelle des questions environnementales ?

Je pourrais répondre par une pirouette en disant qu’il y a encore, beaucoup plus de croyants que de pratiquants, néanmoins, il me semble que nous assistons à une véritable mutation dans ce domaine, que la prise de conscience effective se généralise sur les enjeux du tourisme. En atteste le rattachement à un ministère « régalien » et son classement en Grande Priorité Nationale. Mais c’est sur le terrain surtout que les opérateurs, plus encore que les visiteurs, ont pris conscience d’un phénomène où le coeur et la raison se rejoignent désormais (voyez les 360 entreprises américaines qui, en l’espace de quelques jours, se sont fédérées pour rappeler au nouveau Président Donald Trump, l’importance du Traité sur le climat en seul terme de business. On est entré dans le passage à l’acte, qui va progressivement s’accélérer tandis que le surcoût entraîné par la mise à niveau « durable » va s’abaisser en même temps qu’il deviendra une impérieuse nécessité. Comme c’est déjà le cas pour le bio et les circuits courts: les gens sont prêts à consommer vertueux si le surcoût n’est pas excessif pour eux. Car, heureusement ce phénomène, dépasse les questions environnementales pour concerner comme on l’a dit, la culture et le patrimoine, aux côtés  de la performance économique et sociale.

On parle énormément, en ce moment des lobbies, et du frein qu’ils représentent pour les forces de progrès, notamment au niveau législatif. Sont-ils également à l’œuvre dans le champ du tourisme durable ou bien s’agit-il, dans ce secteur au moins, d’un facteur minime ?

Les Français ont une mauvaise relation avec ce mot qu’ils chargent d’une connotation négative (comme ils l’ont fait, jadis avec le« marketing »). Or le lobbying est juste un outil, au service des meilleures comme des pires causes. Et le développement durable a besoin d’un lobby qui soutienne sa cause ; raison pour laquelle nous essayons de nous organiser via les réseaux évoqués, tardivement en raison sans doute de ces fameuses tribus gauloises dont nous avons hérité, mais tous ces rapprochements récents nous permettent d’avancer plus vite et surtout de conserve. Nous faisons actuellement en sorte qu’en la matière les parallèles se rejoignent !

Après toutes ces années de ce qui demeure quand même un combat, qu’est-ce qui vous rend optimiste (ou pas !) pour les années à venir et le devenir de notre petite planète ?

Je suis affectivement et raisonnablement optimiste. Les liens entre tourisme et développement durable relèvent de l’évidence, de l’opportunité et, à présent, de la nécessité. Avons-nous vraiment le choix ?… Non, le tourisme durable va s’imposer au niveau de la Planète mais sur le temps long, au risque de voir les ravages divers et les friches continuer de se multiplier. Il y aura sans doute, dans le processus, des impasses, du greenwashing et des reculs, il en va ainsi pour tout, mais, sur le long terme, la course d’obstacles va peu à peu s’éclaircir et le tourisme du XXIème  siècle s’engagera clairement dans un développement durable de l’activité, génératrice de valeur et de paix. La vraie question est celle des délais de mise en oeuvre.

www.actod21.org


Jean-Pierre Martinetti : « La mutation vers un tourisme durable est en marche, oui, mais à quelle vitesse ? » | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Jerome Bourgine
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