Un été utile et inoubliable avec REMPART
Thèmatique : Éducation Espaces protégés Initiative nationale Projet solidaire Territoire
L’été se profile et votre adolescent tourne en rond dans sa chambre comme hypnotisé par des écrans qui semblent lui faire toutes les promesses du monde. Et pourtant, d’autres promesses, bien plus concrètes, tellement plus vivantes, lui tendent les bras. Partir, mais pas n’importe comment, pas à n’importe quel prix, partir avec une mission, un objectif, et d’autres jeunes tout aussi désireux de s’ébrouer du virtuel. Et quoi de plus concret que restaurer une ancienne place forte qui domine toute une vallée, sauvegarder une forteresse qui menace de s’écrouler ou redonner vie à un ancien chemin de fer à vapeur. Ouvert aux jeunes mais aussi à tous ceux qui désirent vivre une aventure hors du commun, les chantiers permettent de participer à la protection du patrimoine en France ou à l’étranger tout en partageant des moments inoubliables avec de nouveaux compagnons. Depuis 1966, l’Union REMPART offre cette possibilité à tous.
VA/ Marie-Georges PAGEL-BROUSSE, vous êtes présidente de l’Union REMPART depuis six ans, pouvez-vous nous présenter cette association et votre parcours ?
L’Union REMPART a été créée en 1966. Elle est la première association d’utilité publique à avoir œuvré sur les chantiers de patrimoine de façon structurée. Nous rassemblons de nombreux membres qui adhérent à un réseau de 200 associations locales réparties sur toute la France et en Martinique qui ont pour but d’unir les citoyens autour d’un projet concret et collectif sur le patrimoine. Par exemple, je viens personnellement de l’association Adichats en Sud Gironde qui gère un palais forteresse construit pour Clément V au 14e siècle. Avant, j’ai été vice-présidente en charge des relations internationales et j’ai contribué à la mise en place de nombreux chantiers dans différents pays. Elue depuis plus de 20 ans au Conseil d’Administration de REMPART, je représente aujourd’hui notre réseau dont les associations locales, très implantées sur le territoire, restent la première force.
VA/ Qui part aujourd’hui avec REMPART ?
Nous accueillons sur nos chantiers plus de 4 500 bénévoles par an, beaucoup de scolaires mais aussi des adolescents, des gens qui travaillent et qui veulent passer des vacances utiles, des retraités, des familles. L’important reste de respecter notre charte, que nos adhérents se doivent de signer avant tout chantier. En tout, nous organisons 350 sessions de chantiers par an entre avril et octobre, le plus gros sur l’été, entre mi-juin et mi-septembre. En moyenne, un chantier dure 15 jours mais nous proposons aussi des stages techniques plus courts, dédiés à un apprentissage comme la taille de pierre, l’enduit, le badigeon, la charpente, etc. Attention, je précise qu’il ne s’agit pas de stages qualifiants mais plutôt de formations qui permettent la découverte de nouveaux métiers. Notre objectif reste la sauvegarde et la réhabilitation du patrimoine, dans l’intérêt général, afin que le patrimoine soit à la fois un but, un support de découverte mais aussi l’opportunité de nouvelles animations, d’événements culturels, et un lieu d’apprentissage et de socialisation.
VA/ Combien coute un chantier et est-ce réellement ouvert à tout le monde ?
Un chantier, c’est autour de 450 € pour 15 jours pour les adolescents et 200 € pour les adultes auquel il faut ajouter le transport pour se rendre sur place. Tout ce qui est logement et nourriture est ensuite pris en charge, ainsi que quelques visites ou animations au-delà du pur chantier qui se déroule souvent le matin. Si on compare à une colo qui coûte 800 à 1000 € la semaine, cela reste très abordable. Nous recevons tout le monde avec les bras grands ouverts, pas besoin d’être maçon, historien ou architecte, et pas de discrimination quelle qu’elle soit. Un guide « Respect, Ethique, Intégrité » est d’ailleurs diffusé aux animateurs et aux structures. Et concernant le fait que tout le monde peut venir, notre charte spécifie très précisément que «nous devons œuvrer de façon égale pour le patrimoine bâti et naturel, mais aussi à la satisfaction des individus sensibles à ces objectifs ». Et c’est important de préciser que les bénévoles qui viennent aider ne sont pas des esclaves, ils vont contribuer à ce que ces associations puissent continuer à travailler sur les sites, à les protéger, à remplir leurs objectifs. D’ailleurs, notre slogan actuel est « Faisons du patrimoine l’affaire de toutes et tous ! ». Il ne s’agit donc pas seulement d’une affaire d’experts, c’est notre affaire à tous !
VA/ Et concrètement, que peut-on faire sur un chantier ?
Déjà, il faut savoir que 75 à 80 % de nos sites sont protégés au titre des monuments historiques. On va travailler sur du vernaculaire, sur des lavoirs, sur des maisons traditionnelles comme en Martinique, mais parfois aussi sur des bateaux, des trains, des cimetières, des châteaux, des forteresses. Il faut se souvenir que le premier chantier de bénévoles est né en 1920, à Esnes-en-Argonne, pas loin de Verdun, un village entièrement dévasté par la première guerre. Pierre Cérésole, alors objecteur de conscience suisse, a l’idée de réunir des personnes de différents pays anciennement engagés : « Si on reconstruit ensemble, on fera la paix, pas la guerre ». REMPART n’a fait que reprendre cette idée dans les années soixante, et s’est concentré sur le patrimoine.
VA/ Existe il aussi des chantiers à l’international ?
Tout à fait, nous avons une cinquantaine de partenaires dans plus de 30 pays, du Mexique à la Chine en passant par l’Afrique du Nord, la Suède, la Palestine, etc. Sur place, nos bénévoles ont un encadrement technique local et comme en France, paient le transport, plus les coûts de chantier – différents selon les pays -, et sont pris en charge pour la partie hébergement et nourriture. L’idée, outre la partie « chantier », c’est aussi de toujours garder un à trois jours « off » pour aller découvrir des techniques locales, l’indigo en Chine par exemple. On fait en sorte que nos partenaires à l’international soient en capacité de bien recevoir nos bénévoles. En outre, on encourage ceux qui partent à l’international à rester plus longtemps pour visiter le pays et optimiser leur billet d’avion. Ne vous déplacez pas à l’autre bout du monde juste pour une session de chantier ! Nous essayons d’offrir des bourses de mobilité pour certains voyages très lointains comme le Mexique ou la Chine et dans ce cas, on arrive parfois à financer 30% du billet d’avion. Pour l’Europe, on recommande de prendre le train pour l’Europe où que soit le chantier.
VA/ Vous semblez faire très attention à vos impacts sur la planète, pouvez-vous illustrer combien un chantier répond aux engagements du tourisme durable ?
Nous avons justement écrit un livre blanc en ce sens, dans cette idée de résilience du patrimoine face au changement climatique » en travaillant sur comment « Agir pour la transition écologique et la biodiversité ». Concrètement, sur un chantier, on privilégie tout ce qui est vertueux en termes de travaux (matériaux biosourcés, valorisation des techniques traditionnelles, recyclage, réutilisation des ressources, récupération de l’eau, etc.). Par exemple on réemploie les bois, le sable, les tuiles, les briques, les pierres. Nos associations font également attention à moins manger de viande, à privilégier les circuits courts, les producteurs locaux. Tout est mis en œuvre pour aller vers des actions plus vertueuses. En sus, nos chantiers sont accessibles à tous et comme je l’ai déjà dit, on essaie de privilégier les transports les moins polluants et pour les voyages lointains, de rester plus longtemps sur place. Enfin, nous avons les valeurs du patrimoine et de l’humain qui nous animent en permanence. Nous sommes dans l’éducation populaire, tout le monde peut venir, se former, apprendre. Pour les jeunes, c’est aussi une école de tolérance et de vivre-ensemble. Et avec tout ce qui se passe dans le monde, 100 ans après Pierre Cérésole, depuis 2 ans, je reparle de paix.
VA/ Une dernière chose à nous dire ?
Nos chantiers ont besoin de visibilité et nos associations locales de bénévoles. Je pense à une de nos campagnes qui dit, « Partez en chantier, revenez enchantés !». Un chantier, c’est magique, on rencontre des gens du monde entier, des Coréens, des Chinois, des Ukrainiens. Le soir, on chante, on danse, il y a un esprit collectif qui est capital humainement. Personne n’oublie un chantier. J’en connais qui sont encore en lien. Certains se sont rencontrés puis mariés après un chantier. Pour les familles, c’est aussi l’idée de faire quelque chose ensemble, quelque chose de ses mains. J’ai entendu des parents me dire : « Depuis qu’il est rentré, il fait du ménage, il range sa chambre… » On apprend à se respecter. D’autres découvrent de nouveaux métiers, certains vont jusqu’à arrêter leur travail de bureau pour se lancer dans du manuel, de la taille de pierre, de l’éco-construction. Le Covid a aussi rebattu les cartes en ce sens. En un mot, plus besoin d’aller à l’autre bout du monde pour passer des moments formidables, et j’avais noté cet autre slogan : « Tu peux partir très loin pour très peu, prends part à REMPART. »
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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