Tourisme responsable au Mexique: « Sortez des sentiers battus !”
« Inviter le public parisien à connaître autrement le Mexique sous l’angle du tourisme responsable », tel était l’objectif que s’était fixé Manuel Miroglio, consultant et conférencier international en tourisme responsable, avec la participation d’Henry Rosemberg, Fondateur d’Ecotours, spécialiste de l’écotourisme solidaire en Amérique Latine, au cours de la conférence thématique « Tourisme responsable au Mexique: Sortez des sentiers battus !” du 19 juillet dernier.
Co-organisée par l’Ae Ipag, Echoway, Réseau Archimède, l’ATES et VVE, l’Association des Voyageurs et Voyagistes Eco-responsables, cette conférence a réuni une cinquantaine d’intéressés dans le bel amphithéâtre de la Societé de Géographie, également siège de l’Ecole Supérieure de Commerce Ipag.
Manuel Miroglio a démarré la conférence en racontant son périple en cargo qui l’avait emmené au Mexique avec sa femme. Un voyage délibérément lent de 17 jours, pour prendre le temps de vivre la transition d’un changement de vie, de pays et de continent.
Une idée qui s’était concrétisée en assistant à une réunion du Cargo Club. Ce rendez-vous mensuel des amateurs de voyages en cargo se déroule à la librairie Ulysse, située sur l’Ile Saint-Louis à Paris.
Impact environnemental du tourisme de masse
Puis sont montrés les effets de l’érosion du sable sur les plages de Cancun, et les travaux de ré-ensablement qui s’y effectuent régulièrement, conséquences des constructions hôtelières, des marées et de la fréquentation de 6 millions de touristes annuels.
Le Mexique, belle destination écotouristique
Pour présenter les attraits touristiques du Mexique, il a évoqué ses célèbres sites préhispaniques, ses belles villes coloniales, ses plages paradisiaques aux eaux turquoise, sa diversité ethnique et sa riche gastronomie. Sans oublier l’amabilité, l’hospitalité et la bonne humeur qui caractérisent tant les mexicains. 25 sites culturels et 4 sites naturels y sont enregistrés au Patrimoine de l’Humanité de l’UNESCO. Si le Mexique est souvent vu comme une destination culturelle, il n’en demeure pas moins une intéressante destination d’écotourisme.
5ème pays au monde pour sa biodiversité, 2ème pays pour ses écosystèmes et 4ème pour ses espèces animales, le Mexique jouit d’une grande diversité naturelle offrant des paysages de jungles et déserts, plaines et montagnes sur près de 2 millions de km2. 164 aires naturelles protégées, 34 réserves de biosphère, 64 parcs nationaux, 4 monuments naturels et 17 sanctuaires révèlent l’ampleur de son patrimoine naturel. Avec un tiers de sa surface couverte de forêts primaires, le Mexique compte plus de 1000 espèces d’oiseaux, 30 000 espèces de plantes et 950 variétés de cactus. Un patrimoine exceptionnel qui se doit d’être conservé par la pratique d’un tourisme responsable, favorisant un meilleur épanouissement des populations locales, une préservation des ressources naturelles et culturelles à long terme et des rencontres enrichissantes entre voyageurs et autochtones.
L’initiative exemplaire des Pueblos Mancomunados
Passant aux cas concrets, il a présenté les Pueblos mancomunados, une destination d’écotourisme communautaire de renommée internationale, située dans les belles montagnes de la Sierra Norte de Oaxaca. Un mode d’organisation communautaire basé sur une vieille tradition d’us et coutumes zapotèques, et une grande volonté collective, ont permis, avec l’aide de programmes d’appui spécifique, de créer un projet modèle au Mexique: 120 kms de sentiers à parcourir à pied, à cheval ou en VTT relient 8 villages zapotèques dans de somptueux paysages de brume, que l’on traverse intégralement en 8 jours.
Des cabanes de tout confort ont été construites pour accueillir les randonneurs dans les meilleures conditions. Les guides locaux sont des villageois qui travaillent à tour de rôle pour accompagner les écotouristes. Chaque village propose ses activités: excursions à pied, à cheval ou à VTT, tyrolienne, accrobranches, rappel, ponts suspendus, bain de vapeur préhispanique, atelier de préparation du pain traditionnel, nuitées dans les familles, festival du champignon, visite des cultures vivrières locales..Le respect pour l’environnement se manifeste parl’usage d’écotechniques, le tri sélectif, l’application de normes officielles d’écotourisme, un code d’éthique dans chaque village, une étroite surveillance des forêts…Les villageois se forment régulièrement, les centres écotouristiques détiennent leur certificat officiel de qualité touristique, répondant ainsi aux exigences des écotouristes tant nationaux qu’internationaux. Ils possèdent de solides connaissances sur l’histoire locale et leurs ressources naturelles qu’ils partagent volontiers avec leurs hôtes.
Sierra Norte Expediciones, leur agence à Oaxaca, a été créée pour renseigner les écotouristes sur les excursions dans les Pueblos Mancomunados. Aujourd’hui 80 familles bénéficient des retombées de ce projet, leur apportant la moitié de leurs revenus. Les visiteurs sont pour moitié étrangers, moitié nationaux. Les Pueblos Mancomunados ont reçu de nombreux prix, notamment l’Ecotourism Award de la prestigieuse revue de voyages Conde Nast Traveler en 2002 et le Prix de l’écotourisme communautaire de l’Expo Aventura y Ecoturismo de Mexico city pendant deux années consécutives.
Ile de Yunuen, un havre de paix sur le Lac de Patzcuaro
Deux autres projets furent également détaillés dans l’Etat de Michoacan, réputé pour ses paysages verdoyants, son bel artisanat et ses fêtes religieuses. Sur le lac de Patzcuaro se trouvent quatre îles, dont Janitzio est la plus connue pour sa traditionnelle Fête des morts. La plus petite d’entre elles, 1 km. de long sur 200 m de large, se nomme Yunuen, du nom d’une princesse purépecha. Dans les années 90, le nombre de pêcheurs bondît de 1200 à 2000, entraînant une raréfaction des réserves de poissons et une émigration massive vers les villes. Se posa alors la question de la survie pour les pêcheurs. Un premier appui du Programme des Nations Unies suivi d’un second de l’Institut National Indigène, impulsa un projet écotouristique sur cette petite île. En 1996 se créa une coopérative puis les premières cabanes respectant l’architecture traditionnelle locale furent construites, de même qu’un restaurant au sommet de l’île. La persistance de la communauté Purépecha, la volonté de faire grandir leur entreprise, la vision partagée de la considérer comme un patrimoine à laisser aux générations futures, la constante préparation permirent de faire grandir ce projet écotouristique. Impacts sociaux: 24 emplois fixes ont été créés (jardiniers, cuisiniers, serveurs, femmes de chambre, administrateurs). Les femmes participent au processus de décision. 90 habitants de tous âges sont impliqués dans le projet. Aujourd’hui 60% des visiteurs sont nationaux, 35% sont régionaux et seulement 5% étrangers. Les cabanes sont harmonieusement construites sur la crête de l’île. Le restaurant offre une magnifique vue panoramique sur le lac de Patzcuaro. Parmi les activités proposées : tour de l’île en pédalo, observation d’oiseaux migrateurs, sorties en barque sur le lac, ballades nocturnes, déjeuners typiques chez l’habitant. Une option idéale pour se couper du bruit du monde et se mettre au diapason de la nature sur cette paisible petite île où l’on ne circule qu’à pied…
Des communautés purépechas entreprenantes
Une autre destination écotouristique d’intérêt au Michoacan, Patzingo, se trouve à proximité du volcan Paricutín, le plus jeune volcan de l’histoire né en 1943. La communauté Purépecha de San Juan Nuevo Parangaricutiro
dont le village fut originellement détruit par l’éruption du volcan est l’une des mieux organisées au niveau national. La première génération d’habitants eut l’idée de créer des entreprises en lien avec leur ressource environnante, l’abondante forêt de pins. Vingt entreprises communautaires (scierie, fabrique de meubles, fabrique de résine, unité d’embouteillage d’eau, centre écotouristique…) employant 950 « comuneros » purépechas ont été fondées autour de l’exploitation durable de la forêt recouvrant une surface de 12,000 hectares. Leur pépinière produit annuellement 1,5 millions de plants d’arbres. Ce modèle d’organisation a été répliqué dans les Etats de Oaxaca, de Chihuahua et du Chiapas. Une soixantaine de communautés de tout le Mexique visite le projet chaque année pour s’en inspirer. Le centre écotouristique de Patzingo, a été lancé en 2002 avec l’aide de professeurs de l’Université Nationale Autonome de México. Au terme d’un parcours motorisé d’une quarantaine de minutes parmi les pins, Patzingo accueille ses visiteurs dans d’agréables cabanes fonctionnant aux énergies renouvelables. Le visiteur peut se lancer sur la tyrolienne de 300 m de long, pratiquer le rappel, jouer au gotcha, observer les cerfs en semi-liberté, participer à des randonnées guidées au volcan et aux ruines de San Juan Parangaricutiro enseveli…Aujourd’hui le centre écotouristique de Patzingo reçoit entre 300 et 400 personnes par mois et emploie 12 personnes. L’organisation communautaire, la recherche de fonds d’appui, l’obtention de la certification internationale de gestion durable des forêts, Forest Stewardship Council et du système de qualité touristique Moderniza ainsi que le respect de l’environnement ont été les facteurs-clefs de succès de ce projet.
Deux autres fameuses destinations écotouristiques, Las Cañadas et le Réseau d’Ecotourisme communautaire de los Tuxtlas dans le verdoyant Etat de Veracruz, furent citées pour la gestion exemplaire de leurs ressources naturelles et l’implication des populations locales.
Découvrir le Mexique en autonomie
Pour les voyageurs indépendants désirant découvrir le Mexique hors des sentiers battus, il a mentionné le guide d’écotourisme solidaire Mexique-Guatemala de l’association Echoway qui recense 46 projets d’écotourisme communautaire rigoureusement expertisés par ses membres. Il a également invité le public à consulter le portail de la Commission Nationale pour le développement des Peuples Indigènes qui promeut un programme de tourisme alternatif dans les zones indigènes à travers tout le Mexique.
Au coeur de la vie des habitants avec Ecotours
Henry Rosemberg, Directeur d’Ecotours, a pour sa part présenté ses activités dans la région du Yucatan au Mexique. L’association de voyages alternatifs organise depuis plus de 17 ans des séjours en groupe à la carte dans la plupart des pays d’Amérique Latine. Les voyages équitables organisés dans cette région la plus visitée du pays permettent ainsi de venir en appui à une communauté Maya qui, depuis près de 6 ans, s’organise pour recevoir des petits groupes de voyageurs. Les familles sont hébergés chez l’habitant et découvrent au fil des jours la vie au quotidien dans le village de Laguna Kana.
Ecotours appuie les villageois dans leur développement économique, permettant à des dizaines de familles l’amélioration de leurs conditions de vie. Des activités touristiques ont été mises en place avec les membres de la communauté. C’est ainsi que les voyageurs peuvent découvrir des vestiges archéologiques encore méconnus du grand public, l’agriculture traditionnelle (MILPA), les plantes médicinales, la culture du caoutchouc naturel, des randonnées à pied ou en kayak… C’est une véritable immersion pour les voyageurs qui découvrent ainsi la vie au ralenti des communautés mayas mais également les friches touristiques de la péninsule qui détruisent chaque jour un peu plus cette formidable biodiversité. Ecotours est présent au Mexique depuis de nombreuses années. Après le Yucatan, c’est la région du Chiapas que le voyagiste a décidé de développer dans son catalogue. C’est ainsi que depuis 5 ans, l’association est présente au Mexique via son agence réceptive qui œuvre pour le développement du tourisme équitable et solidaire dans le pays. Selon Henry Rosemberg, le pays devrait accueillir davantage de voyageurs dans les années à venir, à condition que le Mexique sache s’orienter vers un tourisme plus réfléchi et moins destructeur de ses ressources naturelles, la première richesse du pays.
La soirée s’est terminée autour d’un banquet convivial de petits entremets de la gastronomie mexicaine, récemment inscrite au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco.
Une conférence qui venait à point à l’occasion du changement d’ère maya survenu le 21 décembre 2012. L’artiste Marcelo Jímenez, a gravé cette pensée sur le Sanctuaire de l’Espérance dans l’Etat de Quintana Roo, édifié pour symboliser ce grand événement :
« En ce nouveau cycle du calendrier et de la culture maya, le monde et les personnes ont l’opportunité d’un nouveau commencement pour émerger comme un nouvel être humain de plus grande conscience afin de maintenir l’équilibre, l’armonie et la paix entre les hommes et la nature »
Et si le tourisme responsable pouvait être un fantastique moyen d’y parvenir ?
Pour en savoir plus :
http://www.visitmexico.com/fr-ca/
Pueblos Mancomunados, Oaxaca : Sierra Norte Expediciones
Pueblos Purepechas, Michoacan : Isla de Yunuen
Pantzingo, Michoacan : www.pantzingo.com
Par Manuel Miroglio
Consultant-Formateur Spécialiste en Tourisme Responsable et Solidaire Co-fondateur du Cabinet conseil SPE Tourism Co-organisateur du 1er Forum National du Tourisme Responsable 2010 Co-organisateur du 1er Festival Partir Autrement 2008 Coproducteur et coréalisateur du documentaire "La Caravane solidaire en Afrique, sur la piste dun tourisme responsable" 2008 Membre du comité de sélection des Trophées du Tourisme Responsable de voyages-sncf.com 2009-2010 Membre associé de l'Association pour le Tourisme Equitable & Solidaire Membre du réseau Ecoturismogenuino.ning.com Membre du Réseau Archimède, acteurs du tourisme solidaire en Ile-de-France
Les 5 derniers articles de Manuel Miroglio
- Le tourisme de demain sera-t-il régénératif ?
- Virée mythique au Costa Rica, le pays durable de la « Pura Vida »
- Masaru Takayama, Directeur Général de la Japan Ecolodge Association et Président de Spirit of Japan Travel
- Jeff Greenwald, écrivain-voyageur, fondateur du site Ethicaltraveler.org
- Jean-Louis Ollivier, DG d’Arvel, une conviction au service du tourisme responsable
Voir tous les articles de Manuel Miroglio