#TourismeDurable
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Surtourisme ou problème de flux ?

| Publié le 22 septembre 2021
             

En 2020, si l’on a vu une augmentation d’un tourisme de proximité, cela a parfois engendré des problématiques de sur-tourisme dans certaines destinations comme à la montagne ou sur certaines îles. La deuxième table ronde se posait alors la question de savoir si ce sur-tourisme n’était pas simplement le résultat d’une mauvaise répartition des flux et quel seraient les moyens d’y remédier.

En introduction, Doug Lansky, présenté comme un leader d’opinion en développement touristique, a posé la problématique un peu différemment. Nous avons l’habitude d’évaluer le succès d’une destination au nombre de touristes qui y viennent. Or, on ne peut pas d’un côté vouloir toujours plus de touristes et de l’autre se plaindre des effets du sur-tourisme. L’une des premières étapes serait alors de redéfinir ce qui fait le succès d’une destination touristique sans se baser uniquement sur le nombre de visiteurs.

L’un des problèmes d’une destination déjà très fréquentée est qu’elle est toujours plus désirable, même devant l’affluence. C’est un peu le même principe que les files d’attente devant une boite de nuit : plus elle est longue, et plus les gens se disent qu’il faut aller à l’intérieur quitte à souffrir d’un manque d’espace ! Le tourisme peut ainsi avoir des impacts hors de contrôle pour une destination.

L’un des nouveaux critères pour évaluer le succès d’une destination pourrait par exemple être la dépense moyenne par visiteur. Une destination pourrait ainsi inciter les touristes à venir moins nombreux, mais plus longtemps.

Une autre possibilité serait de juger de la durabilité des propositions touristiques d’une destination. Selon une étude de TripAdvisor, 69 % des touristes veulent qu’on leur propose un tourisme plus durable. Ce chiffre est toutefois à nuancer quand on sait que, dans la même étude, 75 % des personnes interrogées reconnaissent ne pas savoir définir ce qu’est un tourisme durable !

Une dernière possibilité serait de juger le succès d’une destination en fonction de son acceptabilité par les habitants. Car si tout le monde aime le tourisme, peu de personnes aiment les touristes ! La question serait alors de savoir si le tourisme améliore la qualité de vie des habitants.

Mais pour que ces nouveaux indicateurs puissent voir le jour, il faut que chaque destination se dote d’un management capable de sortir de la politique du « toujours plus ».

A sa suite, Xavier Marcé, l’adjoint au tourisme de la mairie de Barcelone, a évoqué l’expérience de sur-tourisme de sa ville dont les médias ont fait l’écho depuis plusieurs années. Le débat autour du sur-tourisme barcelonais existait en effet déjà bien avant la crise du covid. La question de la gestion des flux de tous ces visiteurs est depuis longtemps une priorité.

Xavier Marcé a insisté alors sur l’importance de ne pas voir les touristes comme une masse homogène, mais qu’il faut au contraire apprendre à les différencier pour trouver des solutions adaptées à chaque typologie de touriste. Il en a distingué 4 principales : les visiteurs d’affaires (3 à 4 millions de personnes par an), les touristes de croisières (le port est tout proche du centre-ville), les touristes de loisirs et les excursionnistes. Résoudre le sur-tourisme implique de répondre aux problématiques de flux de ces 4 typologies de visiteurs en proposant à chacun des activités, des modes de transports, des messages adaptés.

Il est également revenu sur l’idée de changer de modèle économique en arrêtant de se focaliser sur la quantité de touristes pour aller vers une augmentation de la dépense par visiteur.

Mais il s’est accordé à dire que quel que soit les accords avec les grandes plateformes de type Booking ou AirBnB, il n’y a pas de réel contrôle possible sur le nombre de visiteurs. D’où l’importance de connaitre leur typologie pour répartir leur flux, car agir sur leur nombre semble quasiment impossible. Il en va de l’acceptabilité du tourisme par les Barcelonais eux-mêmes.

Par ailleurs, comme Doug Lansky, il a préconisé de proposer des activités culturelles qui satisferont à la fois les habitants et les touristes : il ne faut pas différencier les 2 offres pour améliorer l’acceptabilité du tourisme par les habitants.

Signe Jungersted, co-fondatrice de l’agence danoise NOA, est ensuite intervenue pour évoquer le rôle qu’ont les réseaux sociaux sur ces phénomènes de sur-tourisme. Les réseaux sociaux sont en effet fréquemment pointés du doigt dans les problèmes de sur-tourisme de certaines destinations.

40 % des jeunes disent avoir été influencés dans le choix de leur destination par les réseaux sociaux et 45 % disent même vouloir voyager pour reproduire la photo parfaite qu’ils ont vu. Le compte @insta_repeat pointe avec humour cette absence de créativité.

Exemple de photos tiré du compte Insta_repeat

Mais Signe Jungersted a relevé que le résultat n’était pas forcément différent quand, jeune routarde, elle partait sur les  routes du monde en suivant les conseils de son Lonely Planet : elle se retrouvait le soir dans les mêmes hôtels que les autres routards pour aller voir les mêmes endroits.

Les réseaux sociaux ne peuvent pas donc être blâmés de tous les torts. Ils peuvent même être au contraire une manière d’éduquer de manière originale les touristes. Une destination comme la Nouvelle-Zélande a été pionnière dans cette voie avec sa série de vidéos humoristiques sur le thème « please, don’t travel under the social influence ».

Toujours dans la même optique de responsabilisation, l’OMD de Jackson Hole dans le Wyoming a créé une campagne avec le slogan « Tag responsibly » pour inciter les visiteurs à ne pas géolocaliser leurs photos pour éviter que d’autres ne viennent au même endroit pour avoir la même image.

Signe Jungersted a également présenté la campagne See Klimt, not #Klimt présentant une très astucieuse installation à Vienne incitant les visiteurs à réellement regarder les tableaux de Gustave Klimt et non pas simplement à se prendre en photo devant.

Elle a également évoqué ce qui a été fait dans sa propre ville, Copenhague, avec une campagne revendiquant « the end of tourism, welcome localhood » et signifiant par-là que les touristes devaient envisager leur venue pour découvrir réellement la ville et ses habitants et pas seulement les principaux points d’intérêts. Des vidéos mettent ainsi à l’honneur la vie de certains quartiers autrefois délaissés par les touristes.

Elle a ensuite élargi le débat en évoquant les taxes sur les croisières dont les revenus pourraient permettre d’alimenter un budget géré par les habitants de la ville où viennent ces croisières : une manière intelligente de ne plus se demander ce qu’une destination doit faire pour les touristes, mais ce que les touristes peuvent faire pour les habitants.

Signe Jungersted a terminé la table ronde en rappelant qu’avec la pandémie, nous avions tous pris conscience du privilège que nous avions de pouvoir voyager. Et même si nous devons à l’avenir envisager quelques restrictions pour assurer la durabilité de nos voyages, cela restera tout de même un privilège.


Surtourisme ou problème de flux ? | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Alexandre Tisné-Versailles
Créateur d'activités touristiques innovantes (cabanes dans les arbres, escape game, jeux de piste dans des châteaux…), citoyen engagé dans le Développement Durable et voyageur responsable avec 2 tours du monde au compteur. Rédaction d'articles sur le tourisme durable et la littérature de voyages.
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