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Rencontre avec Soline Archambault, directrice du réseau des Grands Sites de France

| Publié le 2 décembre 2022
             

Nous vous parlons régulièrement des Grands Sites de France qui réalisent un travail remarquable et dont plusieurs actions ont été récemment récompensées à l’image du Grand Site de France Massif du Canigó. L’ensemble du réseau s’est retrouvé courant octobre pour ses Rencontres annuelles au sein du Grand Site de France Iles Sanguinaires – pointe de la Parata en Corse. Afin de faire un petit point suite à ces rencontres mais aussi pour connaitre l’actualité du réseau, nous avons interrogé Soline Archambault, directrice du réseau des Grands Sites de France.

Dune du Pilat © Syndicat mixte de la Dune du Pilat

VA/ Bonjour Soline, pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?

Soline Archambault, directrice du réseau des Grands Sites de France, association nationale qui fédère les collectivités locales qui ont la charge de la gestion des paysages les plus emblématiques et attractifs en France, des paysages protégés par la loi et gérés au quotidien, par les collectivités locales qui ont pour mission la préservation du paysage et de la biodiversité de ces sites fragiles et remarquables, et la mise en place d’un tourisme durable qui bénéficie à l’économie locale.

VA/ Les Grands Sites de France (GSDF) accompagnent les territoires dans la gestion de leur Grands Sites depuis des années, avez-vous le sentiment que la mission première est toujours là ou que peu à peu, l’actualité et le sentiment d’urgence vous forcent à évoluer ?

La mission première est toujours la préservation du site et la recherche d’un équilibre durable entre la fréquentation touristique et un développement durable. Cette mission perdure même si elle a évolué peu à peu dans le temps  au fur et à mesure des  enjeux qui se présentaient aux gestionnaires. Au-delà de la mission première qui consistait donc à répondre à l’évolution du tourisme qui a explosé depuis la Première Guerre Mondiale, les Grands Sites ont eu à gérer bien d’autres sujets et leur gestion s’est adaptée, à l’image de la pression liée à l’urbanisme, de l’attractivité résidentielle de ces territoires, de la pression sur la biodiversité mais aussi des enjeux de transition énergétique ou liés au  changement climatique. Cette évolution s’inscrit dans une évolution globale des GSDF, dont la politique était à l’origine curative et qui se traduit aujourd’hui par une démarche intégrée qui vise à concilier un certain nombre de politiques publiques sur des territoires plus vastes, des territoires habités sur lesquels se greffent d’autres enjeux.

Grand Site de France Iles sanguinaires, pointe de la Parata – phare © RGSF

VA/ Vous avez tenu il y a peu vos Rencontres annuelles, quels projets et quelles réflexions en retenez-vous ?

Cette année, Les Rencontres se sont déroulées au sein du Grand Site de France Iles Sanguinaires – pointe de la Parata, espace naturel remarquable qui marque l’entrée du golfe d’Ajaccio (Corse). Elles s’inscrivent dans la continuité des Rencontres des Gorges de l’Hérault, qui en 2021, s’étaient tenues sur la thématique de l’équilibre entre l’homme et la nature, visant à remettre la nature au centre de l’activité humaine et à reconsidérer l’impact environnemental du tourisme entre autre. Cette année, toujours dans cette réflexion, on s’est interrogé sur les bienfaits que ces paysages peuvent apporter à l ’humain en tant qu’individu afin, par effet de symétrie, de remettre l’homme au centre de la réflexion. On a donc mis l’accent sur l’inspiration artistique, le ressourcement que peuvent apporter les Grands Sites mais aussi le sens qu’ils peuvent donner à chacun d’entre nous. A travers ces différents angles, nous nous sommes réinterrogés sur notre ancrage dans la société civile et sur comment nous appuyer sur cette dernière pour nourrir nos démarches et mieux l’intégrer à nos réflexions.

VA/ Un mot sur votre réflexion quant à l’inspiration artistique, qui peut parfois être révélatrice des lieux et créatrice de liens ?

Nous avons effectivement fait appel à des artistes dans la gestion concrète des sites, parfois pour apporter un regard nouveau sur la valeur paysagère de lieux remarquables. Un exemple concret, en Camargue gardoise, le Grand Site de France a organisé une exposition avec l’artiste japonais Kôichi Kurita, également exposé au Grand Palais à Paris ou au Château de Chambord, cette fois exposé sur les remparts d’Aigues Mortes et dans la chapelle de Saint-Gilles-du-Gard. Cet artiste de renom collectionne des échantillons de terre et de sable et les dispose afin de révéler le territoire et la géologie. D’autres sites ont travaillé de façon très concrète avec des artistes, comme le Marais de Brouage, sur la définition de l’esprit de lieux, qui a organisé des journées de terrain avec des plasticiens, conteurs, metteurs en scène mais aussi des habitants, des journées coconstruites avec les artistes qui ont permis de produire un livret sur l’esprit des lieux, très partagé, qui a fédéré ces acteurs et fait naître une émotion avec un regard croisé entre scientifiques, techniciens du paysage et artistes.

Grand Site de France Iles sanguinaires, pointe de la Parata – sémaphore © RGSF

Autre exemple, à Bibracte-Morvan des Sommets, où le centre archéologique travaille avec des artistes depuis longtemps. En collaboration avec des chercheurs et des élus locaux, ils ont ainsi fait valoir l’importance des chemins dans l’imaginaire collectif et l’identité du territoire. Cela s’est traduit par un travail d’animation de ces chemins avec un mélange de land art et d’évènementiel. Enfin, dans le Marais Poitevin, une artiste a mis en scène un tarot des marais consistant à faire parler toute une série d’acteurs, d’habitants représentatifs des différents usages du marais. Après avoir tiré les cartes à chacun, elle a organisé un spectacle de ce tarot qui permet de s’interroger et de partager ce que pourrait être le marais à dix, vingt, trente ans, un véritable jeu de rôle sur l’avenir du marais, la gestion de ses usages, de sa ressource en eau, sur le changement climatique.

VA/ Vous travaillez auprès des territoires et notamment auprès de 51 collectivités engagées dans la démarche Grand Site, comment trouver un nouveau souffle pour les aider à s’engager toujours plus au vu de l’urgence climatique, entre autres ?

La question du nouveau souffle n’est pas vraiment une question car par nature, le label Grand Site de France s’obtient pour six ans, six ans à l’issue desquels on se repose la question de la vision du Grand Site, de se réengager, donc il s’agit là plutôt d’une démarche de progrès continu. En revanche, nous portons des questions et des valeurs depuis des années comme celle de la transition énergétique, travaillée depuis 2018 avec l’appui du ministère et des plans de paysage expérimentaux sur la transition énergétique, qui vise à imaginer comment concrètement, sur des paysages patrimoniaux, il est possible de concilier et concevoir le paysage et l’enjeu énergétique. Par exemple, comment concevoir une transition écologique choisie et pensée localement fondée sur la sobriété, des pratiques, et donc un mixte énergétique de manière choisie et pensé localement. Au niveau du réseau, une grosse dizaine de sites travaillent aujourd’hui concrètement sur ce sujet de la transition énergétique.

VA/ Avez-vous le sentiment que sur place, les habitants locaux et la société civile connaissent et comprennent votre action ? Souhaitez-vous-en ce sens avoir plus de visibilité «grand public » ?

Je pense que nous avons effectivement un déficit de reconnaissance. Certes, au sein des acteurs et des personnes sensibles à la protection des sites, des paysages et des espaces naturels, nous sommes vraiment reconnus et rencontrons une forme de succès d’estime. Nous sommes un partenaire relativement incontournable des politiques publiques sur le tourisme durable et l’environnement. Nous sommes présents auprès de 51 collectivités, 43 départements, 12 régions, et nos Grands Sites sont fréquentés par 38 millions visiteurs annuels, ce qui n’est pas rien. Toutefois, et en dépit que notre label soit connu et reconnu sur le terrain, la communication de nos actions auprès du grand public est encore insuffisante. Nous sommes notamment trop peu identifiés à l’échelle nationale. On souhaiterait donc que notre démarche soit mieux connue, pas tant le label mais les valeurs qu’il porte.

VA/ Après des années de travail de fond, êtes-vous optimiste quant aux grandes orientations prises par les régions et la France en général quant à  la préservation des Grands Sites ? Souhaiteriez vous un engagement plus franc ?

Très honnêtement il y a aujourd’hui un déficit de reconnaissance et d’accompagnement de la part des régions. On aurait besoin que les démarches GSDF soient davantage soutenues, notamment parce que ces sites contribuent à l’identité, la notoriété et l’attractivité du territoire à l’image de la Dune du Pilat en Aquitaine. Il y a un véritable enjeu pour les régions à participer à la préservation de sites dont le rayonnement contribue à leur image et leur attractivité touristique et résidentielle. Par ailleurs, notre politique est cohérente avec les engagements de l’état et des régions pour un tourisme plus durable, pour une transition écologique des territoires. En ce qui me concerne, j’estime que la démarche GSDF a déjà un certain niveau de reconnaissance mais tout le monde aurait à y gagner à la valoriser et à la soutenir d’avantage.

Grand Site de France Cap d’Erquy Cap Fréhel – Cap Frehel © CRT Bretagne

VA/ Enfin, pourriez-vous nous donner deux trois exemples de territoires moteurs qui ont développé des projets originaux pour la préservation de leurs Grands Sites.

Je pense en premier lieu au Massif du Canigo, et à la politique développée parle Syndicat Mixte Canigó Grand Site pour limiter l’accès motorisé au site tout en mettant en place un vaste réseau de sentiers, faisant du Canigó une nouvelle destination écotouristique consacrée en 2012 par la labélisation Grand Site de France. Une consécration suivie d’un impressionnant travail de fond pour faire émerger une destination dédiée aux activités de pleine nature saluée par le Trophées Horizons pour un Tourisme Durable 2022. Un autre exemple concerne le Cap d’Erquy – Cap Fréhel où a été réalisé tout un travail avec le Conservatoire du littoral pour repenser la mise en scène du site. Un travail d’une finesse extrême réalisé par le paysagiste Alain Freytet qui a remporté le Grand Prix National du Paysage pour ce projet de Valorisation et de protection du Grand Site de France. C’est d’ailleurs la première fois qu’un paysagiste est récompensé pour un projet en site naturel, qui s’appuie sur un principe de soustraction, de modestie, de non visibilité, il n’y a aucun geste, presque rien à voir, si ce n’est la nature remise au centre.

Enfin, je tenais aussi à citer l’Escapade Nature sans voiture liant trois Grands Sites, Canal du Midi-Bézier, Cité de Carcassonne et Cité de Minerve, Gorges de la Cesse et du Brian. Cette escapade peut être l’objet d’une boucle ou se réaliser par petits tronçons en totale écomobilité depuis chez soi. Elle permet de mettre en avant des caractéristiques du territoire moins connues, une façon plus douce de le découvrir, expérientielle, en allant à la rencontre des habitants. En sus, au travers de ces escapades, on valorise des prestataires touristiques engagés dans un tourisme plus durable et plus respectueux du paysage et on diminue l’impact environnemental du tourisme.

Escapade nature sans voiture Aude hérault © Mehdi Hémart

Rencontre avec Soline Archambault, directrice du réseau des Grands Sites de France | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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