L’accès au Mont-Blanc enfin limité : une bonne idée ?
Thèmatique : Espaces protégés Initiative régionale Tourisme de masse
Il n’y a pas que les villes comme Barcelone et Venise qui doivent faire face au tourisme de masse, c’est aussi le cas de lieux en pleine nature, dont des montagnes mythiques telles le Kilimandjaro, l’Everest… mais aussi notre Mont-Blanc national. Pour protéger les lieux, mais aussi l’expérience et la sécurité de ses visiteurs et des secouristes, un quota sera appliqué à partir de l’été prochain : un maximum de 214 alpinistes par jour recevront l’autorisation.

Ascension du Mont-Blanc via le refuge du Goûter © Karel Macalik
Ascension du Mont-Blanc : pourquoi mettre en place ce quota ?
Jean-Marc Peillex, maire de Saint-Gervais, dénonçait cet été: « Le Mont-Blanc est par ailleurs un site classé, c’est-à-dire que, normalement, c’est un site où l’on n’a pas le droit de faire n’importe quoi et où il y a une réglementation très stricte. Et à cause de quelques lobbys économiques qui sont plus puissants que l’intérêt national, l’État se refuse à faire appliquer les textes du Code de l’urbanisme et les textes qui ont trait à la sécurité des gens. Quand vous êtes sur un lac, vous avez des gendarmes qui viennent avec une vedette et qui vous mettent une amende parce que vous n’avez pas de gilet de sauvetage. Et au Mont-Blanc, on a le droit de se tuer sans équipement, on a le droit de faire le Mont-Blanc en basket et il ne faut rien dire parce que le Mont-Blanc fait briller quelques-uns. La réservation en refuge est obligatoire depuis cinq ans. Mais je reprends mon credo : pourquoi l’État a mis cinq ans avant de s’apercevoir que ce n’était pas respecté ? Pourquoi l’État a mis cinq ans avant de dire aux gendarmes ‘il faut que vous arrêtiez les gens qui n’ont pas de réservation’ ? C’est ça le vrai problème. »
- Pour des raisons de sécurité
Qui dit augmentation de la fréquentation, dit aussi augmentation du nombre d’accidents. Jean-Marc Peillex, maire de Saint-Gervais et conseiller départemental du canton du Mont-Blanc, dénonçait cet été les abus et appelait à limiter l’accès au massif :
« Là-haut c’est la Foire du Trône! »
Des vies humaines sont en jeu : celles des alpinistes, mais aussi celles des secouristes. L’année dernière il y a eu quinze morts. Le Mont-Blanc n’est plus seulement gravi par des alpinistes préparés, mais de plus en plus aussi par des touristes en quête d’exploits. Ce qui rappelle tristement le film brésilien tiré d’une histoire vraie « Gabriel et la montagne ».
- Pour préserver l’environnement naturel
Beaucoup de visiteurs ne respectent pas les lieux et laissent leurs déchets au sommet. Sur le sujet, visionnez d’ailleurs le film documentaire « Everest Green » qui traite de la problématique autour de cet autre grand sommet mythique.

Vue sur le Mont-Blanc depuis le Chalet Nantailly à Hauteluce
Quelles seront les modalités d’obtention de cette autorisation ?
Une réunion s’est tenue avant-hier soir en préfecture d’Annecy autour du préfet Pierre Lambert et avec la présence de nombreux acteurs de la montagne : fédération française des clubs alpins et de montagne, peloton de gendarmerie de haute montagne, guides de moyenne et hautes montagne locaux… Et un accord « consensuel » en est ressorti : à partir de l’été 2019 l’ascension via la Voie Royale au départ de Saint-Gervais sera limitée à 214 grimpeurs par jour. Ce quota est fixé en rapport au nombre de places qu’il y a au total dans les trois refuges de l’itinéraire. Chaque candidat devra déposer un dossier présentant son projet d’ascension afin de se voir octroyer (ou pas) le permis d’accès au Mont-Blanc et sa réservation aux refuges (ceux-ci sont ouverts de juin à fin septembre). Ce permis ne devrait pas devenir payant, ou alors si c’est le cas, il s’agirait d’une éco-taxe pour participer à la valorisation et à la protection du site.
Une brigade composée d’agents assermentés sera constituée pour contrôler la voie d’accès et en cas d’infraction des amendes seront dressées. Le préfet de Haute-Savoie a cependant précisé que ces mesures doivent encore faire l’objet « d’une sérieuse analyse technique et juridique. »

Aiguille du Midi, massif du Mont-Blanc © Séverine Brunetto
Ce quota est-il vraiment une bonne idée ?
Marc Bechet, ex-Directeur du tourisme régional pose la question : « La voie classique du refuge du Goûter n’est pas le seul accès au sommet du Mont-Blanc. Cette mesure risque de renvoyer les « sans-permis » sur d’autres voies plus difficiles, et peut-être plus dangereuses (via Chamonix et Aiguille du midi)? »
On parle dans la presse d’une décision collective et consensuelle, mais à laquelle le Maire de Chamonix, Eric Fournier, n’a apparemment pas été convié : « Il est déplorable qu’une analyse plus globale des solutions qui pourraient être mises en œuvre sur l’ensemble des voies d’accès au Mont-Blanc n’ait pas été travaillée. »
Hélias Millerioux, guide qui fait partie de l’association des guides indépendants de Chamonix (AIGM) dénonce : « La grosse connerie c’est de vendre des Mont-Blanc en trois jours. Afin de s’assurer le succès de plus en plus de guides le font, mais ça participe à l’engorgement des refuges et de l’itinéraire. Les guides et les agences sont aussi responsables de la situation actuelle. »
Sur les réseaux sociaux, certaines critiques et craintes émergent : « Une belle fumisterie ! La compagnie, que je respecte par ailleurs, va délivrer des permis gratuits aux « sans guides » ? Un peu de sérieux. » Des questions de choix de société se posent : à qui appartiennent les montagnes ? La rivalité entre les Maires de ces deux communes, Saint Gervais et Chamonix, ne date pas d’hier. Le tourisme est un grand gâteau à partager. Est-ce avant tout pour cette raison que de tels conflits… et « permis » émergent alors ?
Plutôt que de payer une brigade pour contrôler et mettre des amendes, ne serait-il pas plus souhaitable d’allouer ce budget à des campagnes de sensibilisation pour éduquer (en amont et sur place), ainsi que de repenser le système de collecte des déchets au sommet ?
———— SOURCES D’INFORMATION ————
- Montagnes Magazine : Un « permis » pour le Mont-Blanc, vraiment ? – 05/09/2018 (aussi des exemples de qui est fait de similaire à l’étranger dans cet article)
- Alpine Mag : Mont Blanc : Pourquoi un permis d’ascension est-il une fausse bonne idée ? – 06/09/2018
- France Info : « Là-haut c’est la Foire du Trône » : le coup de gueule du maire de Saint-Gervais quant aux règles non respectées sur le Mont-Blanc – 14/08/2018
- France Bleue : En 2019, il faudra un permis pour monter au sommet du Mont-Blanc – 03/09/20108
Par Florie Thielin
Florie Thielin fait partie du collectif de voyageurs-rédacteurs-journalistes de Voyageons-Autrement. Elle accompagne aussi des professionnels du tourisme dans leur stratégie marketing et digitale. Originaire d'un petit village dans la vallée de la Loire, elle vit aujourd'hui à Lyon. Elle a aussi vécu en Russie, Allemagne, Nouvelle Zélande et Espagne. Mais sa plus grande aventure fut en Amérique Latine où elle a sillonné les routes de 16 pays, de Cancun au Cap Horn, pendant près de deux ans. Elle troquait alors ses compétences en marketing pour le gite et le couvert, tout en réalisant des interviews-vidéos sur le tourisme plus responsable avec ses amis d'Hopineo. Elle a aussi mis à jour le guide de voyage du Petit Futé Nicaragua-Honduras-Salvador.
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