Abruzzes : parc Sirente Velino : de la déforestation à la protection
A une heure de Rome, en Italie, la région des Abruzzes offre un terrain de jeu idéal pour les randonneurs, toute l’année durant. D’ailleurs, Allibert trekking propose des voyages organisés afin d’atteindre les sommets de cette région. Mais surtout, elle donne un réel exemple de protection de la faune et la flore.
Quatre parcs naturels se côtoient, constituant plus de 300 000 hectares de zones protégées. De quoi mériter le nom qu’ont donné les italiens à cette région : le poumon vert de l’Italie. Le parc national des Abruzzes, du Latium et du Molise a été institué en 1922. Le parc régional Sirente Velino, du nom de ses deux plus hauts sommets, a été créé en 1989. Enfin, ce sont les deux parcs nationaux de la Majella et du Gran Sasso qui ont vu le jour en 1995.
Réparer les dégâts de la civilisation
Le chantier de protection de l’environnement est inégal dans chaque zone. Le parc national des Abruzzes, fêtant cette année ses 90 ans d’existence, offre un écrin sauvage et préservé à la faune et la flore. Mais pour le parc Sirente Velino, le chantier est de grande ampleur. Il faut réparer les dégâts causés par des années de civilisation. Du moyen-âge jusque dans les années 70, cette région des Abruzzes fût exploitée au maximum, entre autres par les bûcherons. Aujourd’hui, les montagnes du Sirente Velino sont pelées, la terre sèche et pauvre, et la station de ski implantée bien avant la décision de protection de la zone laisse des cicatrices béantes dans le flanc des montagnes. Autant dire que les animaux, nombreux dans les autres parcs, sont rares ici. La chasse, autorisée jusqu’à la création de la zone protégée, a causé de graves dégâts sur la population animale.
Mais les enfants du pays sont décidés à aider leur terre à se renouveler. Comme le buraliste d’Ovindoli, principale station de ski, et sa femme, accompagnés du boulanger et de sa femme. Ils cueillent des pommes sauvages au pied de la sierra Celano, surnommée la montagne aux fleurs.
« Nous laissons des pommes au sol pour les sangliers ! » assurent-ils, comme une évidence. « Elles sont si sucrées que nous n’avons même pas besoin d’ajouter du sucre pour faire de la compote ! » précise le buraliste du village. Apercevant Desideria Bartolotti, porte parole du parc régional, il l’interpelle. « Nous aimerions que les jeunes du village se sentent davantage concernés par leur région, souffle l’homme. L’année prochaine, nous pourrions organiser une sortie avec les jeunes pour leur apprendre à cueillir les pommes et à tailler les pommiers sauvages, afin qu’ils donnent encore plus l’année suivante. » C’est le genre de petites initiatives qui, doucement mais sûrement, pourra redonner une image plus sauvage à cette région durement touchée par la main humaine.
Un tunnel pour rejoindre Rome aux Abruzzes
D’autres initiatives émaillent le site. En se promenant sur le chemin des bûcherons, où le randonneur curieux pourra se rendre compte que les hêtres sont encore jeunes, il pourra également tomber sur un étrange ballet. En surplombant la plaine de Pezza, une des zones les plus sauvages du parc régional, le randonneur peut apercevoir les allées et venues d’un… camion ! Il traverse la plaine transportant dans sa benne des tonnes de terre.
« Lors de la révolution industrielle des année 70, des promoteurs ont commencé à enlever de la terre dans cette plaine pour la construction de bâtiments dans la vallée. Mais heureusement, ils se sont vite arrêtés ! » raconte Desideria Bartolotti. Aujourd’hui, la montagne est gratifiée d’une plaie béante. Actuellement des gros travaux sont en cours pour construire un tunnel qui permettra aux touristes romains d’arriver plus rapidement dans la région. La terre retirée de la montagne est alors emmenée jusque dans la plaine et posée là, devant la plaie, comme une envie de reboucher le passé.
L’initiative est là, va-t-elle porter ses fruits ? Ce qui est certain, c’est que pour Ferdinando, accompagnateur de montagne au parc régional, ce tunnel n’est pas une bonne idée. « Je pense que plus il est compliqué d’accéder à un lieu, plus il sera préservé. Si les touristes de Rome peuvent se rendre encore plus vite dans les parcs naturels, il y aura encore plus de touristes, et ce sera plus difficile de préserver la nature. »
La protection de l’environnement peut parfois créer quelques contradictions. L’exemple de la gentiane en est une belle illustration. Le parc Sirente Velino, au printemps, se couvre de gentiane. Les habitants de la région ont l’habitude de fabriquer avec la plante un digestif très apprécié localement. Mais depuis la création du parc, il est interdit de récolter la gentiane. Fini, le digestif local. Voilà que les fabricants de liqueur importent désormais la plante de France… !
En 23 ans d’existence, le parc n’a pas encore réussi à faire revenir les animaux dans ses montagnes. Pour le moment, c’est surtout la tradition pastorale qui prévaut. Ainsi, le randonneur rencontre très souvent vaches et chevaux, élevés en liberté sur les pentes des montagnes et dans les plaines. « A Ovindoli, la tradition pastorale est encore très forte » assure Desideria Bartolotti, porte parole du parc et native du village. Les animaux domestiques côtoient tout de même une faune sauvage. Le renard est bien implanté dans cette région. D’ailleurs, Desideria Bartolotti est fière de préciser que le film français »Le renard et l’enfant » a été tourné en partie ici, dans le parc régional Sirente Velino. Mais il est timide, ce chasseur. Mais pas autant que le loup.
Près de 150 loups d’Italie vivent dans la région. Une quarantaine aurait élu domicile dans le Sirente Velino. Dans les Abruzzes, les habitants sont très attachés à l’animal. Mais il est difficile de l’apercevoir. Pourtant, il existe des traces indéniables de son passage.
Au sommet du mont Sirente, à 2 348 mètres d’altitude, la meute a laissé des restes de son dernier repas. Une patte de cerf traîne entre deux rochers. Alors, oui, il y a également des cerfs, et des chevreuils. Afin de contenter protecteurs de la faune et bergers, l’État verse une compensation financière au paysan qui aurait subi une perte due aux loups. Ainsi vivent plus ou moins en harmonie éleveurs et grands prédateurs.
Mais il n’est pas le seul carnassier à vivre dans ces montagnes. Deux couples d’aigles et dix couples de vautours ont été réintroduits dans les années 1990.
Un couple de chamois réintroduit la semaine dernière
Les chamois des Abruzzes, ongulés endémiques de la région, sont eux encore manquant. Mercredi 24 octobre, les gardes forestiers et les gardes du parc régional organisaient une action d’envergure afin de réintroduire ces mammifères dans le Sirente Velino, dans le cadre du projet européen Life Coornata. Attraper un couple de chamois dans le parc de la Majella, les transporter en hélicoptère jusque dans le Sirente Velino puis les libérer. Pour Desideria Bartolotti, cette action est essentielle, mais la civilisation est omniprésente dans ce parc, ce qui inquiète la porte parole.
Avec la volonté évidente des habitants, le Sirente Velino pourra peut-être un jour retrouver son visage d’antan : des forêts denses de hêtres, une terre noire et riche, et une faune nombreuse, à l’image du parc national des Abruzzes.
Pour en savoir plus : l’office de tourisme italien.
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Aurélia Dumté, vous fait découvrir cette semaine les Abruzzes en compagnie d’Allibert Trekking dans un voyage que vous pouvez retrouver sur le portail : A pas de loups dans les Abruzzes
Retrouvez les propositions d’Allibert trekking en Italie
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Par Aurélia Dumté
Journaliste, photographe à certaines heures du jour et de la nuit, marcheuse au rythme des papillons et des plumes qui jalonnent mon sentier, j'aime rencontrer les gens, d'ici, de plus loin, ce qui font des petites choses, ceux qui en font des grandes.
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