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Améliorer l’impact local des voyages à destination, une réflexion récurrente au sein des membres d’ATR

| Publié le 8 novembre 2021
             

Quel est l’impact local d’un voyage à destination ? Lors du dernier séminaire ATR tenu à Granville fin septembre, quelques-uns des membres présents ont pris la parole pour s’interroger sur les retombées locales de leur activité avec pour objectif d’appréhender son impact économique et social (pour changer de l’environnemental !) dans les régions du monde parcourues. Retour sur quelques témoignages inspirants qui ont marqué ce temps d’échanges et livrent des pistes intéressantes pour entrainer l’ensemble du collectif dans une amélioration continue des pratiques.

Séminaire ATR @DR

Chez Double-sens, on privilégie une immersion longue dans les villages

Pour Antoine Richard, co-fondateur de Double-Sens, l’impact local est l’essence même de son activité. Fondée en 2006, Double Sens vise à générer des revenus dans des villages isolés qui ne bénéficient pas des retombées du tourisme et pour qui l’activité touristique génère un complément bienvenu. « On s’engage à questionner toutes les familles qui nous accueillent pour connaitre le revenu supplémentaire que l’activité touristique a généré. Par exemple, pour une famille du Cap Vert que nous avons interrogé, cela représente 20% en plus. » En outre, Double Sens fait en sorte qu’un maximum de familles puissent bénéficier de cette manne touristique, avec un système de rotation pour qu’elles soient tour à tour accueillantes. Enfin, l’agence finance également des projets locaux qui font sens pour les communautés. Antoine Richard : « Dans un village du Cap Vert un peu grisailleux alors délaissé par les visiteurs, nous avons financé la rénovation d’une maison puis de l’ensemble des habitations en insistant sur la décoration extérieure, les couleurs, afin de donner envie aux touristes de venir et d’en faire, à terme, un centre de tourisme alternatif. » Double Sens a ainsi à cœur de réfléchir en amont aux besoins locaux mais aussi, tente d’appréhender la part du tourisme dans le mieux-être des populations visitées. « Nous avons mis quelques outils en places pour questionner les bénéficiaires sur l’argent récolté, que ce soient nos partenaires ou les réceptifs et associations locales qui portent nos projets. » Autre impact non négligeable de ces voyages en prise directe avec les villages, l’empreinte laissée sur les voyageurs qui ont souvent envie de s’investir plus avant sur le long terme dans des lieux où ils ont partagé des expériences fortes. L’association Double Sens Plus a été créée en ce sens et réunit d’ores et déjà une centaine d’adhérents qui souhaite poursuivre l’aventure autrement.

Chatnier au Cambodge
Cambodge Solidaire@DoubleSens

« Vivre ma vie » ou partager une expérience locale forte avec Shanti Travel

Spécialisé sur l’Asie, Shanti est une agence de voyage locale qui propose depuis 2005 des voyages sur-mesure teintés de découverte ou d’aventure pour les individuels, avec tout un volet immersif. Depuis 2017, elle possède une licence en France ; depuis février 2020, une agence physique à Paris. Alex Le Beuan, son fondateur, était présent à Granville : « Comment mesure-t-on notre impact ? Notre modèle crée beaucoup d’emplois locaux, que ce soit des guides, des chauffeurs, etc. En outre, sur nos voyages immersifs, nous essayons d’allonger au maximum nos étapes, avec un objectif de cinq nuits par point de chute et de seize nuits au total dans le pays. »  A l’instar de Double Sens, toutes ces nuitées passées en immersion dans les villages sont autant de compléments de revenus pour les partenaires locaux, petits établissements, familles, etc. En 2010, l’agence réalisait 15% de ses nuitées chez l’habitant, 23% en 2019 et elle souhaite encore augmenter ce chiffre. « On reste deux nuits en moyenne, parfois trois, en prenant aussi les repas sur place, en proposant des activités. Cest une expérience très riche pour nos voyageurs. » La nourriture est bien entendue locale, en circuit court, et les voyageurs peuvent partager des expériences immersives (« Vivre ma vie ») avec les locaux, et découvrir ainsi le quotidien d’un agriculteur balinais, de nomades tibétains ou de pêcheurs indonésiens. « Les familles qui accueillent les voyageurs font le marché et cuisinent avec eux. Ce lien direct au sein de la cellule familiale est très intéressant. Nous avons des retours très positifs que ce soit de nos voyageurs ou des familles hôtes. » En 2019, 100% des voyageurs de Shanti avaient expérimenté une journée « Vie ma vie ». En outre, l’agence soutient également des ONG locales pour améliorer le quotidien des habitants : replantation de corail à Bali, travail avec une ONG de Katmandu pour sortir de jeunes femmes potières de la prostitution. Enfin, l’impact local positif peut aussi se traduire par une certaine veille sur des zones naturelles fragiles ou des parcs protégés, quand la présence des voyageurs accompagnés de rangers permet de décourager le braconnage.

L’UCPA ou la mesure de l’impact social

A l’UCPA, qui organise notamment des séjours sportifs pour les jeunes, c’est le volet social et la volonté de mesurer l’utilité sociale de l’activité qui a été l’objet d’un gros chantier récemment. Elodie Marchais, directrice UCPA Sport Planète : « L’UCPA est depuis longtemps un acteur de l’économie sociale et solidaire. Nous avons souhaité mesurer notre impact social, ce qui s’est avéré un travail très prenant et complexe. » Pour se faire, l’organisme a questionné ses clients sur divers axes :  l’autonomie de l’enfant, le lien social (lien durable gardé avec un local, un moniteur, un client…). Il a aussi essayé d’appréhender comment un séjour avait pu faire évoluer l’image d’une destination ou d’idées reçues sur le lieu visité. Des impacts positifs pas toujours faciles à appréhender, car beaucoup moins quantifiable qu’un impact économique ou environnemental. Comment de fait mesurer ces esprits qui s’ouvrent et ces échanges d’idées qui éclairent autrement les destinations à la faveur d’un voyage ? De même façon, difficile de mesurer l’autonomie acquise par un jeune pendant un séjour, la progression de son attention à l’autre, son implication solidaire accrue, etc. Des acquis pourtant bien plus importants que le seul fait de savoir si le jeune a bien mangé et assez dormi….  Elodie Marchais : « En outre, le retour des parents n’est pas simple non plus à obtenir quand la moitié seulement répondent au questionnaire de satisfaction. » Plus facile à percevoir en revanche, l’apport en ingénierie de formation quand des Marocains moniteurs de surf ou de kite décident à leur tour de fonder leur propre société ou apprennent à leur tour le surf à des petits Marocains qui bénéficient de leur expérience. Un travail de fond très inspirant et assez novateur, sur des impacts sociaux et sociétaux moins souvent pointés du doigt.

Colo kayak
Colonie dans le sud-ouest@DR

Beachcomber : privilégier le tissu social autour des hébergements du groupe

Lié à un groupement hôtelier basé à Maurice engagé dans la certification EarthCheck, Beachcomber Tours a récemment rejoint ATR avec une démarche de labélisation en cours et un fort intérêt pour le développement durable. David Simon (Directeur commercial et référent ATR) a ainsi pu citer plusieurs actions à fort impact social avec un groupe 100% mauricien qui soutient de nombreux projets via sa fondation Espoir Développement. L’un d’eux, portant sur l’employabilité des jeunes, forme des jeunes désœuvrés à des métiers de l’hôtellerie avec de très belles histoires de réinsertions professionnelles. Grâce à ce programme, près de 300 personnes par an intègrent les hôtels du groupe (3 500 personnes employés en tout via ce projet). Un impact social également renforcé par le fait que les hôtels de Beachcomber fonctionnent sur le concept de mini-territoire, chaque employé se devant de résider dans un rayon de dix kilomètres, ce qui permet de garder le tissu social autour de l’hôtel. Le groupe met aussi à l’honneur l’artisanat local via Local Hands, l’une des branches de sa fondation qui commercialise les produits des artisans leur servant ainsi de vitrine et les faisant bénéficier d’un marché. Aujourd’hui, Beachcomber a multiplié ses engagements durables et se félicite qu’avec l’ascenseur social, de plus en plus de Mauriciens soient à la tête des hôtels du groupe.

En guise de conclusion

Il y aurait encore beaucoup à dire et à écrire tant chacun des membres d’ATR a sa propre façon de réfléchir à cette question de l’impact social et économique, au cœur de la Charte de l’association ATR dont le respect des principes est un prérequis avant de se lancer dans la labellisation. Sur notre portail, nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer certains des engagements de Flockéo, Grand Angle, Ahimsa, Bynativ, la Balaguère, Nomade, Chamina, Vefe, Allibert, Salaün, Double-Sens, Grand Nord Grand Large, tous présents à Granville. Et parmi les absents, l’Arbre à Voyages, et Circuit Découverte Club Med ont aussi fait l’objet d’articles dédiés.Autant d’initiatives et d’exemples inspirants à suivre toujours et encore pour un partage d’expérience et de bonnes pratiques qui agrandissent sans fin le cadre de nos repères.


Sur l’ile de Chaussey au séminaire ATR à Granville©DR

Améliorer l’impact local des voyages à destination, une réflexion récurrente au sein des membres d’ATR | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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