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Sortie d’un ouvrage de référence sur l’état du développement durable en Chine

Professeur de géographie à l’Université d’Orléans, ancien élève de l’ENS diplômé de l’INALCO, Guillaume Giroir est aussi un spécialiste de la transition écologique et du développement durable en Chine. Il nous livre une énorme somme de près de 1000 pages – Le développement durable en Chine –  qui aborde le développement durable dans son acception la plus large. Avancée du désert, pollution de l’air, crise de l’eau, disparition de la biodiversité, trafics d’animaux sauvages et autres espèces menacées (…) sans omettre des sujets plus sociétaux comme la question des inégalités et des disparités sociales, de l’effondrement démographique ou de l’état de la transition énergétique et écologique. Mêlant recherche, analyses critiques, portraits, articles et prospective, Guillaume Giroir nous propose là une précieuse manne d’informations glanées lors de ses nombreux voyages en Chine. Il était présent à la librairie Phénix pour évoquer son ouvrage le 8 mars dernier, l’occasion de quelques éclairages passionnants….

Le développement durable en Chine

Un parcours atypique

Premier géographe français à avoir entrepris une approche régionale de la province du Shandong, Guillaume Giroir aime la diversité des approches et des terrains. Au fil de sa longue et riche carrière, il s’est tour à tour intéressé à la notion de transitoire en Chine appliquée aux banlieues de Pékin ; aux parcs naturels chinois, s’est essayé au consulting dans le monde du luxe sur des sujets allant de  l’habitat à l’horlogerie ; a étudié les enclaves résidentielles pour riches Chinois,  les vignobles dont l’exploitations en biodynamie dans la partie Ouest du Hebei d’un milliardaire reconverti ; au vin de glace produit à la frontière de la Corée du Nord dans le Liaoning, a exploré le village tibétain catholique de Cizhong dont l’église néo-romane est entourée d’un vignoble constitué d’un cépage français, le miel de Rose, qui n’existe plus que dans cette vallée du Mékong, etc. Actuellement professeur de géographie à l’Université d’Orléans, il est également directeur de l’Institut Confucius de cette même ville et poursuit ses recherches sur la transition écologique et le développement durable en Chine, en intégrant des notions de prospectives sur les différentes transitions possible afin d’imaginer le futur de la Chine d’ici à 2100 et de trouver des méthodologies scientifiques pour réduire les incertitudes quant à l’avenir du géant chinois.

Un ouvrage multidisciplinaire

Lorsqu’il décrit son ouvrage, Guillaume Giroir revient souvent à la notion de cycle ascendant ou descendant : « Pour moi, ce livre est structuré autour de la transition de cycle. Or, depuis 2013/2014, la Chine aborde un cycle descendant. Les taux de croissance entre 5 à 10 % sont derrière nous. A présent, les experts de la croissance chinois parlent plus d’un taux de croissance à 1,5% et d’un scénario à la japonaise. » Il précise combien l’immobilier qui a tiré toute l’économie chinoise (de 18% de taux d’urbanisation à 65% actuellement) joue de part la crise actuelle comme un frein à la croissance. « Actuellement en Chine, d’après le vice-directeur du bureau des statistiques, il y aurait assez de logements vacants pour caser trois milliards de personnes ! »  Entre 1978 et 2013, la population chinoise augmenté de 400 millions, quasiment Une Europe et ce, malgré la politique de l’enfant unique. Or aujourd’hui, en revanche, si on regarde les projections de l’ONU, elle pourrait décroitre de 700 millions d’ici à 2100. « On va avoir un contre choc ! ». Autre révélation de l’ouvrage, la question agricole liée à la sécurité alimentaire que Guillaume Giroir nous révèle bien problématique : « La Chine ayant connu une forte croissance, elle a sous-traité la question alimentaire recourant massivement aux importations ! » Résultat : une balance alimentaire déficitaire et le souhait de l’Empire du Milieu de revenir au plus vite à l’équilibre pour rééquilibrer ses échanges, avec toutefois une problématique de poids : la chute du nombre de paysans dans tout le pays.

Les rizières de Chine du Sud@GClastres

La question environnementale

En ce qui concerne les diverses pollutions (air, eau, sol, etc.) souvent évoquées dans le cas de la Chine, Guillaume Giroir pointe les « Trente-cinq Glorieuses » comme responsable de cet impact énorme sur l’environnement et la société et notamment la part prépondérante du charbon dans cette « phase sale de développement ». D’après ses analyses, après 2050, ces pics se stabiliseront (la chine s’est engagée à neutraliser ses émissions carbones à l’horizon 2060) et la phase sale se calmera en ayant atteint d’ici là un niveau très élevé. Et de citer certains des drames en cours aussi en lien avec des guerres de chiffres et d’informations, ces déserts dont on ne connait pas la superficie tant les surfaces cultivées font débat même en Chine, ces glaciers que personne n’est apte à dénombrer, ces écoquartiers avortés, mais aussi tous ces trafics alimentaires, animaliers, tels ces  cornes de rhinocéros qui circulent entre la Chine et l’Afrique ou ce commerce immonde des ânes pour utiliser leur peau (pour produire du collagène), etc. Un ouvrage qui dresse donc un véritable bilan général de l’impact des trois dernières décennies sur l’état de la Chine, en n’oubliant pas, outre la dimension environnementale, les nombreuses répercussions sur l’économique et le social. « Il faut toutefois prendre également en compte le vieillissement de la population ! D’ici 2050, la Chine va perdre 200 millions d’actifs. La théorie de la main d’œuvre illimitée c’est fini. »

Et demain, la Chine ?

Le dernier chapitre de l’ouvrage s’intéresse aux enjeux et perspectives avec quelques aperçus sur les scénarios possible à venir même si la question des data posent forcément problème, créant des incertitudes sur la réalité des données, voire les falsifications possibles, et de tout bord, le « China Bashing » étant aussi considéré. « Certes, la Chine a fait main basse sur de nombreuses terres en Afrique mais pas autant que ce prétend les Etats-Unis ». L’un des constats les plus tristes et préoccupants pour demain reste la certitude que certaines pertes sont d’ores et déjà irrémédiables. En ce qui concerne la faune par exemple, de nombreuses espèces ont bel et bien disparues comme la tortue géante à carapace molle ou le dauphin du Yangzi. « Il n’existe pas de pensée des droits de l’animal en Chine quand on sait que des fermes ont été créés pour extraire la bile des ours dans une vision totalement utilitariste de l’animal. » En outre, la crise économique touche drastiquement certains territoires comme le nord-est chinois qui a connu pour certaines provinces comme le Liaoning une croissance négative de son PIB. Les disparités intrarégionales sont également très marquées comme au  Guangdong où le développement reste très concentré au niveau du delta quand du côté de Shanghai on trouve parfois des lotissements de châteaux ! Entre 2021 et 2022, Xi Jinping a lancé une opération d’envergure pour éradiquer la pauvreté mais de nouveaux pauvres apparaissent entre personnes âgées, réfugiés climatiques, expulsés, jeunes précarisés, etc. Une sino américaine a analysé l’habitat souterrain à Pékin et estimé à un million de personnes ceux qui y vivaient, tristement nommés « La tribu des fourmis (ou des rats) ».

Monde apaisé
Un monde apaisé@GC

En outre, la pollution de l’air augmente malgré les efforts du pays, la Chine restant le principal émetteur mondial de méthane. « En 2014, Li Keqiang a déclaré la guerre à la pollution et depuis, le pays connait beaucoup moins de journées noires mais on est loin d’un air pur à Pékin, d’autant que les usines polluantes ont été déplacées dans le Hebei. » La pollution extrême a été contenue mais celle de base résiste. A la lecture de l’ouvrage, on peut aussi s’interroger sur la réalité de la transition énergétique quand la Chine importe massivement du charbon et plus que jamais, 4 milliards de tonnes en 2022, soit 400 millions de tonnes de plus que l’année auparavant. A savoir que plus d’une tonne de charbon sur deux consommées sur la planète est chinoise. Dans le même temps pourtant, les énergies non carbonées augmentent, mais Guillaume Giroir nous précise bien de faire la différence entre la puissance installée et l’utilisation effective, prenant l’exemple de l’électrique avec 41% de part de puissance installée pour 14% de consommation réelle totale. Il pointe aussi la Grande Muraille Verte, une aberration quand il s’agit de planter des arbres là où il n’y en a jamais eu, amenant à raréfier les ressources hydriques. «Il faudra 300 ans pour revenir à l’état des lieux de 1978 ». Des constations qui mènent à une conclusion en demi-teinte, reprenant cette idée des cycles, de l’expansion à l’attrition, avec des transitions nécessaires mais une interaction croissante de processus délétères. Alors, le chaos ou l’adaptation ? Guillaume Giroir nous laisse sur cette question pendante dans une Chine qu’il décrit plus puissante, plus technologique mais urbanisée, moins peuplée, vieillissante et moins dynamique. Jusqu’à une « Paix gérontocratique » ? Seul l’avenir le dira.


Ouvrage : Le développement durable en Chine, Etat des lieux et perspectives, Guillaume Giroir, Hermann Editions, 2024.

Librairie : Le Phénix. 72 bd. Sébastopol. Paris 2e.


Sortie d’un ouvrage de référence sur l’état du développement durable en Chine | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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