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Sources et ressources, quels enjeux autour de l’eau ?

| Publié le 4 octobre 2023
             

Dans la bataille de l’eau, quelles solutions durables pour le tourisme ? Tel était l’intitulé de la première table ronde des 9e Universités du Tourisme Durable centrées sur la thématique des « Sources et Ressources », et notamment des enjeux autour de l’eau. Car l’eau, c’est nos usages, bien sûr, mais aussi l’avenir du ski, du thermalisme (un atelier a été dédié à cette question !), la question de la gestion hôtelière, des campings, des conflits d’usage et bien d’autres interrogations encore !

Table ronde UTD Aix-les-Bains © DR

La vision de l’hydrologue !

Charlène Descollonges est ingénieure hydrologue. Son constat est sans appel, l’humanité s’approprie chaque année 24 000 milliards de m³ cube d’eau pour ses consommations. En France, chaque habitant en consommerait 5 000 litres par jour, parfois sans le savoir, juste parce que l’eau est partout, pour tout, et que l’on s’est habitué à en avoir à profusion sans même se poser de questions. Un kilo de bœuf est égal à 15 000 litres d’eau, un verre de vin 110  litres, une tasse de café 140. Charlène Descollonges nous l’assure : il va falloir changer de regard par rapport à une ressource qui fait déjà défaut, revoir tous nos modèles sinon, les risques sont clairs, à force d’artificialiser nos sols et de bétonner nos territoires, l’eau ne pourra plus s’infiltrer et ruissellera en surface. Une année de sécheresse comme 2022 sera la norme dans dix ans. « On a  déjà perdu plus de 90% de la biodiversité aquatique, c’est énorme ! »

Pour aller plus loin, elle a co-fondé une association, « Pour une Hydrologie Régénérative », qui vise à proposer des solutions et à alerter sur l’urgence d’agir. « Il faut se préparer à des pénuries d’eau ! » Sur le front du tourisme par exemple, il y a un vrai problème d’accès aux données chiffrées, l’empreinte « eau » du secteur est d’autant moins claire qu’elle doit aussi  prendre en compte les besoins énergétiques. En outre, au niveau des territoires,  65% des nappes ont des niveaux anormalement bas, les rivières s’assèchent, les nappes ne se rechargent plus. La question du ski est évidemment très sensible avec des retenues collinaires qui font débats. « Je comprends les acteurs des stations de ski n’aient pas d’autres options économiques mais il faut aussi penser à la  pérennité de leur modèle. Si on veut sauver le vivant, on n’a plus le choix. On est à un carrefour où on doit prendre des décisions courageuses à l’image de la station de Métabief dans le Doubs, qui a annoncé la fin de la neige artificielle à l’horizon 2030. »

Ces rivières qui souffrent © DR

La vision du gestionnaire public !

Gauvain Ramis est responsable de la Communication de Vendée Eau, le service public de l’eau potable en Vendée qui gère la production et la distribution sur l’eau potable sur l’intégralité du département, pour le compte des collectivités locales. En Vendée, la question du stress hydrique n’est pas neuve car les nappes sont réduites (absence de grands fleuves !). Treize retenues de barrages fournissent 80 % de la ressources en eau potable du département, soit 50 millions de m³ pour 40 millions de m³ de consommation. Dans un département de 700 000 habitants qui accueillent 5 millions de touristes chaque année, le défi est de taille. A Noirmoutier par exemple, le besoin en eau est multiplié par huit quand les touristes sont là. Résultat, avec des précipitations plus rares, un stock hivernal de plus en plus réduit qui doit alimenter tout l’été, le département n’a pas eu d’autres choix que d’associer tout un panel de solutions techniques (réutilisation des eaux usées, travail sur le rendement des usines, etc.) à de fortes incitations sur la sobriété des usages. « On a relancé un projet avec Vendée Expansion qui est l’agence de développement départementale du tourisme et à  la fédération, pour  faire une étude sur les consommations à l’échelle d’une trentaine de campings. » Concrètement, Vendée Eau est venu poser tout un tas de sous-compteurs dans les campings pour identifier les sources de consommations, les quantifier surtout, pour pouvoir ensuite, après cette étude, apporter des conseils et des solutions techniques pour optimiser les consommations.

Parallèlement à cette opération, le département a réalisé des opérations de sensibilisation afin d’expliquer aux touristes en Vendée, qu’ils sont les bienvenus sur le territoire, mais qu’on leur demande simplement dans un contexte de stress hydrique, d’être sobre, économe sur leur usage en eau potable avec quelques écogestes faciles à pratiquer pour que tous puissent bénéficier de vacances sous soucis et sans manque d’eau. Concrètement, si on part du fait qu’une douche, c’est 10 à 15 litres d’eau par minute, soit 150 litres d’eau pour une douche de 10 minutes. Sachant que la Vendée enregistre environ 30 millions de nuitées de camping chaque année, si chaque campeur passe 1 mn de moins sous la douche, c’et 3 millions de litre économisés. CQFD ! « On est là pour faire comprendre la problématique de l’eau. Cet été, on est allé approcher les touristes en sortie de plage directement avec une animation ludique, un petit quizz, où on venait proposer et interroger les touristes sur des écogestes qu’ils pratiquaient. On a également développé une balayette de plage, 100% fabriquée en France, que l’on offre à certains touristes pour enlever le sable sans utiliser d’eau. ». En tout, 11 000 personnes ont été sensibilisé tout l’été en Vendée, avec également force campagnes médiatiques, d’affichages, etc.

La vision de l’Office de Tourisme local !

Alexis Aubespin est Directeur Général de l’Office de Tourisme de Serre-Ponçon, connu pour son lac éponyme, résultat d’un barrage construit dans les années 1960  pour maitriser les crues de Durance alors meurtrières (jusqu’à 1000 m³/seconde). Mais on connait la chanson. Le changement climatique, les sécheresses qui se multiplient. A l’été 2022, le lac se retrouve à 20 m au-dessous de son niveau plein. Des chaussures de randonnée sont nécessaires pour accéder à l’eau. Pour les acteurs du tourisme, ce manque d’eau représente une vraie perte d’activité, d’autant qu’il faut partager avec le monde agricole (200 millions de m³ lui sont réservés l’été). Alors, Alexis Aubespin nous l’explique, il y a aujourd’hui deux écoles sur le territoire : ceux qui veulent faire des efforts sur la gestion de l’eau mais se retrouve parfois en conflit d’usage avec certains secteurs comme ces agriculteurs qui aspergent le maïs en pleine journée les jours de fortes chaleur… ; et les aménageurs, qui estiment que si le niveau d’eau baisse, il faut réaménager les plages pour garantir l’accès de l’eau aux touristes.  Et pointe alors la question de la gouvernance de l’eau. Et cette intervention de Charlène Descollonges qui évoque les « parlements de l’eau », ces instances où se décide et se partage tout ce qui concerne l’eau sur un territoire avec 50% des sièges réservés aux élus locaux, 25% pour les usagers (agriculture, tourisme, etc.) et le restant aux services de l’état ; des parlements qui se doivent de faire les feuilles de route sur les priorités dans les territoires. Charlène Descollonges : « Il faut aller dans ces parlements, les faire connaitre, en parler. Le sujet est très fermé, le fonctionnement très opaque, mais on a besoin de débloquer ça, on a besoin d’une nouvelle gouvernance de l’eau ! »

Lac de Serre-Ponçon © DR.

La vision de la Fédération Thermale et Climatique Française

Jean-François Béraud est Président de la Fédération Thermale et Climatique Française. Une activité que l’on sait très gourmande en eau et en énergie. Mais Jean-François Béraud explique : « Il y a environs 90 stations thermales actuellement en France qui, pour la plupart, ont des sources thermales en grande profondeur et sont donc peu impactées par les évènements climatiques récents, en particulier la sécheresse Il faudra une centaine d’années avant qu’une sécheresse puisses avoir des conséquences sur nos sources. » Il précise que l’activité thermale a été précurseur dans la gestion de l’eau minérale et reste très encadrée par la législation puisque les eaux minérales ont un débit maximum autorisé. Par exemple, une source ne pourra pas être exploitée pour plus de 30 ou 40 m³. Il reste toutefois conscient que l’on ne va plus pouvoir continuer ainsi, qu’il y a aujourd’hui un grand gaspillage organisé et que la pédagogie ne suffira sûrement pas si des mesures drastiques et des plans imposés ne sont pas également mis en place. Et d’autres questions se posent encore car certes les eaux de grande profondeur ont une plus grande inertie, mais à force de sécheresses cumulées, elles finiront elles aussi par avoir du mal à se recharger. Sans compter les mètres cubes d’eaux communes utilisées pour l’ensemble des hôtels et des installations qui accueillent les touristes dans les villes thermales.

La France compte 90 villes thermales ©DR

En guise de conclusion

Education, sensibilisation, contrainte, législation, progrès technique, les solutions évoquées sont nombreuses et souvent cumulables. En Vendée, outre les différents dispositifs mis en place, on se dirige vers une tarification saisonnière de l’eau pour que l’été, quand la ressource est plus rare, les touristes participent. Des hôteliers réfléchissent quant à eux à des tarifications indexées sur les consommations d’eau pour responsabiliser les clients. Charlène Descollonges prône la sobriété mais aussi, questionne l’aménagement du territoire. « Il y a  un vrai sujet sur les rendements de l’eau potable. Il faut aider élus et agriculteurs à imaginer une nouvelle façon d’aménager le territoire en travaillant autour du vivant et du végétal. » De nombreuses solutions techniques sont aussi pointées, mais la réalité du réseau d’eau potable est complexe en France, les difficultés techniques ne manquent pas. Et puis, il y a toutes ces micro-solutions, ces petits gestes que chacun d’entre nous peut faire : mettre des bouteilles ou des sacs de sable pour diminuer l’eau du réservoir de la chasse d’eau, prendre des douches plus courtes, faire réparer ses fuites d’eau. Gauvain Ramis : « Si chacun agit à son échelle sans contrainte particulière, les résultats sont très rapides et très visibles. Avec quelques écogestes de base, un foyer pourra économiser jusqu’à 25% de sa facture d’eau. » Un argument et aussi un enjeu économique qui devrait être entendu, à l’image des efforts individuels faits l’hiver dernier sur les températures du chauffage pour éviter que les factures ne flambent.

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Les Universités du Tourisme Durable sont organisés chaque année par l’Association ATD, Acteurs du Tourisme Durable. Rejoignez les : Accueil Acteurs du Tourisme durable | Tourisme durable (tourisme-durable.org)

Aller plus loin avec Charlène Descollonges :  Formation – Les enjeux de l’eau (sator.fr)

MOOC en ligne pour engager tout le monde dans cette aventure de l’ eau.


Sources et ressources, quels enjeux autour de l’eau ? | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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