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Voyage entre Musique et République de la Révolution au Front populaire.

| Publié le 28 mars 2025
Thèmatique :  Éducation   Projet solidaire 
           

Si le Front Populaire et notamment l’année 1936 sont souvent associés aux premiers congés payés et à l’avènement du temps libre, on oublie souvent que c’est aussi à la faveur de ce temps libéré que beaucoup d’ouvriers et travailleurs eurent accès aux loisirs et à la culture. Apparurent alors de nombreux mouvements de jeunes comme la guilde française des joueurs de pipeau sans oublier les petits carnets de chant, qui prospérèrent avec l’essor du scoutisme. Le Front populaire, une époque d’effervescence qui clôt magnifiquement l’exposition « Musique et République » se tenant du 25 mars au 14 juillet aux Archives Nationales, l’occasion de revisiter notre Histoire entre musique et république à l’aune d’instruments, de partitions, de documents et de musiques emblématiques où l’on ne sera pas surpris de trouver La Marseillaise à l’honneur.

MusiqueEtRépublique©DR

A l’affiche, Étienne-Nicolas Mehul et son Chant du départ.

Difficile de passer à côté d’une affiche aussi évocatrice, Étienne-Nicolas Méhul, l’un des compositeurs majeurs de la Révolution, représenté enseignant les chants patriotiques au peuple de Paris dans un tableau de 1870 réalisé par Charles-Victor-Eugène Lefebvre. Les deux commissaires Marie Ranquet et Sophie Levy en témoignent, les Archives Nationales conservent un fonds considérable de partitions et de musiques qu’elles souhaitaient faire revivre, des airs composés pour célébrer les acquis de la Révolution, des musiques et textes envoyés parMonsieur et Madame Tout-le-Monde, un élan national que la direction des Archives a souhaité étendre jusqu’au Front Populaire. Passé l’imposante cour de pierre des Archives bordée de pilastres et de grands panneaux explicatifs, il faut monter à l’étage par l’escalier d’apparat pour découvrir une scénographie tripartite : « Sous la Révolution » ; « la diffusion de la pratique musicale » & « les Luttes » avec, au centre de l’espace, une envolée de partitions de la Marseillaise, certaines inédites, dont la toute première édition.

Georges-Bertin Scott (1843-1942). « Marthe Chenal chantant la Marseillaise ». Fusain rehaut de gouache. Paris, musée Carnavalet.©DR

La Révolution de la Musique

Dès 1789, les révolutionnaires vont beaucoup s’inspirer de la musique pour asseoir leur légitimité, encourageant la composition d’hymnes, de chants et de marches à la gloire de la patrie. Le temps est à l’élan, à la fête, et le peuple n’hésite pas à s’exprimer. Sous les vitrines de la première salle, de nombreuses partitions dont une chanson patriotique du poète et chansonnier tarnais Guillaume Lavabre sur « La guérison de Marianne » (La Garisou de Marianno, cansou patriotiquo) révèle peut-être la première occurrence de Marianne sous la République. Autre document, ces stances à mettre en musique pour être chantées dans les fêtes de la Paix qui datent du 7 floréal de l’an V (26 avril 1797). L’époque est à la fièvre, la musique descend dans la rue, des fêtes révolutionnaires sont organisées toutes les décaties (dimanche) et rythment le quotidien. Dans ce tourbillon, les instruments à vent, plus populaires, éclipsent les vents. On en retrouve quelques-uns sous vitrine, le serpent, le basson russe, mais aussi le buccin (trombone à coulisse) dont c’est l’âge d’or. En 1795, c’est la naissance du Conservatoire de musique, il sera mixte dès l’origine, avec 350 élèves dont tous les grands compositeurs de l’époque. On retrouve Méhul, et bien d’autres, dont les plus grands.

Jean-Baptiste Lesueur (1749-1826). « Garde nationale parisienne sous la Révolution ». Gouache sur carton découpé collé sur une feuille de papier lavée de bleu. Paris, musée Carnavalet.©DR

La formation musicale des citoyens

L’un des acquis de la Révolution est la démocratisation de l’accès à la musique partout et pour tous. Ainsi, dès 1794, il est question de former l’ensemble des citoyens à la musique, bien au-delà de Paris, avec la création d’établissements musicaux dans tous les départements. De nombreuses méthodes instrumentales sont publiées, la Saxone, celle de « la mère de famille ». De nombreuses pièces continuent à être commandées aux compositeurs avec des lectures à vue, des concours, mais la musique envahit aussi la rue, avec force harmonies, orchestres et fanfares municipales. Les lieux d’écoute se multiplient : kiosques à musique, bals populaires, goguettes, cafés-concerts. Dès 1882, l’enseignement de la musique devient obligatoire à l’école primaire.

Buccin. Collection Bruno Kampmann. ©DR

Le tournant du siècle n’est pas loin mais la radio et le disque n’ont pas encore fait leur apparition, favorisant la musique que l’on retrouve partout, à  l’école, dans la rue, au cœur des villes, dans les usines. Sous vitrine, une bannière d’harmonie, celle de Saint-Eloi (saint patron des métallurgistes), fondée en 1953 par les ouvriers des Aciéries du Saut-du-Tarn. Celle d’Ernay, en Mayenne, fondée en 1847, est encore active aujourd’hui. Au fil des années toutefois, l’ambivalence entre la pratique amateur et la pratique savante se fait de plus en plus sentir. Les débats font bon train sur l’accès à la musique pour tous. En 1870, il est question de créer un opéra populaire pour la ville de Paris, ce sera finalement refusé par le Ministère. La musique doit-elle être réservée aux bourgeois ou être gratuite ? Le ministère réservera finalement des représentations gratuites pour le peuple.

L’Insurgé. Livret musical. Couverture©DR

Contester en musique

Au tournant du 19e puis au fil du 20e siècle, la lutte s’exprime aussi en musique, avec des œuvres engagées et des chansons patriotiques comme la Cigogne que l’on peut découvrir sous une vitrine et dont les paroles rappellent aux petits Alsaciens que, sous le joug allemand, ils ont été privés de la France quand la Cigogne pouvait s’y envoler… Une pratique musicale que l’on retrouve jusque sur le front, que ce soit via les instruments fabriqués dans les tranchées, les gazettes envoyées aux soldats pour maintenir le lien ou dans les concerts donnés à leur retour. La musique fédère aussi les luttes, les revendications sociales et les mouvements ouvriers à l’image de la Marseillaise de  Fourmies, petite ville industrielle de l’Avesnois qui deviendra un symbole de l’histoire française mais aussi, plus largement, du mouvement ouvrier. La grève des filatures menée sur l’air de la Marseillaise locale – « Allons forçats des filatures !»  se soldera dramatiquement par neuf morts.

Jean-Baptiste Lesueur (1749-1826). « Le Serment Républicain, 1792 ». Gouache sur carton découpé collé sur une feuille de papier lavée de bleu. Paris, musée Carnavalet.©DR

Enfin vient le temps du Front populaire, avec force  musique, Ravachole et slogans. Sont entre autres exposés le rondo de Noël, le Fascicule de l’Ecole libératrice mais aussi, ces chansons comme autant de revendications  « Poupette, je veux jouer du piano ». C’est le temps des loisirs, de la révolution Sax et de l’éducation populaire. Les mouvements de jeunesse se développent. Jean Zay, ministre de l’Education nationale et des Beaux-Arts dans le gouvernement de Léon Blum poursuit les réformes pour l’accès à l’éducation et à la culture. L’offre musicale s’intensifie, pénétrant tous les espaces. Le visiteur pourra y prêter yeux et oreilles en expérimentant plusieurs casques et bornes musicales dont une salle d’écoute, où le temps de 15 minutes, plusieurs chansons engagées enregistrées notamment par les élèves du Conservatoire national de musique, partenaire de l’exposition, permettent de réécouter ou découvrir « Le Chant des Canuts », « La Ravachole », « l’hymne aux martyrs de la Liberté », etc. Et impossible de quitter l’exposition sans revenir vers l’espace dédié à La Marseillaise où il sera là-aussi possible d’entendre la toute première version enregistrée.

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Musique et République. De la Révolution au Front populaire. Du 26 mars au 14 juillet 2025. Exposition Gratuite. Hôtel de Soubise. 60, rue des Francs-Bourgeois. Paris 3e.

MuisqueEtRépubliquee©DR
Sous le Front Populaire. La Française©DR




Voyage entre Musique et République de la Révolution au Front populaire. | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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