Bon Pote : le hacker climat qui dérange pour notre plus grand bien
Fierté + +, car ça faisait plusieurs mois que j’essayais d’obtenir une interview avec Thomas Wagner, alias Bon Pote, que je cite beaucoup dans mes billets. J’apprécie particulièrement les sujets qu’il traite avec énormément de rigueur scientifique et je voulais avoir son regard éclairé sur les enjeux climatiques liés au tourisme. Merci à lui pour son temps précieux et pour sa sincérité !
L’activiste heureux !
Thomas Wagner alias Bon Pote commence à écrire sur son blog en 2018. Son but : vulgariser les constats alarmistes des conséquences du changement climatique. Après un bon début de carrière dans la finance, Thomas quitte son job et sort de l’anonymat en 2020 pour se consacrer pleinement au blog qui cartonne ! 134 000 abonnés sur LinkedIn, 62 000 sur Twitter et 152 K sur Instagram. En même temps quand on voit la qualité de ses articles, pas étonnant que ça prenne ! Je suis agréablement surprise du contenu scientifique hyper sourcé de ses articles sur des sujets particulièrement complexes. Tu veux (presque) tout comprendre sur le climat ? Lis Bon Pote !
Ce mec est une vraie machine de boulot, un article en moyenne par semaine (en faisant la synthèse de dizaines d’articles techniques souvent en anglais). Moi qui démarre dans la recherche, un article par semestre c’est déjà énorme ! Bravo à lui ! Le type bosse tous les jours sans prendre de vacances, quelques off par-ci, par-là et je n’ai pas l’impression qu’il dorme beaucoup. Je vous invite de plus à lire les commentaires qu’il fait à certains dirigeants ou influenceurs sur LinkedIn où il dénonce le greenwashing des grosses boites polluantes. Il me dit préférer le « je m’en foutisme » au greenwashing ».
Mais malgré certaines attaques (sur son ancien métier dans la finance, sa possession d’un IPhone ou sur ses calomnieux voyages à Dubaï), Thomas n’a pas l’air traumatisé par les quelques lyncheurs. Il me livre que 99% des messages qu’il reçoit sont pour le féliciter sur son travail, notamment la belle récompense des scientifiques qui lui écrivent pour le remercier. Il se rassure de plus : « mes propos sont prouvés scientifiquement par des experts et je réponds aux attaques par des faits avérés qu’on ne peut pas me reprocher ».
Quand le tourisme fait l’autruche
« Il ne faut pas tuer le tourisme mais le changer ». Sur ça, on est bien d’accord ! Le tourisme c’est la rencontre et la découverte (et si nous parlions d’hospitalité d’ailleurs, chère à nos amis Les oiseaux de Passage), l’idée n’est pas de faire sans, mais de réformer le secteur pour plus de sobriété en évitant notre mort social. C’est vrai qu’il y a peu de mesures coercitives proposées dans le cadre légal. On a clairement un train de retard dans la transition de notre secteur (rien de particulièrement ambitieux dans le code du tourisme, de l’urbanisme ou des collectivités). Malgré certains initiatives locales vertueuses, les politiques ne bougent pas (trop). On pense notamment au dilemme de l’accueil des clientèles étrangères arrivant par voie aérienne et facteur de pollution.
Qu’est-ce qui impacte ? Astuce mnémotechnique avec BATI : Bâtiments / infrastructures, Agriculture / alimentation, Transports et Industrie. Côté tourisme, 11% de gaz à effets de serre (GES) pour le secteur dont 77% concernent les transports et 53% rien que pour l’aérien (source : ADEME). A cela, 20% de GES pour les prestations (logement, repas et achat) dont 7% pour l’hébergement. Alors on fait quoi ? Sobriété + efficacité énergétique + intensité carbone, le fameux « moins mais mieux ». Ça passe donc par refuser certaines destinations lointaines accessibles facilement en low-cost et on boycotte les aménagements touristiques aberrants comme cette pépite trouvée récemment : une piste de ski artificielle.
Le bullshit de la neutralité carbone
Thomas parle beaucoup des conséquences climatiques de nos transports et tape sur l’aérien. Pour lui, il faut engager une politique ambitieuse de décarbonation et diminuer drastiquement le trafic aérien. Comme certains le proposent, pourquoi ne pas mettre de quotas dans l’usage de transport aérien ?
Autre règlement de compte, avec les aéroports cette fois-ci sur leur discours de neutralité. D’ailleurs, « un aéroport neutre en carbone c’est comme une kalashnikov de commerce équitable“ (Stefan C. Aykut, auteur de « Gouverner le climat »). Notre Bon Pote dénonce le greenwashing des aéroports en questionnant sur l’organisme certificateur agréé (ou pas), les méthodes de calcul et accès à la data (indicateurs SMART, vraiment ?), sur les périmètres pris en compte dans l’empreinte (il semblerait que les aéroports ne tiennent pas compte des émissions du trafic aérien dans leur bilan carbone… Euh on rit ou on pleure ?) et sur le débat de la compensation (différence à faire entre zéro émission et net zéro – c’est-à-dire l’équilibre entre émissions des GES liées aux activités humaines et retrait des émissions de l’atmosphère). Et il garde dans son discours le coût social de l’aérien, quand on sait que plus d’un français sur trois ne part pas en vacances (source : UNAT).
A côté de ça, il a écrit son plaidoyer pour la bicyclette en cassant les idées reçues sur l’usage du vélo en valorisant les opportunités de création d’emploi, l’inclusion tarifaire (ça restera toujours moins cher qu’une bagnole), la limite d’usage des sols pour lutter contre l’artificialisation ou encore les effets bénéfiques pour la santé.
Influenceur.euse.s : tou.te.s (ir)responsables ?
Bon Pote m’avait inspiré une chronique « coup de gueule » en janvier dernier quand j’avais appris la réouverture de Maya Bay du film La Plage. Est-ce cool de prendre l’avion pour un court voyage au vue de l’impact environnemental du séjour ? Déjà, mesurons l’empreinte carbone de notre vol, sur du long courrier, on atteint vite les 4 tonnes d’équivalent CO2 alors que les experts préconisent de tendre vers les 2 tonnes par personne et par an, pour reprendre la stratégie nationale bas carbone (la fameuse SNBC), on comprend vite que les vols aériens flinguent notre empreinte globale (trier vos déchets et pisser sous la douche ne suffiront donc pas).
Il a même lancé un sondage auprès de sa communauté pour savoir « si on t’offre un aller-retour à Tahiti en sachant l’empreinte que ça représente, est-ce qui tu y vas ? ». Clairement les influenceurs ont un rôle à jouer et une responsabilité éthique à sensibiliser l’usage raisonné (voire banni) de l’aérien. Hacker ces influenceurs irresponsables, ça paie parfois. Le youtubeur FastGoodCuisine proposait de livrer un McDo en jet privé mais a retiré rapidement sa vidéo. Idem pour Jamy (C’est pas sorcier) qui faisait gagner des courts séjours à l’autre bout du monde. Dernier scandale faisant écho au projet de loi de Julien Bayou de bannir les jets privés, Kylie Jenner postant fièrement une photo sur son Insta devant 2 jets avec la mention « Chéri, on prend le tien ou le mien ? ». Taulé de sa communauté de 350 millions de followers. Pour décrypter les enjeux de ce projet de loi, tout est dit dans son dernier article. En effet, 63 milliardaires polluent plus que 50% de la population (source Oxfam et Green Peace) et plusieurs bloggeurs dénoncent l’usage plus qu’excessif des jets par certaines célébrités. Je vous invite à suivre I Fly Bernard et Celebrity Jets où vous découvrirez que Taylor Swift a émis plus de 8 000 tonnes de CO2 cette année (on est en août quand les chiffres tombent).
Ma sélection d’articles écrits par Bon Pote
Personnellement, je lis l’ensemble des articles publiés par Bon Pote et j’essaye de suivre au max ses publications sur les réseaux sociaux (#groupie). Je vous ai préparé une petite liste des contenus qui m’ont marqué.
- A lire et à offrir : Tout comprendre (ou presque) sur le climat aux éditions CNRS (la classe !!) en collaboration avec Anne Brès (médiatrice scientifique à l’INSU), Claire Marc (médiatrice et graphiste pour l’agence Méduse communication), sous la direction de JF. Doussin (directeur scientifique à l’INSU) et avec la préface de Valérie Masson-Delmotte (coprésidence du groupe 1 du GIEC).
- Les infographies et notamment celles sur les rapports du GIEC (à imprimer et afficher dans son bureau), il y a un vrai travail de facilitation visuelle qui nous aide à comprendre la complexité (réelle) des phénomènes climatiques. Vous pouvez tout de même lire la synthèse l’intention des décideurs (60 pages du résumé contre 3000 pour le rapport complet) ;
- Son super article sur les 12 excuses de l’inaction qui m’aide beaucoup à comprendre les comportements et arguments des « passifs climatiques », art de la rhétorique quand tu nous tiens !
- Son billet avant les grosses canicules en France qui parlait des catastrophes en Inde et Pakistan (totalement passées aux oubliettes des médias grand public). On y découvre des (nouveaux) indicateurs comme l’indice de chaleur pour la santé. Ça m’avait fait penser à un indicateur sur lequel j’aimerai travailler pour ma thèse : l’indice climato-touristique de Mieckzkowski qui lie impacts climatiques au confort du visiteur.
- Un petit dernier rigolo pour la route : hommage de Thomas à son coiffeur (neurones et humour ne sont pas incompatibles !).
Y a plus qu’à lire tout ça !!
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Par Caroline Le Roy
Bretonne et fière de l'être, j'ai toujours été sensible aux enjeux du développement durable tant dans mon bénévolat associatif que sur mon rapport à la nature. J'ai pu évoluer dans le réseau des parcs naturels régionaux où j'ai eu la chance d'accompagner des acteurs touristiques du changement. Ma sensibilité a rapidement évolué en engagement puis en militantisme. Mon défi professionnel est de développer un tourisme respectueux de la planète et des hommes grâce à l'accompagnement et le conseil aux professionnels sur les nouvelles tendances touristiques et sur les attentes des clientèles toujours plus exigeantes. Enfin je souhaite faire prendre conscience d'une conciliation possible entre transition environnementale et besoin client appliquée au tourisme et au quotidien. Je suis actuellement en préparation d'une thèse doctorale sur le vaste (mais non moins passionnant) sujet de la performance environnementale du tourisme.
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Super intéressant