Saint-Pierre-et-Miquelon : un collectif « durable » pour demain ?

Ils sont hébergeurs, restaurateurs, accompagnateur en montagne, prestataires de service, producteurs… ; après plusieurs réunions de suivis avec pour aboutissement une charte (adoption définitive le 1^er octobre) et un référentiel, les professionnels du tourisme de Saint-Pierre-et-Miquelon ont à présent toutes les cartes en main pour tenter de faire évoluer leur structure vers un tourisme plus durable. Nous avons recueilli le témoignage de plusieurs d’entre eux. Ils nous ont raconté le chemin parcouru et confié leurs priorités pour l’avenir. Reste à faire vivre le collectif, c’est-à-dire l’écosystème qui pourra naitre de ce travail au long cours visant également à créer des synergies et des partenariats entre tous ces acteurs désireux de s’engager pour leur territoire.

Prendre soin du territoire

Gilles Gloaguen est à la tête d’Escapade Insulaire, une structure qu’il a créée et qui lui permet de faire découvrir les paysages de l’archipel. A la fois accompagnateur en montagne et naturaliste, il allie ses compétences et organise treks ou sorties « nature » pour permettre de découvrir la biodiversité locale. Alors, forcément, le tourisme durable, c’était une évidence pour lui. « Tout est transversal, la randonnée, la faune, la flore, la géologie, les traditions locales, je propose une approche sensible et les clients adorent ça. » Gilles a participé au travail collectif de la charte, il a toutefois rempli le référentiel de la Charte et identifié les points d’amélioration susceptibles de l’intéresser : « Je ne suis pas concerné par toutes les thématiques mais il y a des points sur lesquels je pourrai m’améliorer et en ce sens, les critères d’éco-performances m’ont permis de visualiser là où je n’étais pas au top. »

 Il cite notamment les déchets, qu’il trie mais rassemble souvent dans un sac commun. Gilles a toutefois d’ores et déjà les réflexes de base de tout organisateur de trek soucieux de préserver « son terrain de jeu », il ramène ses déchets, nettoie systématiquement les « ronds de feux » de ses bivouacs afin de laisser le moins de traces possible, et bien évidemment, s’évertue à proposer des produits locaux à ses clients, des plantes et des petits fruits sauvages, même si le transport et la conservation peuvent parfois être un frein, pas toujours simple en randonnée. Il lance toutefois : « J’aimerais quand même proposer davantage de produits locaux dans mes repas, pour mettre encore plus en valeurs le territoire et ses différents acteurs. »

Valoriser les producteurs locaux

Émeline Momerency, a pris son poste d’assistante de direction aux Terrasses du Port en mars dernier, extrêmement enthousiaste à l’idée de participer à ce projet de charte et de référentiel pour ce complexe hôtelier quatre étoiles situé sur Saint-Pierre comprenant hôtel, restaurant, spa et salle de sport. « Cela nous a motivé dans notre engagement pour un tourisme plus durable. On a rempli le dossier et on était présent dès la première réunion. » Pour Émeline, les points forts de l’hôtel, récemment construit (2020) sont nombreux. L’établissement joue un rôle actif dans la promotion des activités patrimoniales et artistiques locales en mettant en valeur, sous vitrine, des bijoux et créations d’artisans fabriqués dans l’archipel mais aussi de nombreux produits locaux. Émeline cite également la mise en avant du « Fait Maison » au restaurant avec des options végétariennes et locales, valorisant les produits et de qualités des producteurs locaux.

Elle cite les confitures artisanales de la Ferme de l’Ouest, les œufs de la Volière des Îles, ainsi que les fromage de chèvre de Miquelon, quand à Saint-Pierre, la Ligne Verte fournit des légumes, herbes et aromates de première fraîcheur grâce à sa ferme hydroponique venant enrichir l’offre locale du restaurant. L’hôtel tente également de sensibiliser ses clients au tri des déchets, propose des distributeurs de shampoings et gel douche plutôt que des produits d’accueil individuels pour éviter le plastique, et les invite même à participer aux économies d’énergie et de lavage : « On offre deux tickets boisson aux clients qui acceptent que l’on ne nettoie pas leur chambre durant l’intégralité de leur séjour et cela marche très bien, près d’un client sur trois est partant. » Enfin, pour être cohérent dans cette démarche, l’hôtel a formé ses employés aux écogestes et mis en place des affiches pour sensibiliser le reste du personnel. Quant à l’avenir, plusieurs priorités ont été identifiées : « mettre en place une démarche RSE reconnue pour renforcer notre engagement, structurer nos actions et avoir un impact positif ; et mettre à disposition des moyens de déplacement doux tel que des vélos qui seraient disponible en location. »

Avoir un impact environnemental le plus minime qui soit

Hébergeur également, mais côté Miquelon, Morgan Hansen propose avec son épouse Cindy des tiny houses équipées de panneaux solaires qui permettent de grosses économies d’énergie. Sur le site de l’entreprise, « Chez Adrien », on vous propose « d’expérimenter une immersion écologique avec les tiny houses des Cabanes du Cap. » Autant dire que le projet d’un référentiel et d’une charte incitant les professionnels de l’archipel à s’engager pour plus de durabilité était déjà une évidence pour le couple. Nichées entre ciel et terre, ces hébergements légers de loisirs « intègrent des principes durables tels que des toilettes sèches et des panneaux solaires, assurant une empreinte minimale sur l’environnement. » avec une autonomie de 100% qui permet de ne rien consommer sur le réseau. Morgan : « On a supprimé l’intégralité de tout ce qui était énergivore, les plaques sont au gaz, la bouilloire sifflante, l’été on ne consomme rien et l’hiver, on peut passer sur le réseau, pour compléter. » Le couple a bénéficié d’un financement de la Collectivité Territoriale qui souhaitait privilégier ces habitats écoconstruits issus de circuits courts et de partenariats locaux. Le projet est prolongé par une offre de mobilités douces avec des vélos électriques.

Morgan : « Pour nous, il était totalement logique de participer à ce projet. Il est dans la mouvance de ce que l’on souhaite faire depuis le début : créer un tourisme vert et véhiculer des valeurs d’écoresponsabilité. La charte s’inscrit totalement dans la continuité de nos projets. » A l’avenir, le couple prévoit d’ouvrir une quatrième cabane qui sera adaptée aux PMR (Personnes à Mobilité Réduite) et d’ouvrir un café, un projet zéro déchet avec des paniers pique-nique totalement réutilisables. La charte et le référentiel ont aussi donné envie à ces jeunes entrepreneurs de travailler sur le volet social : « On prévoit un partenariat avec un ESAT pour travailler avec des personnes en situation de handicap (ESAT). » Sur l’environnemental, Morgan souhaite se lancer dans le compostage, passer ses douches en brumisateur pour économiser jusqu’à 70% d’eau mais précise que l’entreprise est déjà très avancée et souhaite surtout affiner chacune de ses actions. « On est davantage dans le détail. »

Créer un collectif

Gilles, Émeline, Morgan, trois professionnels qui s’engagent et souhaitent aussi renforcer les partenariats et synergies locales, dans l’esprit de la charte et dans l’objectif de poursuivre un travail en cours qu’il va falloir désormais animer en local. D’ores et déjà, ils sont déjà plusieurs à travailler ensemble et commencent à se structurer. Morgan : « Augmenter le relationnel avec les partenaires locaux fait partie de nos objectifs. On travaille parfois avec Gilles, avec les hôtels de St Pierre. Ça peut permettre de créer un réseau. » Émeline évoque également ce nouveau projet des Terrasses du Port qui vise à proposer des expériences axées sur les richesses territoriales nocturnes. Gilles en propose déjà. Des synergies pourraient se créer. Gilles : « L’hiver, passer une soirée dans une forêt boréale au feu de bois, les gens adorent et peuvent même venir après leur travail. » Gilles envisage aussi des collaborations avec Morgan dont les cabanes correspondent bien à son approche nature.

Alors le tourisme durable, un avenir pour l’archipel ? Émeline : « On a aussi mis en place du covoiturage en ouvrant une page Facebook, cela permet de venir chez nous en diminuant l’impact écologique de nos véhicules. Sur Saint-Pierre, il n’y a pas de bus, on utilise beaucoup la voiture. » Bien des projets donc avec l’idée aussi d’entrainer tout le monde dans l’aventure. Émeline : « On tend tous vers le tourisme durable à notre manière, d’autres aussi ont répondu présents et auront leur mot à dire. Les choses commencent à changer, cela va avancer. » Morgan : « Je pense qu’il ne nous faudra pas tant une tête de réseau qu’un collectif type les Chevaliers de la Table Ronde. Si émulation il doit y avoir, il faut que les acteurs comprennent la charte et la vive pour de vrai. On ne pourra pas les forcer. ».

Au mois d’octobre, une réunion de bilan devrait permettre de mieux cibler les actions collectives à mettre en place pour que chacun se positionne et puisse éventuellement identifier les points forts et les points faibles de chaque structure afin de s’entre-aider collectivement. Emeline : « Il va falloir se retrouver et faire le point. Chacun va peut-être pouvoir répondre à une demande d’un autre. » Gilles : « Je suis d’accord avec Emeline, en octobre, on va pouvoir discuter et créer une émulation et une suite et peut-être que quelqu’un aura envie de prendre la tête de réseau. On se connait tous un petit peu ici. » Morgan : « J’espère que tous ces efforts porteront leurs fruits, que cela va faire des émules et que le tourisme durable deviendra l’ADN du tourisme local pour éviter de tomber dans les travers du tourisme de masse comme nos collègues des iles de la Madeleine. »

Le prochain évènement consistera en un atelier de travail réunissant tous les acteurs engagés dans cette démarche puis suivra le 17 octobre prochain, une cérémonie organisée par la Collectivité Territoriale pour officialiser l’adhésion des premiers signataires de la Charte Tourisme Durable de St-Pierre-et-Miquelon.

A cette occasion, 13 opérateurs touristiques se verront remettre un certificat valorisant leurs engagements pris en faveur d’actions durables pour le territoire : la Ligne verte, le Roc Café, l’Auberge Quatre-temps, Les Terrasses du port, Escapade Insulaire, Chez Adrien, Art Passions, le Centre d’information Touristique de St-Pierre, le musée de l’Arche, la Maison de la Nature et de l’Environnement, La Passerelle, HDE Voyages et SPM ferries.

La Collectivité Territoriale souhaite ainsi inciter de nombreux autres professionnels à rejoindre cette démarche. Rendez-vous dans un an pour suivre les avancées de cette démarche collective.

————- Aller plus loin ——————

Ils sont cités dans l’article :

-Gilles Gloaguen, Escapade Insulaire, Treks tourisme d’aventure https://www.facebook.com/escapadeinsulaire :

-Emeline Momerency, Les Terrasses du Port

https://www.facebook.com/terrassesduport :

– La Ligne Verte, ferme urbaine

https://www.facebook.com/lignevertespm :

-Morgan et Cindy Hansen, Chez Adrien, hébergements légers de loisirs                          www.chezadrien.com

– La Ferme de l’Ouest                                                                                                                    lafermedelouest.com

– La Volière des Îles                          www.facebook.com/lavolieredesiles/

– Les Saveurs Fermières
lessaveursfermieresspm@gmail.com