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La Collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon s’affirme en tant que destination touristique durable.

Collectivité d’outre-mer située de l’autre côté de l’océan à quelques encablures de la côte sud de Terre-Neuve (Canada), Saint-Pierre-et-Miquelon reste profondément française malgré un destin peu connu des métropolitains. Fortement éprouvée par le moratoire de la pêche en cours depuis 1992, elle a connu des années difficiles et souhaite à présent se tourner vers le tourisme durable pour donner une nouvelle direction à son avenir économique et social. De nombreuses réalisations ont d’ores et déjà vu le jour au cours de cette dernière décennie comme l’adoption d’une marque territoriale ou la création d’une Maison de la Nature et de l’Environnement mais la Collectivité souhaite aller plus loin et a missionné le cabinet de consulting GéoSystème pour l’accompagner sur la mise en place d’une filière touristique apte à s’engager dans une démarche de tourisme durable avec à la clé une Charte et un référentiel de tourisme durable.

L’Archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon
Vue-isthme-et-Miquelon ©Jean-Paul Apestéguy

De la pêche à la morue au tourisme durable

Très ébranlée par le moratoire de 1992 qui la contraint à ne plus pêcher dans ses eaux, la Collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, dont toute l’histoire est liée à la pêche à la morue et aux activités portuaires, traverse alors des temps difficiles. Chef de projet du Schéma de développement stratégique de la Collectivité, Sylvie Allen-Mahé se souvient de ces années terribles : « Cela a créé un désastre économique localement. Les usines de pêche ont fermé, les gros chalutiers sont partis. Il a fallu totalement se réorganiser pour imaginer une nouvelle donne économique et sortir de ce néant. »  Le secteur touristique est alors identifié comme une diversification économique potentiellement viable. En 2015, la Collectivité décide de faire appel au Fond Européen de Développement pour mettre en place un Schéma de Développement stratégique et un plan d’action visant notamment le tourisme durable comme axe prioritaire. Sylvie Allen-Mahé : « Pendant ce premier Schéma 2015-2020, beaucoup de fonds ont été mobilisés pour organiser l’ingénierie touristique de l’archipel mais aussi la mise à niveau des équipements locaux. C’est au cours de ces années que la Maison de la Nature et de l’Environnement a vu le jour. » Dans le même temps, une marque territoriale est adoptée afin de promouvoir l’archipel :  « Saint-Pierre-et-Miquelon, des îles d’exception ». A partir de 2020, un deuxième Schéma  est lancé pour assoir cette ingénierie tout en continuant d’accompagner les acteurs de façon plus précise dans la mise en avant du tourisme durable. Objectif : positionner la Collectivité comme une destination potentiel de tourisme durable.

L’Archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon
Le port de Saint-Pierre©Chantal Briand

Le temps de l’accompagnement

Conscient qu’il va falloir organiser la filière afin que les professionnels et les acteurs de la Collectivité s’approprient ces notions de tourisme durable, Saint-Pierre-et-Miquelon lance alors une commande publique pour se faire accompagner. Près de 11 500 touristes étrangers ont visité l’archipel chaque année entre 2010 et 2015, l’objectif est de doubler cette fréquentation à l’horizon 2030 afin que le PIB progresse également de 25 à 30%. Le temps du Covid et des différents confinements vient toutefois perturber ces premiers élans et c’est finalement courant 2021 que l’appel d’offre est lancé, une mission d’un an et demi découpée en six phases remportée par le cabinet de consulting GéoSystèmecomposé de deux experts en tourisme durable :  Laurent Arcuset de Justine Tessereau. Sylvie Allen-Mahé : « Nous avons été très séduit par la grande lisibilité de leur offre, très claire, très incarnée, qui nous a très vite permis de nous approprier leur méthodologie d’autant qu’on voulait que ce soit concret pour nos professionnels, avec des temps d’échanges et de questionnements. » En juin 2023, Justine Tessereau se rend dans l’Archipel pour faire un premier état des lieux des pratiques et consulter les acteurs, l’occasion de rencontrer une trentaine de professionnels de tout horizon et d’avoir une vision globale des niveaux de compréhension et des attentes. Justine Tessereau : « J’ai réalisé que pour beaucoup de professionnels, le tourisme durable était un concept très flou, beaucoup de pros ne s’étaient jamais posés ces questions-là. » Une première mission de terrain riche d’enseignements qui permet aussi de commencer à réfléchir à une charte de Tourisme durable (un des objectifs de la commande publique) adaptée au contexte de Saint-Pierre-et-Miquelon. En novembre 2023, c’est au tour de Laurent Arcuset de passer une semaine dans l’Archipel afin d’approfondir plus précisément le contenu de la future Charte mais aussi d’assister à un évènement touristique phare de l’archipel : « Les Rencontres Territoriales du Tourisme » lui permettant de rencontrer un maximum de professionnels au travers de conférences et d’ateliers.

L’Archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon
Ateliers participatifs_juin 2023 ©Géosystème

Des enjeux locaux complexes mais bien identifiés

Le travail est en cours, le défi est de taille pour le cabinet GéoSystème qui doit se rendre une troisième et dernière fois dans l’Archipel en mai prochain afin de réaliser le suivi de la démarche engagée avec une Charte de tourisme durable et un référentiel à la clé. Un bilan sera ensuite proposé puis il sera temps de lancer  la dernière phase de la mission : un plan de communication visant à maintenir la dynamique et permettant de sensibiliser et d’encourager l’adhésion des acteurs locaux.  A noter que le contexte touristique de Saint-Pierre-et-Miquelon est tout à fait particulier, avec près de 90% des touristes provenant d’Amérique du Nord et notamment du Canada et de Terre Neuve, ce qui peut par exemple avoir une incidence concrète sur le choix des labels (qui devront être lisibles pour tous et notamment pour des natif d’Amérique du Nord). D’autres particularités locales peuvent aussi compliquer la tâche des mesures à prendre, comme le fait que l’énergie soit à 100% carbonée ou qu’il n’y ait pas de compteurs d’eau sur l’archipel rendant très difficile la mesure de la gestion de la ressource. Autre contrainte, le manque d’hébergement rendant difficilement compatible le souhait d’augmenter le nombre de visiteurs ou de les faire rester plus longtemps sur place. Sylvie Allen-Mahé : « En saison, si les visiteurs n’ont pas prévu en amont de venir à St Pierre-et-Miquelon, tout est complet, il est impossible de trouver une chambre. » En 2023, la capacité d’hébergement recensé était de 374 personnes (411 en comptant les hébergements ponctuels), soit 220 lits et 127 chambres. Rappelons toutefois pour faire justice à ces chiffres que Saint-Pierre compte 6000 habitants, Miquelon-Langlade 600 et que l’archipel comprend aussi  l’Île-aux-Marins et plusieurs îlots inhabités.

L’Archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon
L’île aux Marins ©Chantal Briand

Et demain un tourisme plus durable ?

Malgré ces contraintes et ces particularismes, l’archipel compte pléthore d’atouts pour devenir une destination durable d’excellence. Déjà, outre sa culture française qui attire fortement les touristes d’Amérique du Nord, il jouit d’un sanctuaire naturel idéal pour développer l’écotourisme : randonnées pédestres avec découverte de la faune et de la flore,  expérience immersive au cœur d’espaces vierges, rencontres et partages d’expériences locales avec les Saint-Pierrais et Miquelonnais, circuits en mer, balades en voiliers, etc. Depuis 2021, un portail web interactif et participatif met en valeur le patrimoine naturel et la biodiversité de l’archipel. En sus, le déficit d’hébergement est actuellement résolu en parti par des projets d’habitats alternatifs soutenus par la Collectivité, des Habitations Légères de Loisir, des mini-gites autonomes et l’ouverture d’un camping caravaning  qui permettra aux nombreux Canadiens de Terre Neuve ou d’au-delà qui arrivent en van ou camping-car de trouver des emplacements adaptés. Car l’objectif est évidemment d’encourager ces populations à rester plus longtemps sur place, et notamment de découvrir aussi les îles de Miquelon-Langlade souvent délaissées au profit de St Pierre. La Maison de la nature de l’environnement, inaugurée en 2017, représente en ce sens un nouveau pôle touristique attractif  sur Miquelon. Les voyageurs y sont bien accueillis et y trouvent de nombreuses prestations écotouristiques : éco balade, atelier d’éducation à l’environnement, etc.  Sylvie Allen-Mahé : « On essaie vraiment de promouvoir la complémentarité et les liens forts entre Saint-Pierre, certes la capitale, mais la plus petite des iles et Miquelon-Langlade, dont le vaste territoire est beaucoup moins peuplé. »

L’Archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon
Randonnées-avec-Escapade-Insulaire-©Gilles Gloaguen

Pour l’heure, les derniers chiffres sont encourageants puisque sur les trois premiers trimestres 2023, près de 13 000 touristes étrangers se sont rendus sur l’Archipel (+ 18,5% par rapport à 2013). Entre mai et septembre 2022, ils étaient très de 10 500 touristes ; principalement des Canadiens (5 500)   qui arrivent par voie maritime via la province de Terre-neuve et Labrador mais aussi 4 000 croisiéristes et 1100  par voie aérienne (la diaspora de l’île et sa famille le plus souvent). Entre 2015 et 2020, deux ferrys ont été construits et mis en service pour renforcer l’offre de transport maritime permettant l’accès aux vans et camping-cars sur l’île, avec des rotations quasi quotidiennes en saison touristique. L’enjeu pour l’ensemble de l’archipel et ses acteurs, est de s’engager dans une démarche vertueuse permettant de construire une offre touristique durable à très haute valeur ajoutée, illustrant parfaitement la marque « des îles d’exception ». Un joli pari que nous continuerons à suivre dans deux articles à venir prochainement !

L’Archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon
Randonnées avec Escapade Insulaire ©Roger St-Laurent
L’Archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon
Ecobalade dans la vallée des 7 étangs, organisée par la MNE Maison de la Nature et de l’Environnement, avec comme guide Axel Hacala, le 3 août 2016

La Collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon s’affirme en tant que destination touristique durable. | ©VOYAGEONS AUTREMENT
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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