Vendée, Puy du Fou et autres sorties polémiques…
Dans l’imaginaire touristique, la Vendée s’apparente à de longues plages, des marais humides mais aussi au Puy du Fou, parc à thème historique fondé en 1989 par Philippe de Villiers qui présente plusieurs spectacles historiques avec force moyens et effets spéciaux. Depuis fin janvier, les productions Puy du Fou ont également sorti un premier long métrage, « Vaincre ou Mourir », un film revenant sur les guerres de Vendée et la vie de François Athanase Charrette de la Contrie qui a très vite créé une forte polémique dans la presse…. ; de nombreux titres de gauche conspuant un film issu de l’offensive conservatrice en cours « mettant en scène les bons royalistes contre les méchants républicains » quand d’autres, sur le flanc droit des rotatives, louent une sortie en salle qui permet de clamer haut et fort que la Vendée, « c’est l’histoire d’un « populicide » bien de chez nous, mais que nos manuels d’histoire ont volontairement occulté pour ne pas ternir le roman national bâti autour de la Révolution. » Tribunes et articles se sont ainsi succédés avec au-delà du film, un véritable débat politique autour du sens de l’Histoire.
Vaincre ou Mourir
Afin de nous faire une idée sur cette polémique qui ravive de nombreux débats, nous sommes allés voir « Vaincre ou Mourir » en salle, un lundi, les séances du week-end étant déjà complètes, comme quoi la controverse est un atout certain pour le remplissage des salles. Concrètement, le film raconte les guerres de Vendée (1793-1796) en suivant le personnage de François Athanase Charrette de la Contrie. On découvre alors un pan d’histoire que l’on avait peu étudié en classe, une facette sombre de la révolution française qui fit 200 000 morts, un drame qui s’explique par de multiples facteurs mais notamment par l’état d’extrême pauvreté dans lequel se trouve une grande partie du peuple français alors. Car c’est la misère dans laquelle se trouve alors la paysannerie qui est l’une des premières causes de ces révoltes, catalysées ensuite par la réquisition des communaux. Face à la conscription obligatoire pour la guerre aux frontières de l’est qui vont les priver de leurs fils pour les travaux des champs, les paysans se soulèvent. Plus d’église, plus de curé, plus de roi, ils vont chercher Charrette, un noble, ancien lieutenant de vaisseau, pour l’implorer de prendre le commandement de la révolte afin d’affronter la République avec l’espoir fou de reprendre le pays aux Bleus grâce à l’aide des Anglais et de l’armée des émigrés. Et ainsi va le film, de révoltes en massacres sanglants, autant de combats et de tueries sauvages qui s’achèvent avec la mort de Charrette.
Aujourd’hui encore, les batailles et massacres qui ont marqué ces guerres restent un traumatisme pour toute une partie de la Vendée, reprochant aux républicains d’avoir effacé avec l’exécution de Charrette les milliers de morts dramatiques qui ont ensanglanté toute la Vendée mais au-delà Nantes, Cholet, Angers… Alors quid du roman national ? Il y a là déjà un premier débat, que le film esquisse dès son commencement, puisqu’il s’ouvre par quelques commentaires d’historiens, que l’on ne reverra plus, puisque l’histoire s’achève donc avec la mort de Charrette comme une fin de non-recevoir de la révolution triomphante. Se pose alors la question de l’Histoire, de ses récits, de sa mémoire, et de ce qu’il en reste. Et là, on est embêté. Parce que oui, on est bien conscient qu’il est important de ne pas laisser de côté les parts les plus sombres de notre histoire, n’a-t-on pas ce débat de façon récurrente pour la Guerre d’Algérie, les crimes de masse sous Vichy, et on pourrait sûrement remonter bien d’autres traumatismes au fil du temps et de la plume. Mais quid d’un film financé par Vincent Bolloré produit par le Puy du Fou de Nicolas de Villiers qui suit les traces de son père, un sillage bien à droite, labouré par un catholicisme réactionnaire ? Serait-ce comme l’accuse Libé ou une tribune d’Alexis Corbière et de Matthias Tavel des Insoumis dans Le Monde pour les extrêmes droites et droites extrême une façon « d’imposer à la société leur grille de lecture des problèmes de notre temps, leur haine de l’égalité républicaine, leur nostalgie morbide de pseudo-traditions catholiques intégristes, leur nationalisme « de la terre et des morts » [selon Maurice Barrès], autant de prétextes à exclure de la nation française tous ceux dont les origines familiales seraient d’ailleurs ».
En ce qui nous concerne, si nous savons combien il faut être vigilant dans l’entreprise de « colonisation des esprits» que peut représenter le groupe Bolloré qui engloutit progressivement de nombreux médias avec toutes les dérives que l’on sait, ce film nous a envers et contre tout permis de mieux appréhender ce qui fut un vrai traumatisme à l’échelle d’une région, les massacres perpétués par les Uns et les Autres pour une guerre trop violente, une Terreur qui reste un traumatisme à Nantes, Savenay, et bien d’autres lieux encore, qui sacrifia de nombreux civils, pris en otage par la folie des hommes, de l’histoire et des guerres. Alors, au-delà des polémiques et des prises d’otages idéologiques, on se dit qu’il peut quand même être intéressant d’aller voir ce film en conscience, non pas pour rétablir une quelconque monarchie revancharde, ceux qui nous lisent régulièrement s’en doutent bien, mais par hommage à la mémoire, à tous ceux qui sont tombés, des deux côtés, victimes bien souvent innocentes.
Aujourd’hui, dans l’imaginaire touristique de la Vendée, au-delà des longues plages, des marais humides, d’un camping de Vendée en bord de mer, au-delà même du Puy du Fou et de tout ce qu’il représente, il y a aussi ces années-là, entre 1793 et 1796, des années qui posent le socle de bien des débats à venir. Comprendre, appréhender, rester curieux, écouter, à droite, à gauche, débattre, c’est peut être aussi cela, voyager autrement.
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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2 réponses à Vendée, Puy du Fou et autres sorties polémiques…
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Voilà un commentaire sur le film résonné,
Il ne rentre pas dans la caricature d’une certaine presse financé grassement
avec nos deniers et apeuré par le début de la fin de son hégémonie culturelle.
Enfin un article qui ne prend partie pris .
Juste posé un fait historique, il me semble bon, pour ce faire sa propre opinion, de prendre le temps d’aller voir se film.
Contrairement aux paroles, les écrits ne s’évanouissent pas dans l’air et laissent des traces.